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HISTOIRE DES MIAO

HISTOIRE DES MIAO   (F.M: Savina (MEP) — Nazareth – Hong Kong — 1930)   EXTRAITS

Leurs caractères somatiques sont également différents de ceux des individus de toutes les autres races de l’Asie. La taille moyenne des hommes et petites femmes, la poitrine bien développée et les épaules larges, les mains et les pieds petites avec des attaches fines, la figure large, le nez ordinairement écrasé et quelque fois droit, les pommettes légèrement saillantes, les joues bouffies des jeunes gens des deux sexes, la bouche petite, les lèvres minces, les yeux légèrement bridés, petits et avec une tendance à se fermer, enfin, les cheveux tantôt noirs ou châtains, tantôt bruns ou couleur barbe de maïs, la peau d’une teinte jaune claire ou blanche et la barbe peu fournie, sont autant de traits qui font de ces hommes une race spéciale tenant le milieu entre la race blanche et la race jaune.

Au point de vue religieux, ils diffèrent encore de tous leurs voisins; ils ne sont ni boudhistes, ni taoïste, ni confucianistes, ni shintoïstes; ils n’élèvent point de temples ni de pagodes, et on ne voit chez eux ni peintures ni idoles; ils professent un monothéisme, qui est le monothéisme primitif plus ou moins pur, conservé par la tradition.

Au point de vue social, ils possèdent aussi une organisation qui leur est propre; ils vivent par tribus, ne reconnaissent que des chefs de leurs tribus, et ne se marient que dans leurs tribus.

Ces hommes qui dans leurs langues s’appellent Hmong, occupaient déjà le bassin inférieur du fleuve Jaune et celui du Hoai à l’époque lointaine où les ancêtres des Chinois firent leur première apparition dans ces parages.

Ces derniers, qui devaient dans la suite se spécialiser dans la façon orgueilleuse de nommer tous les autres peuples, ignorant le nom de leurs nouveaux voisins les appelèrent Miao, et c’est sous ce sobriquet qui veut dire hommes des champs, cultivateurs, aborigènes ou sauvages, qu’ils sont arrivés jusqu’à nous.

Leurs annales se contentent de nous apprendre que les Miao existaient déjà au temps de Hoang-ti, et qu’ils furent les premiers ennemis des chinois. Elles auraient pu nous apprendre aussi, au lieu de nous le laisser deviner, qu’ils infligèrent aux Chinois leur première défaite ! Mais ces choses-là ne se disent pas, et surtout ne s’écrivent pas en chinois.

Le manque de connaissance de la langue de ce peuple ne leur a pas encore permis de s’entendre pour sa classification, ce qui a fait dire à Elisée Reclus en 1880 : “Il est à craindre que les restes de la nation miao ne disparaissent avant qu’on ait même pu la classer parmi les autres races de l’Asie.”

Cette langue ne présentant aucune affinité avec aucune autre langue de la Chine, ie teint jaune clair, presque blanc, de ceux qui la parlaient, leurs cheveux souvent châtains ou bruns, parfois même roux, surtout chez les femmes ne me permettant pas davantage de les apparenter avec aucune autre race de la Chine, je me suis demandé tout naturellement d’où pouvait bien venir ce peuple nomade qui s’appelait Hmong, que les Chinois avaient appelé Miao aux premiers siècles de leur histoire, et qui depuis cinq mille ans avait visité tour à tour toutes les hauteurs de l’Asie orientale, depuis le Hoang-Ho jusqu’au Mékong. 

Nous dirons plus loin que l’existence de ce peuple cinq fois millénaire est un véritable phénomène historique; la conservation de sa langue; sans le secours d’aucune écriture, à côté d’autres langues fixées par une écriture, et en particulier de la langue chinoise qui possède une écriture vieille de cinquante siècles, est un autre phénomène linguistique peut-être unique au monde.


* * * Introduction

Les peuples dont nous citons les langues dans ce premier chapitre sont : les Man, les Lolo, les Thai, les Annamites, les Chinois, les Thibétains, les Tartares, les Malais et les Stieng. Pour la langue tartare nous nous sommes servi des travaux du R.P. Amyot, pour la langue thibétaine des travaux du R.P. Goré, pour la langue lolo des travaux du R.P. Vial, pour la langue malaise des travaux de Monsieur W. Marsden, et pour la langue stieng des travaux du R.P. Azémar. Pour les autres langues nous nous sommes servi de nos propres travaux.

L’histoire est une lutte perpétuelle, c’est en se battant que les peuples se sont mélangés, et plusieurs de ces mots étrangers que l’on rencontre dans les langues anciennes, sont des témoins de quelque antique esclavage ou de quelque lointaine défaite. Les langues subissent le sort des peuples qui les parlent. Les peuples faibles parlent, tôt ou tard, les langues des peuples forts; les vaincus parlent les langues des vainqueurs, et les langues des peuples qui disparaissent de l’histoire deviennent des langues mortes. Seules, les langues de races fortes, fières, tenaces, parviennent à vaincre les siècles; telles sont, en Europe, par exemple, les langues celte et basque, et telle est en Asie, la langue miao, dont plusieurs mots n’ont pas changé de couleur au soleil de cinquante siècles. C’est dans ces langues que l’on rencontre de ces vieux mots témoins des premiers âges de l’humanité, de ces vieux mots solitaires, de ces mots qui n’ont plus ni père ni mère dans aucune langue connue. Dans le cours de cette étude, nous verrons défiler quelques uns de ces vénérables “potentats” de la linguistique, que des tribus farouches, errant depuis des siècles sur les sommets des montagnes asiatiques, se sont transmis fidèlement de génération en génération comme souvenir de leur lointaine origine et comme témoignage de leur antique indépendance. Ce peuple extraordinaire qui n’a jamais connu de patrie fixe, n’a cependant jamais connu l’esclavage. L’indépendance est le signe distinctif des Miao de tous les temps. .

A cette époque lointaine, les chinois appelaient les miao, san miao, sen miao ou gieou miao. Le sens de ces appellations serait d’après les uns, fils des champs incultes, et d’après les autres, hommes nés dans les champs, nés dans le pays, naturels, aborigènes. Ce peuple est universellement connu aujourd’hui sous ce nom. Mais les miao en sont toujours froissés; ils n’ont jamais voulu reconnaître, et ils ne reconnaîtront jamais ce nom de baptême imposé par les chinois. Ils expliquent de la manière suivante l’origine de ce surnom. Notre nom était HMLAO, disent-ils et les chinois ne pouvant pas arriver à prononcer ce mot, ont pris l’habitude de nous appeler miao.

Quoiqu’il en soit de toutes ces vieilles appellations, aujourd’hui tous les miao de toutes les tribus, de tous les pays, s’appellent eux-mêmes universellement HMONG. 

Quand un enfant miao pleure, sa mère lui donne une hotte pour l’apaiser; tous les enfants miao jouent à la hotte; tresser une hotte est le premier métier qu’ils apprennent; la hotte est pour ainsi dire leur premier habillement, et il n’est pas rare de rencontrer des enfants miao qui ne portent qu’une hotte pour tout habillement ! Les grandes personnes ne sortent jamais de la maison sans la hotte sur le dos, même quand ils n’ont absolument rien à porter; au fond, ils prennent une hotte, comme nous, nous prenons une canne, pour avoir une contenance. On met tout dans cette hotte, les femmes y mettent leurs enfants quand elles vont travailler aux champs, et les hommes y mettent leurs poulets et leurs petits cochons quand ils vont au marché. Le seau d’eau puisé à la fontaine, le bois mort cueilli dans la forêt, l’herbe coupée dans les champs, le riz, le maïs récoltés, sont emmenés à la maison dans la hotte. La hotte doit être d’origine miao !

