LA MISSION DU SUD-TIBET : UNE ÉPOPÉE!
Les pères MEP sont présents dans le sud de l’Inde depuis 1775. Rome avait demandé aux MEP de venir remplacer les pères jésuites dont la société avait été bannie. Les trois premiers pères MEP arrivés en Inde s’établirent à Pondichéry et, à partir de là, élargirent la mission loin à l’intérieur des régions sud de l’Inde. Mais ce n’est pas de là que les MEP ont été appelés à s’aventurer dans le nord du Bengale Occidental.
Vers la fin du XIXe siècle, les pères des Mis¬sions Étrangères étaient déjà en Chine depuis plus de cent ans. Ils avaient fondé des missions et des communautés chrétiennes jusqu’aux portes du Tibet, dans la province du Setchouan dont les grandes villes étaient Chunking et Chengdu. Mais les prêtres lamas s’étaient tou¬jours opposés à la venue de missionnaires au Tibet. D’autre part, côté Chine, il fallait des mois à l’époque pour aller de Hongkong ou de Shanghai jusqu’aux frontières avec le Tibet qui se situe à l’ouest-sud-ouest de la Chine. Mais d’Inde, on n’a que quelques cols à franchir pour atteindre la partie sud du Tibet. Lhassa, la capi¬tale, ne se trouve qu’à 500 ou 600 km de la fron¬tière indienne.
En 1849, le père Nicolas Krick fut envoyé en Assam, dans le nord-est de l’Inde, pour tenter de trouver un passage vers le Tibet en franchis¬sant les Himalayas avec l’aide de guides locaux. En janvier 1852, il réussit à entrer au Tibet jusqu’au village de Sommeu, où il resta quelques jours, et revint sur ses pas pour annoncer la nou¬velle. En 1854, il repartit avec un jeune confrère, Augustin Bourry, pour une deuxième tentative, en remontant le fleuve Brahmapoutre jusqu’à sa source. Par les cols, ils réussirent à atteindre Sommeu pour la deuxième fois et y restèrent quatre semaines. Mais ils furent tous deux mas¬sacrés par leurs guides Mishmis sur ordre de leur chef. Leurs corps furent jetés dans la rivière. Humainement parlant, ils avaient échoué.
Et leur aventure fut quelque peu oubliée. Mais leur mémoire a été réhabilitée par les pères salé¬siens qui ont introduit leur cause pour les voir béatifiés. Aujourd’hui, un grand nombre de des¬cendants de ceux qui les ont tués sont devenus chrétiens et tiennent beaucoup à faire d’eux les saints patrons de leur Église, ayant quelque peu contribué à en faire deux martyrs de la foi.
La croix du père Auguste Desgodins
C’est en 1881 que la Société des Missions Étrangères de Paris lança véritablement son projet de mission au Sud-Tibet. Un certain père Auguste Desgodins quitta sa mission du Tibet, en Chine, pour venir par bateau à Calcutta. Et de là, à pied ou à cheval, il gagna la petite ville de Darjeeling, nichée sur les pentes raides des Himalayas, à 2100 mètres d’altitude.
A cette époque, les Anglais avaient déjà occupé cette région et en avaient fait un avant-poste pour étendre leur souveraineté sur le Tibet. Malgré plusieurs expéditions mili¬taires à l’intérieur du Tibet, ils ne réussirent jamais à coloniser ce pays situé sur les som¬mets du monde. Le père Desgosdins, qui était aussi aumônier des militaires britanniques, a pu ainsi, au cours d’expéditions militaires, rentrer dans le sud du Tibet et jusqu’à Lhassa, sans pouvoir jamais s’y établir ; mais espérant toujours qu’un jour la frontière s’ouvrirait pour apporter l’Evangile aux Tibétains.
En mémoire des Missions Étrangères, 1882-1937.
Il essaya de cent façons de passer les cols pour rentrer au Tibet, mais il n’y réussit pas, chaque fois refoulé par les lamas, fort jaloux de leur autorité théocratique. En fait, après quelque temps passé à Darjeeling, le temps de prendre ses repères, il s’aventura jusqu’à un gros village du nom de Pédong, à quelque 70 km au nord- est de Darjeeling, pour être encore plus près de la frontière avec le Tibet. Là, à un endroit situé bien en face du Sikkim et du Bhoutan, que l’on peut voir de l’autre côté de la vallée profonde, le père Desgodins érigea une grande croix en bois, comme une prière silencieuse, pour que s’ouvre la porte du Tibet.
En attendant, et afin de ne pas perdre son temps, il commença d’évangéliser les villages de toute cette région. Il eut rapidement des conversions car il ne s’agissait pas là de populations hindoues, mais de bouddhistes ou chamanistes.’ Un cadre naturel éprouvant physiquement
Les onze missionnaires qui se sont succédé ont continué la mission commencée par le père Desgodins et ont multiplié de façon étonnante les communautés chrétiennes et la formation du clergé local. Aujourd’hui, il y a trois diocèses pour toute cette région et ses trois évêques sont descendants des premiers convertis locaux. Lévèque de Darjeeling, Mgr Stephen, est Lepcha. Sa famille, baptisée par les pères MEP est originaire du Sikkim voisin.
En partie à cause de son relief très escarpé, la mission du Sud-Tibet est extrêmement diffi¬cile et éprouvante physiquement, exigeant de longues heures de marche toujours en montant ou descendant par des sentiers muletiers. Sans oublier que nous sommes là dans les Himalayas, au climat le plus souvent froid et humide, avec, au-dessus des têtes, les plus hauts sommets du monde, plus particulièrement le tout proche Kangchenjunga (8500 m) qui chevauche la frontière entre le Népal et le Sikkim, très visible à plus de cent kilomètres à la ronde par temps clair. On a du mal à imaginer ce que nos devan¬ciers ont pu endurer et les sacrifices consentis pour annoncer l’Evangile dans ces régions à l’écart du monde.
P Henri Bonal, MEP tiré de la revue « Missions étrangères de Paris » N° 513
1. Lensernble de cette population n’est pas de type indien, mas sino- tibétain: yeux bridés et peau très claire. Ces populations qui autrefois vivaient sur leurs territoires respectifs – les Lepchas, les Sherpas (réputés comme portefaix pour les alpinistes des grands sommets), les Buttias et Corkas (ces derniers connus pour leur bravoure dans les combats) – sont aujourd’hui mélangées_ On y compte aussi des réfugiés tibétains et bhoutanais. Tous ces groupes comptent aujourd’hui parmi eux des chrétiens et des prêtres catholiques_
DMC en la fête de Saint Benoit 2016