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MONSEIGNEUR PIERRE VALENTIN

Pierre, Sylvain Valentin est né le 11 décembre 1880 aux Terrassettes, petit village de la Commune d’Usson dans la Loire. Ses parents étaient de ces solides paysans du Forez, fidèles à leur foi et à leurs traditions, intransigeants sur les devoirs religieux. Ils lui ont transmis une piété ferme, éclairée, et un sérieux qui pouvait paraître de prime abord un peu rigoriste.

Le jour même de son ordination sacerdotale, le 19 juin 1904, il reçoit sa destination pour la mission du Thibet. Ses confrères arrachent des poils de la barbe à cet heureux partant qui a obtenu la meilleur part, celle dont tous rêvaient, la mission où l’on n’a pas coutume de mourir dans son lit !

Le Père Valentin arrive à Tatsienlu, siège de la mission , à l’extrêmité orientale du Thibet, à la fin de 1904. Aussitôt, il se livre avec ardeur à l’étude du chinois. Ses progrès sont rapides et il est bientôt envoyé en stage pratique à Lengtsi, poste récemment créé dans le district de Chapa, au sud-est de Tatsienlu. Il y passe seize mois heureux et arrive à parler chinois avec beaucoup de facilité. Son vicaire apostolique, Mgr Giraudeau, le rappelle alors à l’évêché pour reprendre en main le petit séminaire qui végète sous la trop maternelle direction d’un vieux prêtre thibétain, unique représentant du clergé autochtone à cette époque. A force de patience, le Père Valentin parvient à imposer son autorité à la quinzaine de séminaristes installés dans une dépendance de l’évêché. Ce n’est pas sans difficultés ni déboires, mais, en 1911, il goûtera la première récompense de ses efforts avec l’ordination sacerdotale du Père Vincent Ly, qui viendra lui apporter une aide précieuse au séminaire.

Puis Mgr Giraudeau recourt à lui pou gérer la procure. En 1908-1909, le Père dirige la construction de plusieurs bâtiments où les Franciscains missionnaires de Marie viendront établir un hôpital et un orphelinat en 1911. Il se fait même entrepreneur pour la future cathédrale dont le Père Ouvrard est l’architecte. Le bois des colonnes et des charpentes est encore dans la forêt; personne n’accepte d’aller le chercher. Alors le Père Valentin se dévoue : pendant les vacances, il emmène ses élèves dans la vallée du Ya Kia Ken et, logeant avec eux dans les huttes primitives édifiées de leurs mains, il organise et active les travaux, puis assure un difficile transport à travers un col de 4000 mètres d’altitude. Le supérieur et ses élèves reviennent épuisés, amaigris, couverts de vermine, mais le bois est à pied d’œuvre en temps voulu.

En 1911, éclate la révolution chinoise qui aboutit à la proclamation de la République. Des bandes armées envahissent le Se-Tchouan et parviennent jusqu’aux Marches thibétaines. Tatsienlu est menacé. Mgr Giraudeau décide le départ des séminaristes, des religieuses et de leurs orphelins vers l’ouest, jusqu’au Tongolo, à quatre journées de marche. Le Père Valentin, supérieur du séminaire et procureur, est le Moïse de cet exode. Lorsque la menace chinoise est écartée, les exilés reviennent à Tatsienlu. Mais, à peine arrivés, ils doivent fuir de nouveau, cette fois vers l’est, afin de se mettre à l’abri des rebelles thibétains. Installés provisoirement à Chapa, ils ne regagnent le centre de la mission qu’en avril 1912.

Le Père Valentin réorganise alors son séminaire. Pour lui assurer un silence favorable aux études et à la prière, il construit de nouveaux bâtiments en dehors de l’évêché, inaugurés en août 1912.