“Une des plus sérieuses (considérations) se tire de la linguistique. Les trois formes fondamentales du langage humain se retrouvent dans les mêmes contrées et dans des rapports analogues. Au centre et au sud-est de notre aire, les langues monosyllabiques sont représentées par le chinois, le cochinchinois, le siamois et le thibétains. Comme langues agglutinatives, nous trouvons du nord est au nord-ouest le groupe des ougro-japonaises ou altaïques; au sud celui des langues dravidiennes et des malaies, à l’ouest les langues turques. Enfin, le sanscrit avec ses dérivés, et les langues iraniennes représentent au sud et au sud-ouest les langues à flexion”.

Habitats actuels de la race Thai. – Les habitats actuels de la race Thai sont : les Etats Chan, la presqu’île de Malaca, le Siam, le Laos, le Tonkin, le Yunnan, le Koui-tcheou, le Kouang-si, le Kouang-tong et l’île de Hainan. Comme on le voit, ce groupe ethnique considérable, couvre de ses ramifications le Sud de la Chine et toute la péninsule Indochinoise, vaste région comprise entre les 10° et 30° de latitude et les 90° et 110° de longitude.

Tous ces peuples du Sud de la Chine, campés entre le fleuve Bleu et la mer, sont indistinctement appelés “Man” ou Barbares par les historiens chinois. Leur présence est signalée pour la première fois, sous le règne de Chounn (2255 av.J.C.). Ils sont signalés ensuite sous les règnes de U (2205-1767); de Ou (1122-1116); de 1 (894-879); de Suan (827-782); de Yuan (475-469).

On croit, en général, que sous cette appellation commune de Man, il faut comprendre trois races, la race Man ou Yao, connue encore aujourd’hui sous ces noms, la race Kiao-tche ou annamite, et enfin la race Thai.

Il est inutile de citer des textes historiques ultérieurs, il suffit en effet de jeter les yeux sur une carte du sud de la Chine pour se rendre compte que les populations des races thai occupent encore de nos jours les mêmes régions qu’elles occupaient au XVème siècle. Nous ne reviendrons donc plus sur leurs habitats actuels que nous avons signalés au commencement de cette étude..

Les Thibétains. – Le Thibet est borné au Nord par le Turkestan chinois et le pays de Koukou-Noor, à l’Est par la Chine, au Sud par la Birmanie et l’Hindoustan, à l’Ouest par le Ladak. comme on le voit, les habitants de cet immense plateau appelé le “toit du monde”, sont englobés entre les Aryens au Sud et au Sud-Ouest, les Turcs à l’Ouest et au Nord, les Mongols à l’Est et enfin les Chinois au Sud-Est.

Ils sont au nombre de cinq ou six millions. Voici, d’après les historiens, leurs principaux caractères somatiques; taille moyenne, ou au-dessous de la moyenne; teint basané tirant sur le jaune cuivré, le café au lait; cheveux noirs et gros; barbe peu fournie; visage large avec pommettes assez saillantes; tête courte et large; yeux noirs et bridés; nez droit et mince; bouche large; lèvres un peu grosses et mâchoires prognathes. Quelques individus ont le teint assez clair et les caractères faciaux atténués; c’est dans le Sikkinn que les types anciens de la race se sont le mieux conservés. Par ces populations du Sikkin, nous empiétons sur la famille Népalienne, composée de tribus primitives du Nord de l’Inde, refoulées par l’invasion aryenne dans les vallées de l’Himalaya, et se rattachant anthropologiquement à la race Dravidienne.

D’après le P. Azémar, qui a passé plusieurs années parmi eux, les Stieng seraient grands, droits, robustes, et auraient les bras très longs. Un autre auteur, le Dr. Verneau, dit qu’ils sont d’un teint foncé, presque noir, avec des cheveux noirs incultes, une barbe rare et un nez légèrement épaté. Ces peuplades erratiques de la chaîne annamitique et du bassin du Mékong, semblent apparentées de très près à d’autres peuplades errant dans les bassins de la Salouen, de l’Irraouaddi et du Brahmapoutre, les Khas, les Karens, les Abors, etc.. C’est dans l’Assam, les vallées hymalayennes, le Népal, le Boutan, que l’on droit chercher leurs origines.

Les langues ont été classées, d’après les trois états successifs du développement du langage, (état monosyllabique et isolant, état agglutinant, état flexionnel ou amalgamant) en trois grandes familles, ou classes, les langues monosyllabiques, les langues agglutinantes et les langues à flexion.

D’après les données statistiques que l’on possède, les langes monosyllabiques seraient parlées aujourd’hui par près de 500 millions d’hommes, les langues agglutinantes par 250 millions environ, et les langues à flexion par plus de 500 millions. Dans ce tableau synoptique, nous n’avons affaire qu’aux deux premières classes, celle des langues monosyllabiques, comprenant le miao, le man, le lolo, le thai, l’annamite, le chinois, le thibétain et le stieng, et celle des langues aggiutinatives comprenant l’idiome tartare-mandchou et le malais.

L’aire d’habitat des huit peuples parlant les huit langues monosyllabiques ci-dessus, est très étendue. Elle représente sur la carte de l’Asie un immense triangle à peu près équilatéral formé par trois lignes droites se coupant aux trois points suivants : 1. la pointe extrême occidentale du Thibet sur la frontière du Ladak (point d’intersection du 75e degré de longitude et du 35e degré de latitude nord); 2. la pointe extrême de la presqu’île de Leao-Tong, dans le golfe de Pe-tchi-li (point d’intersection du 120e degré de longitude et du 40e degré de latitude); 3. la pointe extrême du Cambodge dans le golfe du Siam (point d’intersection du 104e degré de longitude et du 2e degré de latitude). Cet immense triangle linguistique, dont le Kouei-tcheou occupe sensiblement le centre, est arrosé par les plus grands fleuves de l’Asie : le Brahmapoutre, l’Irraouaddy, la Salouen, la Ménam, le Mékong, le fleuve Rouge, le Sikiang, le fleuve Bleu et le fleuve Jaune.

Les Lolo appelant les Thibétains leurs frères aînés et les Chinois leurs frères cadets, il est probable que les noms propres ci-dessus désignent des régions comprises entre le plateau du Thibet et l’embouchure du fleuve Jaune, le bassin inférieur de ce fleuve ayant été le premier habitat des Chinois en Chine.

Quelques commentateurs des Annales chinoises font des Thibétains les descendants des Barbares, vaincus par les Chinois, et chasés par eux du bassin du fleuve Jaune, plus de deux mille ans avant notre ère. Les Annales elles-mêmes n’en font mention que vers le deuxième siècle avant notre ère. Ils y portent le nom de K’iang et sont décrits comme des hordes barbares plus ou moins nomades, turbulentes, divisées entre elles, ayant des rapports avec les Huns, au nord, ver le Koukou-noor et la petite Boukharie (bassin du Tarim) et avec les Hindous, au sud, par le Boutan (bassin du Brahmapoutre). Cela laisse croire que le Thibet a été peuplé à la fois par le nord et par le sud; il se peut également qu’il ait été peuplé aussi par l’ouest, par le Ladak, et le bassin de l’Indus

De là les nombreux termes sanscrits que l’on trouve dans le thibétain actuel, et qui ont fait croire à certains auteurs que cette langue était d’origine sanscrite. Or, il est parfaitement prouvé aujourd’hui que ces deux langues n’ont aucune affinité entre elles.

Quand on jette les yeux sur une carte ethnographique générale, on s’aperçoit que toutes les races qui ont peuplé la terre sont parties primitivement d’une même région, située entre le plateau de Pamir à l’est, l’Indus au sud-est, la mer d’Oman au sud, le Golfe Persique au sud-ouest, les bassins du Tigre et de l’Euphrate à l’ouest, la mer Caspienne au nord-ouest et le lac d’Aral au nord.

Cette vaste région comprend 1. le plateau d’Iran (Béloutchistan, Afghanistan, Perse) entre l’Indus et le Tigre, la mer Caspienne et la mer d’Oman; 2. Le Touran (Turkestan actuel) entre la mer Caspienne, l’Hindou kouch, le Pamir et le bassin Aralien; 3. L’Arie (le Koraçan oriental et le Sedjistan) bornée au nord par la Bactriane, à l’ouest par le pays des Parthes, au sud par la Drangiane, à l’est par le Paropamisus. 

Mais quel chemin les Miao ont-ils suivi pour passer du nord de la Sibérie dans l’est de la Chine, des bords de l’Océan glacial aux bords de la mer Jaune ? Ici encore la tradition miao est muette, et l’on se trouve en présence d’une inconnue historique que l’on ne parviendra probablement jamais à dégager.

Comment tracer une ligne rejoignant deux points dont l’un seul est connu ! Nous ignorons le point de départ des Miao, et ne connaissons que leur point d’arrivée, qui est le Honan.

“Des végétaux et animaux figurés par les caractères anciens, beaucoup appartiennent aux pays tropicaux. Ce fait rend improbable l’hypothèse d’après laquelle les ancêtres des Chinois, venant de l’Ouest, auraient escaladé le Pamir, traversé le bassin du Tarim pur entrer enfin dans le nord de la Chine par le cours supérieur du fleuve Jaune. II est probable, que venus de la Birmanie actuelle, ils pénétrèrent en Chine par le sud ouest, suivant la voie dans le étapes modernes sont : Bhamo, Momein, Youg-tchang fou, Talifou, Yunnanfou, Koeyangfou, Tchangteifou et le lac T’ong-ting.

Par ce résumé on voit que le P. Wieger a changé d’opinion pour ce qui concerne l’origine, la souche des Chinois. Nous ne croyons pas devoir l’imiter, et nous continuerons à croire, jusqu’à preuve du contraire, que les Chinois sont, comme les Thai, les Annamites et les Malais, d’origine indienne et dravidienne, ainsi que nous l’avons dit dans le chapitre précédent.

En dépit des pauvretés de style et de pensée, en dépit du fatras des redites, le corps des Annales chinoises est le monument d’histoire le plus authentique et le plus complet que possède l’humanité : pour l’ancienneté des chroniques et la certitude des faits qu’on y rapporte, aucun peuple ne possède aucun trésor comparable à celui que les historiographes ont légués au peuple chinois. Les vicissitudes politiques et les phénomènes de la nature y sont également enregistrés. L’histoire exacte peut utiliser avec d’autant plus de confiance ces Annales régulières et précises, que des observations astronomiques, faites à diverses époques, et racontées dans ces documents, permettent d’en contrôler les dates. (Géogr. Univ. Vol. Vil p. 266).

Nous arrivons enfin aux Miao.

On désigne par ce nom, les peuplades aborigènes, qui furent les premiers ennemis que rencontrèrent les Chinois, lors de leur arrivée dans les bassins du fleuve Jaune et du Hoai.

Il est donc très probable que les Miao occupaient déjà ces régions à l’époque de l’invasion chinoise, c’est-à-dire des hordes qui devinrent plus tard le peuple chinois. Mais ces événements remontent aux temps préhistoriques et il est impossible de fixer aucune date, même approximative.

Sous ces règnes, comme sous tous les règnes suivants, si l’on veut découvrir les Miao dans les Annales de la Chine, il faut les chercher dans les passages qui parlent de révoltes, de rébellions.

C’est la destinée de ce peuple, sa spécialité, de n’apparaître dans l’histoire qu’aux époques troublées, in commotionibus populus iste ! En voici la raison. Elle nous a été donnée par un chef miao, lors de la dernière révolte des Miao au Laos. Nous n’ignorons pas, nous dit-il, la renommée qu’on nous a faite; nous passons pour un peuple batailleur, cruel, ennemi de tout le monde, turbulent, changeant constamment de région et ne se trouvant bien nulle part. Si vous voulez savoir la vérité sur notre peuple, allez demander à l’ours blessé pourquoi il se défend, au chien qu’on bat pourquoi il crie, au cerf qu’on chasse pourquoi il change de montage.

II n’y a rien à reprendre dans cette réponse; elle explique toutes les révoltes des Miao, depuis le commencement de leur histoire jusqu’à nos jours. Ce peuple n’est pas méchant, mais quand on l’attaque, il se défend; s’il a le dessus, il ne fait pas de quartier et use volontiers de représailles, s’il a le dessous, il sait ce qui l’attend, et va planter ses tentes ailleurs. Farouchement indépendant, il a toujours préféré la mort à l’exil à la servitude. Mais n’anticipons pas, et revenons aux Annales chinoises.

Ils vont pieds nus, et à force de courir sur leurs montagnes ils se les sont tellement endurcis, qu’ils grimpent sur les rochers les plus escarpés, et marchent sur les terrains les plus pierreux avec une vitesse incroyable, sans en recevoir la moindre incommodité.

Quoiqu’il en soit, il est certain que les chinois n’aiment ni n’estiment ni les Miaosse, ni les Lo-los, et que ceux-ci aiment encore moins les chinois, qu’ils regardent comme des maîtres durs et incommodes, qui les tiennent enfermés par leurs garnisons, et comme enclavés au milieu d’eux par une longue muraille, laquelle leur ôte toute communication avec les autres nations, dont ils pourraient tirer du secours.

Miaotze dans les Fan ou les “8 Fan” dont les Si Fan occidentaux du Tibet ne sont qu’une branche ? (Metchnikov).

De même que d’autres populations du Yunnan méridional, telles que les Pai et les Papé, les Miaotze se rattachent-ils à la souche siamoinse, ainsi que leur vocabulaire porte à le croire ?

En général plus petits que les Chinois, les Miaotzse ont les traits plus accusés et leurs yeux sont ouverts comme ceux de l’européen. Les hommes et les femmes coiffées à peu près de la même manière, ramènent leur longue chevelure sur la nuque et la tordent en forme de chignon; les femmes de quelque tribu se mettent une planche au dessus de la tête et réunissent leurs cheveux par-dessus, de manière à s’abriter du soleil et de la pluie. La plupart des hommes se roulent autour de la tête un turban de couleurs voyantes, et les femmes portent des pendants aux oreilles. Les uns et les autres sont vêtus de blouses en toile ou en laine, et se chaussent de sandales en paille. Ils n’ont point de gouvernement, mais en cas de disputes, ils prennent volontiers des arbitres parmi les vieillards, et la force leur reste, si l’affaire ne s’arrange pas à l’amiable.

Les haines héréditaires se perpétuent chez eux jusqu’à la neuvième génération, et l’on dit que devenus maîtres de l’ennemi, ils en mangent la chair. Ils mêlent à leur culte boudhique, le culte des démons et des ancêtres. Chez quelques unes des tribus, les ossements des morts sont tirés des cercueils tous les deux ou trois ans et lavés avec soin. De la propreté de ces os, pensent les Miaotze, dépend la santé publique. D’autres clans ne pleurent oint les morts au moment de la séparation, ils attendent le printemps, et c’est quand ils voient se renouveler la nature et revenir les oiseaux qu’ils se mettent à gémir, disant que leurs parents les ont abandonnés pour toujours. On dit que la curieuse coutume de la couvade existerait dans une des tribus des Miaotze; après la naissance d’un enfant, dès que la mère est assez forte pour quitter sa couche, le père prend sa place et reçoit les félicitations de ses amis. (G. U. Tome VII pp. 421-424). 