L’année suivante, le Père Valentin est nommé second vicaire, chargé de la vaste portion du vicariat qui avoisine le Yunnan, à vingt-cinq jours de marche au sud-ouest de Tatsienlu. La plupart des chrétientés sont établies dans la vallée du Mékong; quelques-unes se trouvent dans celles du Fleuve Bleu et de la Salouen ou sur les plateaux qui les dominent. Le Père devient en même temps curé de Yerkalo, l’un des postes les plus avancés en amont du Mékong. Sa possession est l’objet de perpétuelles querelles entre Chinois et Thibétains et les missionnaires n’y sont jamais sûrs du lendemain. Mais, en 1914, le provicaire s’installe plus au sud, à Tse Kou (Tse chung) où il se trouve davantage au centre de l’immense région dont il supervise l’apostolat. Dès son arrivée il s’est mis à étudier le thibétain avec le même zèle et le même succès que naguère le chinois. Mais de nombreuses difficultés l’assaillent, des malheurs surviennent, telle la grave maladie contractée par de nombreux enfants à la suite d’une vaccination. Si la paix règne dans cette partie du Thibet, la famine et les épidémies multiplient les victimes et provoquent d’incessantes émigrations. Chez les chrétiens, ces vides sont à peine comblés par les baptêmes. 1919 est une année terrible : la peste se déclare au début de janvier; des villages entiers sont atteints, toute activité est suspendue, il n’y a même plus d’assistants à la messe du dimanche. La Père Valentin est atteint parmi les premiers. L’hiver suivant, le typhus vient à son tour désoler le pays, le provicaire n’est pas d’avantage épargné et n’en réchappe que de justesse.

Le Père Valentin est de retour à Tatsienlu en 1921, heureux de retrouver son premier champ d’apostolat. Nommé provicaire pour la région du nord, il reprend ses anciennes activités de procureur et de supérieur du séminaire. Pauvre supérieur, qui ne trouve guère d’aide autour de lui : il doit se charger de la plupart des cours du séminaire et de quelques autres auprès des religieuses institutrices.

MONSEIGNEUR GIRAUDEAU entouré des prêtres du diocèse

Mgr Giraudeau, qui avance en âge, ne se sent plus capable d’assurer la visite pastorale des postes éloignés. Il demande un coadjuteur et c’est le Père Valentin qui est élu en décembre 1926, avec le titre d’évêque titulaire de Zeugma de Syrie. Il reçoit la consécration épiscopale à Tatsienlu même, en août 1927, des mains de Mgr Rouchouse assisté de Mgr Renault et du Père Poisson. Le nouveau coadjuteur n’en continue pas moins à diriger le séminaire et à assurer l’aumônerie des religieuses de l’hôpital.

La mission vient d’acheter un terrain assez vaste à Tse Ma Khiao à cinq kilomètres au sud de Tatsienlu. Avec le Père Valour, Mgr Valentin y fonde la colonie « Sainte-Thérèse » où catéchumènes et néophytes peuvent tirer leur subsistance du défrichement de la culture. En l’honneur de la Sainte de Lisieux, il y bâtit une belle chapelle qui va devenir un centre de pèlerinage, fréquenté même par les païens.

Il s’occupe alors de la fondation de la léproserie d’Otangse – à 4 km du poste de Mosimien et à 58 km au sud de Tatsienlu, au-delà du col de Ya Kia Ken – pour laquelle Mgr Giraudeau a obtenu l’autorisation officielle. Il y conduit lui-même quatre Franciscains arrivés en avril 1930 : deux frères qui se chargeront des travaux et de la recherche des lépreux et deux Pères aumôniers qui s’occuperont en outre de la chrétienté. L’année suivante quatre Franciscains missionnaires de Marie viennent prendre la direction de l’établissement, inauguré le 6 avril, lundi de Pâques.

Quelques mois plus tôt, à la fin de 1930, des religieux du Grand Saint-Bernard sont venus édifier un projet de fondation sur les hauts plateaux thibétains, entre le Mékong et la Salouen. Ils reviennent en 1933 pour leur installation définitive. Pendant quinze ans, ils tiendront à rester sous l’autorité du vicaire apostolique de Tatsienlu. C’est à ce titre qu’ils reçoivent la direction du séminaire fondé à Weisi, dans la vallée du Mékong, pour les élèves purement thibétains.

En mai 1935, la mission du Thibet est envahie par des troupes communistes venues à la fois du nord et du sud. Les districts de la partie orientale du vicariat et la léproserie d’Otangse sont saccagés; deux Franciscains – un Père et un Frère – sont tués.

Et immense joie qui compense bien des tristesses, Mgr Valentin ordonne prêtres les trois premiers séminaristes revenus de Penang (Malaisie). Pareille cérémonie ne s’était encore jamais vue au Thibet !