Nous sommes un peuple très ancien, ont-ils répondu; nos ancêtres ont vu la tour qui montait au ciel; ils ont assisté à la confusion des langues; le jour de la dispersion des peuples, ils se sont dirigés ver un plateau élevé, où il faisait très froid, et où il y avait des jours et des nuits de six mois. Avant de venir en Chine, dans le Honan, nos ancêtres habitaient une région qui était à l’opposé, aux antipodes de celle que nous habitons maintenant. Nous avons déjà traité de cette question ailleurs.

Moeurs – D’après les Annales chinoises, les Miao ont tous les défauts et pas une seule qualité ! Les Chinois n’ont pas leurs pareils pour écrire l’histoire ! Nous avons déjà parlé suffisamment de ce qu’il faut penser des jugements des Chinois sur les autres peuples en général, et sur les Miao en particulier

Quant aux autres historiens, on a pu voir qu’ils ont apparenté les Miao avec cinq ou six races différentes. C’est ce qui a fait dire à E. Reclus, en 1880. “ils est à craindre que les restes de la nation miao ne disparaissent avant qu’on ait même pu la classer parmi les autres races de l’Asie”.

Beaucoup de choses frappent le voyageur qui voit les Miao pour la première fois. Rien, en effet, chez ce peuple ne ressemble à ce qu’on trouve chez les peuples voisins, les Annamites, les Thai, les Man, les Chinois; tout chez lui est différents comme nous aurons l’occasion de le constater dans le chapitre suivant. Ce qui frappe davantage au commencement, c’est la langue.

Les poissons nagent dans l’eau, les oiseaux volent dans l’air, les Miao habitent sur les montagnes (Proverbe miao) 

L’habitat ordinaire, naturel des Miao, c’est la montagne. Ce n’est que sur les hauteurs qu’ils sont dans leur élément, partout ailleurs ils sont dépaysés, mal à leur aise. Aux poissons l’eau, aux oiseaux l’air et aux Miao la montagne, disent-ils.

De fait, aussi loin qu’on les suit dans l’histoire, jusqu’aux temps préhistoriques, on les trouve partout et toujours sur les hauteurs. Ce grand peuple voyageur a visité tour à tour presque toutes les montagnes de l’Asie. De nos jours encore, on chercherait en vain des Miao installés dans les plaines; ceux du Kouangsi, ceux du Kouytcheou, ceux du Se-tchouan, ceux du Yunann, ceux du Tonkin et ceux du Laos, sont tous des montagnards.

Continuant toujours leur marche vers l’ouest, et sans plus jamais quitter les hauteurs, ils se répandirent lentement dans les montagnes du Kouangsi, du Se-tchouan, du Yunnan, du Tonkin et du Laos. Voilà comment les Miao sont devenus des montagnards malgré eux, il y a quelque quatre mille ans, et voilà comment aussi ils ont toujours pu garder leur indépendance au milieu des autres peuples, conserver intacts, avec leur langue et leurs coutumes, les caractères ethniques de la race.

Il y a quelques années, nous passions un jour par Laokay en revenant de Chapa. Le soir au dîner chez notre compatriote, Monsieur le Docteur Gravaud, la conversation roula sur les Miao qui sont nombreux, comme on sait, dans la région de Chapa. Il y a ici en prison, dit le Docteur, quelques Miao qui ne tarderont probablement pas à mourir, car ils ne mangent presque pas et ils dépérissent à vue d’oeil. Tous les soins et tous les remèdes que je leur ai donnés n’ont produit aucun effet; je ne sais pas de quel mal ils souffrent, et je ne puis pas le leur demander parce que personne ici ne connaît leur langue. On les a bien interrogés en chinois, mais ils ont fait semblant de ne pas comprendre. Tout cela me paraît étrange, demain matin il faudra que vous veniez avec moi à la prison pour les voir.

A la première question que, le lendemain, l’on posa à l’un d’eux dans sa langue maternelle, on découvrit aussitôt la cause du mal; cào mào oa chàng ? de quoi souffres-tu ? m’ê ngiô chê hirng, nous pensons beaucoup à nos maisons, répondirent-ils tous ensemble ! Le Docteur leur fit dire alors : maintenant que je connais votre maladie, je puis vous guérir. Quelques jours après il obtenait en effet leur mise en liberté, et il put constater que ses clients, mourants la veille, trouvèrent sur le champ assez de force pour regagner à pied leurs montagnes. C’était la nostalgie qui les tuait.

Jetons maintenant un coup d’oeil rapide sur ce paysage qui exerce un attrait si puissant sur l’âme de ses habitants. On a constaté depuis longtemps que tous les peuples montagnards sont très attachés au sol natal. On sait que les soldats Suisses pleuraient, mouraient même de chagrin, au souvenir de leurs montagnes absentes, et qu’il leur suffisait d’entendre l’air du “ranz des vaches” pour déserter l’armée. Les Miao ne font pas exception à cette loi générale. On a donné plusieurs raisons pour essayer d’expliquer cet “amour des hauteurs”, et dont la meilleure, à notre avis, est que les montagnes sont naturellement belles.

Celles habitées par les Miao ont un cachet particulier que n’ont pas les autres. Tout d’abord, elles sont toutes déboisées. Quand les Miao s’installent sur une montagne quelconque, la première chose qu’ils font, c’est d’en couper les arbres pour préparer les terrains de culture. Comme ils ne possèdent pas un pouce de terrain dans la plaine, s’ils n’agissaient pas de la sorte, ils ne pourraient rien cultiver et seraient condamnés à mourir de faim sur leurs montagnes. Ils déboisent donc par nécessité. Primum vivere. La surface de terrain ainsi privé d’arbres augmente chaque année et au bout de quelque temps toute la forêt a disparu. Le peuple miao, est donc un peuple de bûcherons; c’est lui qui a abattu la plus grande partie des vieilles forêts de l’Asie.

Les Miao prennent deux repas par jour, un le matin avant d’aller aux champs et un autre le soir en en revenant. Mais il arrive souvent qu’ils emportent un casse-croûte pour prendre dehors ver le milieu de la journée. Les repas pris à la maison sont servis dans un coin de la cuisine, soit par terre, soit sur une table très basse autour de laquelle on s’accroupit comme on peut, sans ordre, les uns par terre, les autres sur des pierres ou sur des bûches. Faut-il en faire le menu ? Le voici, toujours le même, hélas : un peu de grossière farine de maïs dans un baquet, quelques haricots, quelques légumes verts mal cuits dans un autre baquet plein d’eau, et c’est tout. L’eau est indispensable pour faire descendre la farine de maïs, les cuillers sont nécessaires pour puiser cette eau, et voilà pourquoi les Miao se servent de cuillers plutôt que de bâtonnets.

En dehors des mariages, des enterrements, des fêtes du premier de l’an, de certaines visites, les Miao ne mangent jamais de la viande; ils font maigre toute l’année, toute leur vie. Certains voyageurs qui n’ont fait que passer chez eux, ont dit qu’ils se nourrissaient mieux que les Annamites et les Thô; c’est là une erreur; ces voyageurs ont été trompés par ces quelques tranches de lard fumé, de viande boucanée, suspendues à la toiture, au-dessus de la cuisine. Cette viande, derniers restes du porc du premier de l’an, n’est pas pour la famille, elle est réservée aux hôtes de marque. Peu de peuples vivent si pauvrement.

Ces troupeaux seraient encore plus considérables sans les sombres coupes que l’on y fait fréquemment, à l’occasion des funérailles. On peut dire, sans crainte de se tromper, que pour un miao qui meurt, il y a deux buffles ou deux boeufs de sacrifiés, et si c’est un chef miao qui disparaît, on ne peut pas l’enterrer décemment sans lui avoir immolé une demi-douzaine de bêtes. Quand le tambour de la mort et le coup de fusil fatal, glas réglementaire chez les Miao, ont retenti dans un village, le premier soin du chef de la famille du défunt c’est de se diriger vers son troupeau, comme on le verra plus loin plus au long quand il sera question des funérailles et de leurs hécatombes ruineuses.

Les peaux des bêtes ainsi sacrifiées, sont séchées et vendues au prochain marché. De tous les Miao qui vont au marché tous les ans chercher du sel, il y a à peine deux sur dix qui emportent quelqu’argent avec eux, tous les autres portent des peaux, des cornes de cerfs, des fiels d’ours, des cochons, des poulets, des buffles, des boeufs, des chevaux, des chiens, dont la vente doit servir à couvrir tous les achats et tous les frais du voyage. Les Chinois, les Thâ, les Annamites, sont parfaitement au courant de tout cela, aussi s’entendent-ils à merveille pour gruger tous ces naïfs montagnards, qui se voient dans l’obligation d’accepter les prix dérisoires qu’on leur offre. C’est ainsi que tous les ans, les buffles et boeufs des montagnes viennent renforcer le nombre de ceux qui labourent les champs des plaintes et les rizières des deltas, après avoir fait la fortune de quelques accapareurs

Les chevaux de selle, ne portent jamais le bât, ils sont créés et mis au monde pour permettre à leurs patrons de cavalcader et de faire la belle jambe à travers les montagnes. Ceux-là, les Miao ne les vendent jamais; inutile de discuter avec eux à ce sujet, ils ne les céderont à aucun prix,
Et s’il leur fallait les vendre, Ils aimeraient mieux se pendre ! comme le bouvier de Dupont.

HYGIENE ET SANTE.

Les Miao, comme en général tous les peuples montagnards des pays tropicaux, sont plus robustes que les habitants de la plaine. L’air frais des montagnes augmente les forces et l’air chaud des plaines les diminue. C’est l’unique raison d’être de toutes les stations d’altitude installées par les Européens dans les pays chauds, comme Dalat dans la Sud-Annam, Tamdao dans le delta du Tonkin et Chapa dans le haut Tonkin, où les plus fortunés de nos compatriotes de l’Indochine vont passer les mois les plus chauds de l’année.

Sous ce rapport, les Miao sont plus favorisés que tous les peuples qui les entourent; leurs villages étant situés ordinairement entre les côtes 1000 et 2000, sont par le fait même de véritables stations d’altitude, où à défaut de confortable, ils boivent toute l’année et toute leur vie de l’eau fraîche, cent fois plus saine que nos glaces fabriquées, et respirent ce bon air des hauteurs qui colore les joues, et qui vaut mieux que celui de nos ventilateurs. Nos enfants, disent-ils, sont roses comme les pêches de nos montagnes, tandis que les enfants annamites et thai sont aussi pâles que les bananes de la plaine.

A ces avantages il faut en ajouter un autre qui est aussi très appréciable, c’est l’absence de moustiques, ces éternels colporteurs des fièvres paludéennes, qui empoissent les nuits des pauvres deltariens emprisonnés derrière les moustiquaires. 
Les Chinois, en particulier, ne se cachent pas pour dire à qui veut les entendre qu’ils reprendront un jour le Tonkin. Or, ces races montagnardes, Man et Miao, étant continuellement maltraitées en Chine, il est de bonne politique pour l’Indochine de leur donner franchement l’hospitalité et de gagner leur confiance, à fin de les attacher à leur nouveau pays. C’est ce qu’on a négligé de faire malheureusement : les récentes révoltes de Bacquang, de Hagiang, de Baoha, du Phongto, du Laos, sont là pour le prouver. On les traite de sauvages, on les méprise, on les tracasse, on leur refuse parfois le droit de propriété, on ignore leurs langues, avec l’argent de leurs impôts on fait des routes et on crée des écoles dans le delta, et jamais chez eux; ce n’est pas en agissant de la sorte à leur égard qu’on pourra se les attacher.

L’hygiène est inconnue. On ne se baigne jamais, ou presque jamais; ce qui chez nous s’appelle se laver la figure, consiste pour eux à se laver le bout du nez, comme les chats; les vieux torchons dont ils se servent pour s’essuyer la figure, en guise de serviettes; servent également à essuyer la vaisselle et à torcher les gosses; la lune et les saisons changent plus souvent qu’ils ne changent d’habits; les hardes qui servent de couvertures sont plus vieilles que les individus qu’elles recouvrent; la maison est balayée chaque fois qu’un étranger arrive; les enfants sont tout nus parce qu’ils ne peuvent pas encore distinguer le froid du chaud, s’ils tombent malades, on les barbouille de boue pour écarter les croque-mitaines; il y a des trous dans les cloisons, dans les toitures, laissant entrer le vent, la pluie, les brouillards, mais on ne peut pas les boucher sans intercepter en même temps la lumière; s’il y a de la boue et des flaques d’eau tout autour de la maison, c’est pour permettre aux canards de barboter et aux porcs de se vautrer. Voilà quelques exemples de l’hygiène chez les Miao. C’est pousser le mépris de l’hygiène jusqu’à la parodie. Mais celle-ci se venge par différentes maladies : rhumes, rhumatismes, bronchites, fièvres, furoncles, gale, dartres.

Les successeurs de ces deux illustres personnages ne semblent pas avoir hérité de leur puissance, car ils n’ont jamais réussi à guérir qui que ce soit. Les Miao le savent bien, mais ils ne les consultent pas moins pour cela ! On ne peut pas mourir et on ne peut pas être enterré sans eux ! Cela nous rappelle une comédie annamite que nous avons vu jouer un jour à Laokay, à la barbe de la police qui n’y voyait que du bleu ! Elle était intitulée “La carte d’identité” (Thé thân), et comprenait trois actes dont les trois héros étaient, une femme enceinte, un mourant et un mort. La femme ne pouvait pas mettre son enfant au jour, parce que ce dernier n’avait pas encore sa carte d’identité délivrée par le maire; le mourant ne pouvait pas passer de vie à trépas, parce que le maire avait négligé de lui donner une carte pour cela; le mort enfin, ne pouvait pas être mis en terre, parce qu’on ne lui avait pas délivré de carte pour l’autre monde ! C’était très malicieux et très clair à la fois; tous les spectateurs se tordaient de rire, en regardant la police, et il y avait de quoi !

D’où le proverbe miao : tô pô oa mà, té, gio’ur tôa nào, la femme prépare le repas et l’homme s’assied pour manger.

La première culture, par ordre d’importance, après celles du maïs et du riz, est la culture du sarrasin, ou blé noir. On rencontre de temps en temps quelques familles miao qui font de la bouillie de sarrasin leur nourriture principale.

La culture du pavot se fait sur une plus grande échelle. En somme, on cultive le pavot partout où on peut, c’est-à-dire, partout où il pousse. Tous les terrains sont loin de convenir également à cette plante délicate. Les terrains rocailleux, exposés au soleil levant ou au soleil couchant, sont ceux qui leur conviennent le mieux. Il supporte mal le froid du nord et les chaleurs du midi. Les Miao ont un flair spécial pour découvrir les terrains propices à cette culture, ils vont les chercher très loin parfois, et ils se trompent rarement dans leur choix.