En juin1936, Mgr Giraudeaau célèbre son jubilé sacerdotal, de diamant. Il a 86 ans, depuis longtemps déjà il s’est déchargé sur son coadjuteur de la direction de la mission. Mais pour laisser toute liberté à celui-ci, il donne sa démission au mois d’août. Mgr Valentin devient vicaire apostolique.

En 1937, la détresse est extrême dans le pays : on se bat, on s’entretue pour un morceau de pain, il y a même des scènes de cannibalisme. Autour de Tatsienlu, les routes sont infestées de brigands… La situation s’améliore cependant et Mgr Valentin peut reprendre ses activités normales. En marge de ses tâches épiscopales, il continue de donner des cours au séminaire. Pendant les vacances, il visite les postes de la région, laissant au Père Goré la charge des Marches thibétaines du Yunnan.

Depuis longtemps il a eu l’idée de faire venir des prédicateurs étrangers au vicariat pour donner des retraites au clergé et aux communautés, ainsi que des missions aux fidèles. Ce projet se réalise pour la première fois en 1938 avec la venue du Pères Rédemptoristes.

La deuxième guerre mondiale n’a d’autre effet immédiat, en ce pays à l’écart du monde, que d’augmenter les restrictions. Et l’on peut espérer que des temps meilleurs sont venus pour la mission du Thibet quand, l’année même de son centenaire, en 1946, l’institution de la Hiérarchie épiscopale en Chine fait du vicaire apostolique le premier évêque résidentiel de Kangting (nouveau nom de Tatsienlu). Ces espoirs seront vite déçus.

Cette même année, les autorités thibétaines expulsent de Yerkalo le Père Tornay, chanoine de Grand Saint-Bernard.
Les séminaristes, confiés à la direction du Père Richard, doivent chercher asile près de Mosimien dans des installations de fortune.

C’est en 1949 que les Chanoines du Grand Saint-Bernard acceptent de prendre sous leur propre responsabilité les Marches thibétaines du Yunnan. La fondation de cette nouvelle mission est aussitôt endeuillée par l’assassinat du Chanoine Tornay qui a voulu aller à Lhassa plaider lui-même la cause de sa chrétienté de Yerkalo.

En mars 1950, quinze ans après leur premier passage dans la région, les communistes reviennent à Kangting en « libérateurs »…. Il est sommé de signer un acte de repentir : le pasteur protestant qui y a consenti a été relâché aussitôt. Mgr Valentin s’y refuse, parce que le texte met des tiers en cause. A 9 heures du soir il consent enfin à signer une reconnaissance de ses seules « fautes » personnelles.

Le Père Valentin arrive avec les Pères Charrier, Le Corre et Pecoraro à Hong-Kong le 17 novembre 1952. Mgr Valentin est immédiatement admis à l’hôpital Saint-Paul, mais son taux d’urée interdit l’opération qui s’impose d’urgence. Dès le 14 décembre, accompagné du Père Charrier, il est transporté en avion à Paris où il arrivera le surlendemain.

MONSEIGNEUR VALENTIN

En recommandant Mgr Valentin aux prières des communautés religieuses et des fidèles de son diocèse, Mgr de Courrèges résumait ainsi la vie du grand missionnaire :  » La sévérité du climat, les distances à parcourir dans un diocèse de montagnes grand comme le quart de la France, la dispersion des populations et l’isolement des missionnaires, tout ce qu’un changement de civilisation demande de sacrifices et les renoncements que Dieu seul sait furent la matière de l’offrande quotidienne que Mgr Valentin renouvela au cours de ses quarante-sept ans d’apostolat au Thibet. » La persécution communiste, puis l’expulsion du pays auquel il avait tout donné furent le couronnement d’un tel apostolat. Mgr Lovey, prévôt du Grand Saint-Bernard, évoquant tout ce que ses religieux missionnaires doivent à leur ancien vicaire apostolique, lui rendit ce témoignage : « Il fut un missionnaire d’un zèle extraordinaire et d’une mortification peu commune ». Enfin S. Em. le cardinal Agagianian, préfet de la S. congrégation de la Propagande, apprenant le décès de Mgr Valentin, exprima le vœu que tant de souffrances offertes au cours de sa longue existence contribuent à la conversion du monde et particulièrement à la paix de la Chine.

EXTRAITS tirés de l’EPIPHANE 1962-1968 (mai 1962)

DMC

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