On le cultive rarement seul, on le sème, ordinairement au printemps, au milieu des champs de maïs ou des champs de moutarde. Ses fleurs multicolores sont agréables à voir, on dirait des coquelicots en fleurs dans un champ de blé. Ces fleurs font fuir les abeilles, et celles qui s’arrêtent à les butiner y trouvent, dit-on, la mort.

Quand les pétales sont tombés, on incise les capsules avec un canif spécial; ces incisions se font le soir, vers le coucher du soleil, et le matin, de bonne heure, on va cueillir le suc laiteux qui s’en est écoulé pendant la nuit, sous forme de larmes noirâtres solidifiées.

Les Miao vendent l’opium brut ainsi obtenu, sous forme de pains entourés de plusieurs feuilles de papier grossier. Il y a différentes qualités d’opium, et le prix de chaque pain varie avec la qualité. Inutile d’ajouter que ces pains sont souvent et adroitement falsifiés.

REJOUISSANCES DU PREMIER JOUR DE L’AN.

Ce voyage au marché clôt l’année miao, parce qu’il marque la fin des travaux annuels; la rentée des récoltes, la vente des cochons et surtout l’arrivée de la provision de sel.

Ne parlez jamais à un miao de souhaits ou de cadeaux de bonne année, il ignore les étrennes, n’attendez pas non plus sa carte de visite, bien entendu, car il n’en a jamais vu de sa vie. En revanche, vous serez invité de tous les côtés à venir manger le mboà tsà, car les Miao sont très forts sur le chapitre des invitations, ils ne peuvent pas manger un poulet ni boire une tasse d’alcool sans inviter quelqu’un à venir les partager avec eux. Plusieurs étrangers abusent volontiers de cette hospitalité facile; on voit pendant toute l’année des colporteurs Chinois, Man, Thai ou même Annamites voyager chez eux, allant de village en village, de montagne en montagne, ne vendant rien, n’achetant rien, mais mangeant toujours à l’oeil. Et ce sont tous ces écornifleurs qui, une fois rentrés chez eux, vont chanter sur tous les toits que les Miao sont des sauvages ! Et dire que les Miao sont toujours assez naïfs et assez bonasses pour mettre de côté les quelques mesures de riz blanc qu’ils possèdent pour gaver tous ces gens-là !

Mariages. Les mariages ont lieu presque toujours vers la même époque chez les Miao, entre les fêtes du nouvel an et le commencement des travaux des champs, c’est-à-dire, en Novembre, Décembre et Janvier. Les jeunes gens de l’un et l’autre sexe se marient en général assez jeunes, entre quinze et vingt ans. La polygamie est assez répandue dans certaines tribus, et inconnue dans d’autres. Les divorces sont excessivement rares, ils laissent ce fléau aux peuples décadents, aux races qui veulent se suicider.

Le menu de ces noces miao est bien simple et ne varie jamais : de la farine de maïs, de l’alcool de maïs et de la viande de porc à discrétion, et c’est tout. C’est peu appétissant, mais on se rattrape sur la quantité; ces braves montagnards ont des estomacs en caoutchouc. Le repas est servi sur des tables de circonstance, des planches montées sur des piquets. La viande posée ordinairement sur des feuilles, est mangée en premier lieu en buvant de l’alcool dans des godets en bambou, ce n’est qu’à la fin que l’on apporte la farine de maïs dans des paniers, des petits baquets ou des augets. Quand les hommes ont mangé et bu leur soûl, ils se lèvent et cèdent la place aux femmes. Les hommes et les femmes ne s’assoient jamais ensemble à la même table. Il y a deux repas par jour, l’un le matin entre huit et onze heures, et l’autre le soir entre quatre et six heures. 
Funérailles. Nous arrivons aux funérailles, que chez les Miao on peut classer parmi les fêtes et même les foires ! La détestable coutume d’offrir de la viande et de l’alcool à discrétion pendant plusieurs jours à tous ceux qui viennent pleurer les morts, ngrau k!, a déjà ruiné des centaines de familles, et en ruinera beaucoup encore, car les Miao ne font rien pour l’abolir. Nos ancêtres ont agi ainsi, disent-ils, il faut faire comme eux; ceux qui meurent n’ont plus besoin de rien, donc il faut détruire tout ce qui leur appartenait. Beau raisonnement ! Dès que le décès est assuré, on frappe le tambour et on tire des coups de fusil pour chasser les mauvais génies, et surtout pour avertir les voisins, qui se hâtent tous d’accourir. C’est le glas qui les appelle non pas à la prière, mais à la ripaille. Cela fait penser à la triste populace qui court aux échafauds.

“Quand le peuple s’assemble ainsi” “C’est toujours sur quelque ruine” 

Voici quelques détails supplémentaires concernant les funérailles, communiqués par le Père Bougault missionnaire chez les Miao du Yunnan. “Un habile joueur de cornemuse (crèng) est invité pour les funérailles. Au moment du départ, un assistant frappe le cercueil avec une hache, et demande au mort s’il veut aller manger de la viande sur la montagne. On l’emporte dehors, on ferme la porte de la maison et on fait bombance en l’honneur du mort. Avant d’abattre le buffle ou le boeuf qui doit servir à ce dernier repas, on l’offre au mort en lui mettant dans la main une corde qui attache l’animal au poteau d’exécution”.

MOEURS ET CARACTERES

Commençons par leurs qualités, il y a si longtemps qu’elles attendent ! D’ailleurs, on connaît déjà suffisamment leurs défauts, voilà plus de quatre mille ans que les Chinois en parlent !
Nous avons déjà parlé assez longuement de l’hospitalité chez les Miao dans les pages précédentes, contentons-nous ici d’en tirer une conclusion inattendue et qui est toute à leur honneur, c’est que la mendicité, le paupérisme, ces plaies de beaucoup de peuples civilisés, sont inconnus chez eux. Quand un miao n’a plus de quoi manger, il s’en va travailler chez son voisin plus fortuné que lui, et s’assoit à sa table comme s’il était de la famille. On trouve cela tout naturel. 

Pour la même raison les vols sont excessivement rares chez eux. Les occasions de voler ne manquent pas cependant : les champs éloignés de toute habitation, les troupeaux errant en liberté sur les montagnes, les maisons non fermées et laissées souvent vides pendant des journées entières, surtout à l’époque des travaux des champs, etc… Ce manque de surveillance et ce laisser aller seraient impossibles chez leurs voisins. Essayer donc d’agir ainsi au milieu des Chinois ou des Annamites. Ils emporteraient non seulement ce qui se trouverait dans la maison mais encore la maison elle-même !

En fait de bravoure et de courage, les Miao ne cèdent à aucun autre peuple. Ces dernières années, nous avons eu l’occasion de constater plus d’une fois leur bravoure sur les champs de bataille, au Tonkin et au Laos.

L’amour de la liberté et l’esprit d’indépendance sont encore des vertus pour les peuples, et le peuple miao les possède au suprême degré, comme le prouve bien son histoire cinq fois millénaire. Les Miao ne peuvent pas supporter d’être gouvernés par des étrangers, de dépendre de qui que ce soit, ni ne se mélanger avec aucun autre peuple. Cela explique leurs guerres continuelles avec leurs voisins à travers les âges, et leurs courses perpétuelles à travers les montagnes de l’Asie. Ils n’ont jamais eu de patrie propre, mais jamais non plus ils n’ont connu la servitude et l’esclavage.
Comme on le voit, les Miao ont quelques bonnes qualités, et ils n’ont pas que des défauts, comme les Chinois l’ont prétendu et voulu faire croire à tout le monde. De tout temps, le peuple chinois a eu une façon détestable d’écrire l’histoire; quand il avance quelques chiffres, il faut toujours ajouter ou retrancher quelques zéros; s’il parle de ses propres vertus, il ne peut s’empêcher de prendre pour lui toutes les vertus des autres peuples; quand il attaque le chapitre des défauts des autres peuples, il leur met sur le dos tous ses propres vices. Cela fait qu’il faut toujours savoir lire entre les lignes quand on lit l’histoire de la Chine, et dans tout le fatras de ses Annales il n’y a pas une seule page que l’on puisse interpréter à la lettre. C’est énervant et déconcertant.

Après avoir signalé aux Chinois orgueilleux le plus grand de leurs défauts, passons à ceux des Miao, en commençant par les plus gros, comme à confesse. L’abus de l’opium est le péché mignon des Miao, mais des Miao riches seulement, des chefs, de ceux qui possèdent une nombreuse domesticité. C’est parmi eux qu’on voit de ces fumeurs invétérés qui ne quittent pour ainsi dire la pipe ni le jour ni la nuit. Leur unique occupation consiste à fumer. Depuis quelques années on signale un progrès sous ce rapport chez les Miao du Tonkin, on fume moins, les jeunes gens ne fument presque plus et les vieilles douairières de la montagne ne fument plus du tout.

Parmi les pauvres diables qui sont obligés de travailler tous les jours pour gagner leur vie, il y a peu de grands fumeurs, pour la bonne raison que l’argent et le temps nécessaires leur font défaut. Ceux d’entre eux qui ne peuvent se passer de la drogue, ou bien se placent comme domestiques chez des fumeurs riches dont ils préparent les pipes et dont ils reçoivent un peu de résidu en guise de salaire, ou bien deviennent opiophages, c’est-à-dire mangeurs, ou plutôt avaleurs d’opium. Ce sont ordinairement des vieux célibataires qui n’ont pas trouvé à se marier parce qu’ils étaient opiomanes depuis leur jeunesse. Quand nous ne savons pas filer, tisser, coudre ou broder, disent les jeunes filles miao, les jeunes gens ne veulent pas de nous, et bien, nous non plus nous ne voulons pas des fumeurs ! Fi ! font-elles, en crachant par terre, quand on leur parle de se marier avec des fumeurs.

L’ivrognerie est aussi un défaut miao, mais un défaut d’occasion seulement et beaucoup moins répandu que le précédent. Les Miao ne se soûlent que quelques fois par an, les jours de fête, de réunion, mais alors ils se soûlent bien comme il faut ! Les ivrognes de profession, les buveurs à domicile, sont excessivement rares.

Naturellement doux et timides en temps ordinaire, les Miao sont férocement cruels en temps de guerre; malheur à l’ennemi qui tombe vivant entre les pattes de ces moutons devenus enragés ! Ils emploient les mêmes tortures que les Chinois, qui les leur ont probablement apprises. Les Chinois, comme on l’a vu au commencement du chapitre précédent, ont prétendu le contraire, qu’ils ont emprunté aux Miao leurs supplices, mais c’est précisément parce qu’ils ont essayé de se justifier qu’on ne peut pas les croire.

Enfin, les Miao sont paresseux quand ils le peuvent, et négligents, insouciants toujours. De là, les haillons crasseux dont ils se couvrent, et le tohu-bohu qui règne dans leurs habitations.

On leur a aussi reproché d’être complètement illettrés : mais ce n’est pas là un défaut. II y a bien des peuples qui savent lire et écrire, et dont la moralité ne vaut pas pour cela celle des Miao. D’ailleurs, comment voulez-vous qu’ils s’instruisent ? Il n’y a aucune école chez eux, et on ne peut tout de même pas exiger qu’ils quittent leurs montagnes pour aller étudier chez des étrangers dont ils n’ont aucun intérêt à apprendre les langues, et dans la fréquentation desquels ils n’ont rien à gagner. Ils se contentent donc de fréquenter la grande école de la nature où ils apprennent à observer les antiques préceptes légués par leurs aïeux.

D’ailleurs, de ce que ce peuple soit l’un des plus illettrés du monde, il ne s’ensuit nullement qu’il en soit l’un des plus bêtes. On se tromperait grossièrement en croyant que tout miao est un minus habens; j’avoue que personnellement j’ai mis plus de temps à apprendre à lire et écrire que les quelques miao que j’ai eu l’occasion d’enseigner. Au Yunnan il y a actuellement des Miao catholiques qui ont fait de brillantes études, et qui en plus de leur langue maternelle parlent couramment le chinois, le lolo, le français et même le latin, et j’aime à croire que ce qui a été fait chez les Miao du Yunnan se fera aussi un jour chez ceux du Tonkin.

Ce sont : des malentendus, des mécontentements, des froissements, des insultes, des disputes, des procès, des coups échangés; ce sont surtout des vexations, des exactions, des extorsions, des concussions, et des injustices de toutes sortes, dont ce peuple est toujours victime de la part de ses voisins.

Voilà les faits que l’on trouve à l’origine de toutes les révoltes miao, hier comme aujourd’hui, au Tonkin comme en Chine; il suffit d’ouvrir les yeux pour s’en rendre compte, et il n’est pas nécessaire de réfléchir beaucoup pour savoir ce qui les provoque.

Tout le monde sait en effet, 1. que les Miao ne sont pas propriétaires des terrains qu’ils cultivent; c’est un peuple de locataires, un peuple de parasite; 2. qu’ils ne peuvent pas s’administrer eux-mêmes et qu’ils dépendent de fonctionnaires étrangers à leur race; c’est un peuple de serfs, un peuple acéphale.

Le peuple miao s’est toujours révolté parce qu’il est un peuple sans propriété, un peuple sans patrie et un peuple sans tête; le jour où le miao pourra dire : ce champ est à moi, ce pays est le mien, ce chef est mon chef, il ne se révoltera plus.

L’étude comparée de ses croyances, nous a fait classer ce peuple parmi les Nordistes, parmi les peuples ayant émigré par la Sibérie.

L’âme du juste monte tout droit au ciel après la mort; elle est libre d’y rester, ou de descendre sur la terre pour revivre dans le corps d’un mandarin ou d’un roi.

L’âme de l’homicide est condamnée à passer son éternité dans la position du grand salut (la prostration), elle ne peut ni se lever, ni s’asseoir, ni se coucher sans souffrir d’affreuses douleurs; elle ne peut pas mourir non plus; éternellement elle demande son pardon et jamais ne l’obtient.

L’âme du menteur devient une éternelle muette.

L’âme de l’endetté revient sur la terre pour revivre dans le corps d’un cheval ou d’un buffle jusqu’à ce qu’elle ait fini de payer ses dettes. Elle remonte ensuite au ciel.

L’âme du voluptueux est condamnée à vivre éternellement sur la terre dans le corps d’un chien; elle ne pourra jamais monter au ciel.

L’âme du voleur ne pourra pas monter au ciel tant qu’elle n’aura pas restitué tout ce qu’elle aura volé. Elle habitera en attendant dans le corps d’un journalier ou d’un domestique.

Tout a une fin, le monde aussi aura la sienne.

Les Miao ayant une religion et un culte, ont aussi leurs ministres. Ce sont les chamans, que nous avons coutume d’appeler sorciers, et que les Miao appellent txi neng.

Ces derniers remplissent toutes les fonctions religieuses chez les Miao. Ils implorent Dieu, lui demandent la guérison des malades, le succès des armes en temps de guerre, l’éloignement des mauvais esprits, et la connaissance de l’avenir. Ils sont à la fois prêtres, médecins, magiciens, devins et voyants.

Dans le cours ordinaire de la vie, c’est donc le chef de famille qui est chargé d’entretenir les relations avec le monde de l’au-delà; ce n’est que dans les circonstances solennelles que l’on va trouver les chamans.

Ces derniers, avons-nous vu, sont à la fois prêtres, médecins, magiciens, devins et voyants.

Comme on le voit, les chamans miao jouent un grand rôle dans les funérailles. 

Les croyances exposées au commencement de ce chapitre ont été recueillies parmi les Miao du Tonkin.

Or les Miao du Tonkin viennent du Yun-nan, ceux du Yun-nan viennent du Sé-tchouan, ceux du Sé-tchoaun viennent du Koui-tchéou, ceux du Koui¬tchéou enfin viennent du Ho —nan par le Hou-pé, le Hou-nan et le Kiang-si. Le Ho-nan a été le premier habitat des Miao en Chine et leur premier habitat historique.

Les différentes peuples que les Miao ont rencontrés durant ces cinquante siècles de leur vie historique, sont les I au Nord et à l’Est, les Man, les Chinois et les Thai au Sud, les Lolo et les Thibétains à l’Ouest.

Voici, d’après Mgr. A. Le Roy, auteur de “La religion des primitifs”, un court aperçu historique de cette nouvelle science.

“C’est à M. Max Müller de l’Université d’Oxford, dit-il, que P.D. Chantepie de la Saussaye rapporte “l’honneur d’avoir fondé l’édifice de l’Histoire des Religions… II fut le premier, écrit-il, à faire connaître l’importance de notre science et sut réunir les meilleurs Orientalistes d’Europe dans une entreprise qui rendit accessibles au public savant, par des traditions, les Sacred Books of the East. Son exemple fut suivi ailleurs et surtout aux Pays-Bas. C’est le professeur Tiele, de Leyde (1830-1902) qui a publié le premier manuel de l’Histoire des Religions (Geschiedenis van den godsdienst tot aan de heerschappy der werelgodsdiensten. (1876) Aux Pays Bas également, une place importante fut faite à ces études dans les programmes universitaires (1876). Des chaires d’Histoire des Religions ont été créées ensuite à Paris, à Bruxelles, à Rome” ( P.D. Chantepie de la Saussaye, Manuel d’Histoire des Religions (traduc. franc. H. Hubert et I. Lévy, A. Colin, 1904)). 

Le même auteur continue : “En réalité, le portrait du sauvage qui nous a été fait trop souvent est un portrait fantaisiste; le sauvage est un homme comme nous, comme tout le monde, ayant sa conception de la vie, ses manières d’être conformes à son milieu, sa civilisation, sa philosophie. Et, somme toute, s’il pouvait se dégager de la tyrannie de certaines pratiques ou coutumes le plus souvent inspirées par la Magie, ce Primitif en réduisant ses besoins au minimum, aurait trouvé le moyen d’être aussi heureux, souvent plus heureux, que les membres de nos sociétés européennes les plus civilisées. Ainsi en fut-il, sans doute de l’homme quaternaire. Cessons donc de le plaindre…

Tous les peuples de la terre ont été visités tour à tour et on n’a trouvé chez aucun d’eux le Sauvage idéal rêvé par les matérialistes. L’homme singe, le Primate perfectionné n’existe nulle part, et nulle part il n’en est trace, c’est un être imaginaire inventé dans les bureaux pour les besoins de la cause, ce n’est pas le vrai “Sauvage”, celui de l’histoire et de la Science.

Ces recherches et ces comparaisons ont déjà été faites un peu partout sur tous les points du globe par des hommes impartiaux et de réelle valeur scientifique, et qui n’ont pas craint d’aller aux Primitifs, d’apprendre leurs langues, de partager leur vie et de les étudier sur place pendant de longues années. Tous leurs travaux ont été enregistrés et sont connus aujourd’hui; l’ouvrage qui les résume avec le plus de compétence, de sûreté et de fidélité, est, à mon avis, La Religion des Primitifs de Mgr A. Le Roy, auquel j’ai déjà fait de nombreux emprunts. 

“Multifariam muftis que modis olim Deus loquens patribus in prohetis, novissime, diebus istis, locutus est nobis in Filio, (Hebr., I, 1). Et Saint Augustin s’écrie, commentant ces paroles :

“Ce qui s’appelle maintenant la Religion chrétienne se trouvait déjà chez les Anciens. Elle n’a pas manqué à l’origine du genre humain et s’est maintenue jusqu’à ce que le Christ lui-même nous apparût dans sa chair et c’est de là que la vraie religion, qui existait déjà, a commencé d’être appelée chrétienne”.

“Dès l’origine du genre humain, écrit à son tour Saint Thomas d’Aquin, toutes les vérités que nous devions connaître par la révélation étaient contenues en substance dans les dogmes communiqués par le Créateur à l’homme. En effet, toutes les vérités chrétiennes sont originairement renfermées dans quelques principes premiers, qui furent toujours l’objet de la foi, par exemple, qu’il y a un Dieu, que sa providence s’étend sur nous… Dans la notion de l’existence divine, sont contenues implicitement toutes les vérités éternelles qui doivent faire notre béatitude, et dans la foi à la Providence est renfermée la connaissance des desseins et de l’action de Dieu pour nous conduire à notre fin dernière”.

M. Ad. Tanquerey a résumé cette doctrine en deux mots : “Primoeva Religio a Christianâ substantialiter non differt : la Religion Primitive ne diffère pas substantiellement de la Religion Chrétienne”. Ce qui revient à dire, que dans l’humanité il n’y a jamais eu qu’une seule Religion vraie, celle qui est contenu substantiellement dans la Religion Primitive.(pages 278-279)

Or, les Miao comptent cinquante siècles d’histoire bien sonnés; ils étaient en Chine avant les Chinois, ils sont plus anciens que ces derniers historiquement parlant, et il est utile pour nous de connaître les raisons de ce passé si long avant de parler de leur avenir.

Jamais un Miao ne consentirait à épouser une étrangère, car tout le monde considérerait cela comme un déshonneur, comme une grave insulte aux ancêtres. Les Miao sont des “pur sang”, ils ignorent aussi le divorce, cette plaie des races modernes et décadentes.

Le caractère de la race. Les Miao ont toujours regardé la liberté et l’indépendance comme les plus grands de tous les biens qu’il est donné à l’homme de posséder ici-bas. Aussi, aucun peuple n’a jamais pu les subjuguer. Vaincus, les fiers Miao ont toujours préféré l’exil à la servitude, et cela est encore un gage de longue vie pour les peuples.

Terminons par les Miao. Tout porte à croire qu’ils seront aussi catholiques. Voici ce que le R.P. Bougault, missionnaire au Yunnan, m’écrit à ce sujet :”Ce fut en 1897 que notre Evêque actuel, à cette époque le Révérend Père de Gorastarzu, installé chez les Long-Jen (Nùng) reçut quelques familles Miao au nombre des catéchumènes. En 1899, le R.P. Kircher vint l’aider dans l’évangélisation de ces derniers. De tout le Yunnan, seuls les environs de Mongtse et de Kai-Houa comptent des chrétiens Miao.

“Les premiers baptêmes des Miao eurent lieu en 1907. Aujourd’hui il y a trois districts qui contiennent des Miao catholiques. Deux prêtres Chinois et moi en sommes chargés. Les trois districts comptent actuellement environ 4000 baptisés, dont la moitié seulement, soit 2000, sont Miao, les autres étant Lolo.

DMC    02.03.2008