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LE DEFI DES LANGUES

LE DEFI DES LANGUES ET L’ANNONCE DE L’EVANGILE DANS LE MONDE CHINOIS

C’est au voisinage du sanctuaire taoïste de Luguantai, à l’ouest de Xi’an, qu’a été découvert, entre 1623 et 1625, le monument ancien le mieux préservé de l’histoire chrétienne en Chine.

Il s’agit d’une stèle chrétienne érigée en l’an 781. Son auteur est le prêtre Jingjing, dont le nom signifie « Le Pur de la religion lumineuse ». Le texte syriaque gravé au pied de la stèle le nomme Adam.

L’arrivée à Chang’an en l’an 635 d’une délégation chrétienne conduite par un certain Aloben. L’évêque Abraham, envoyé en mission par le patriarche de Séleucie Ctésiphon, le catholikos Ichoyahb (Nahal Tajadod, Les Porteurs de lumière, Plon, 1993 p. 330)

On y trouve un schéma de pensée taoïste : Dieu est « l’origine des origines », le Dao de l’univers, pur et indivis. Il a mis en mouvement le souffle primordial et produit le double principe.

Autant d’images qui rappellent les conceptions du bouddhisme mahayana de la Terre pure. Suivant cette école, les âmes traversent l’océan de douleur pour atteindre le paradis de l’Ouest, la Terre pure où règne Amithaba, le Bouddha de la lumière infinie.

Les recherches récentes sur une présence chrétienne en Chine dès le 1er siècle commencent à attirer l’attention.

Par saint Thomas, le Royaume des cieux a pris son essor chez les Chinois.

La Voie engendre le Un, le Un engendre le Deux, le Deux engendre le Trois, le Trois donne vie à tous les êtres. L’antique profession de foi baptismale, la voie, le Dao, « la Voie de la grande paix ».

Cette première forme de christianisme chinois est méconnue aujourd’hui. On y voit en fait l’origine de la religion taoïste. Les développements ultérieurs du taoïsme et du bouddhisme auraient occulté ce fond chrétien.

Dao, La Parole, La Voie.

Logos des Grecs, le Dao des Chinois. « Jésus Christ et le Dao fait chair, venant nous révéler la vie de Dieu et nous dévoiler son cœur d’homme, quelle piété filiale il porte à son Père !

La voie confucéenne. Matteo Ricci, Michel Ruggieri, le milieu populaire bouddhiste,
Parmi les lettrés confucéens.

Le christianisme ne pouvait être accepté en Chine que s’il était déjà présent dans ce que la tradition chinoise avait de meilleur, Matteo Ricci tenta de montrer que l’enseignement originel de Confucius s’harmonisait avec la doctrine catholique.

La grande tradition chinoise est une quête d’harmonie entre terre et ciel. Confucius, Mencius, l’étude et le perfectionnement de soi sur la base d’une bonté fondamentale de la nature humaine, piété filiale : obéissance des enfants à leurs parents, des cadets à leurs aînés, de l’épouse à son mari, des sujets au souverain. Le rituel traditionnel en l’honneur des ancêtres confirme la continuité de la lignée familiale et la stabilité de l’Empire.

Dans son traité intitulé Tianzhu shiyi (Le Vrai Sens de Dieu), Ricci met en relief la conformité de la morale confucéenne avec la loi naturelle. Son argumentation scholastique autour de l’âme immortelle agace plutôt les lettrés chinois, qui préfèrent l’harmonie des contraires au jeu des contradictions, mais ils apprécient sa réfutation du bouddhisme idolâtre. Conscient du scandale que représentent pour les lettrés la mort et la Résurrection du Christ, Ricci en réserve l’annonce aux initiés.

Renforcement de leur tradition confucéenne. « Maître du ciel », apportait un fondement inébranlable à la morale, d’autant que la loi positive des Dix Commandements devait être observée sous peine de péché mortel. Cette inspiration morale et rituelle de la tradition confucéenne marquera profondément le catholicisme chinois.

Mais le confucianisme, surtout lorsqu’il cimente l’ordre étatique, peut également prendre un tour très conservateur, très fermé – et résolument hostile au christianisme.

Le christianisme comme culte pervers, destructeur du rituel traditionnel et de l’ordre public. Les chrétiens chinois étaient d’ailleurs d’autant plus vulnérables que l’Eglise leur a demandé de s’abstenir de pratiquer les rites traditionnels en l’honneur des ancêtres.

Dans l’esprit de nombreux missionnaires, il s’agissait d’éviter une confusion avec les superstitions auxquels ces rites étaient mêlés en milieu paysan. C’était souligner l’exigence radicale du premier commandement : aimer Dieu par-dessus tout, avant même ses parents et l’empereur. Plus profondément, l’Eglise se montrait par là fidèle au prophétisme de l’Evangile : le Salut ne s’obtient pas par l’observance des rites et de la loi mais la foi en Fils de Dieu et l’accueil de son amour libérateur. L’Evangile a ainsi été reçu parmi les paysans pauvres qui n’avaient pas à se soumettre au rituel traditionnel pour passer les examens et obtenir des postes officiels.

Voltaire vit en Confucius un sage qui, disait-il « ne fut jamais prophète, et pourtant les gens crurent en lui, même dans son propre pays ». Les Lettres édifiantes et curieuses, publiées par les jésuites tout au long du XVIIIème siècle, importèrent en Europe l’image d’une Chine prospère et bien administrée, sans Eglise et sans superstition. L’Evangile confucéen alimenta ainsi l’esprit de l’Encyclopédie et convertit nombre d’Européens à un humanisme plus ou moins stable.

La voie taoïste du retour à la simplicité de l’enfant est plus proche de « la petite voie » vécue par sainte Thérèse que toute la science et la vertu des confucéens.

Comme le note le professeur Zurcher de Leyde, nombre de comportements bouddhistes sont transférés dans la pratique catholique en y gagnant la signification nouvelle que leur confère la foi du Christ sauveur.

Ils s’inspiraient d’ailleurs de la méthode d’instruction des païens répandue à l’époque et déjà utilisée par saint François Xavier : expliquer les vérités de la foi à partir du Credo, du Pater, de l’Ave Maria.

François Bontinck, La lutte pour la liturgie chinoise aux XVIIème et XVIIIème siècles, Louvain, Paris, édit. Nauwelhaerts, 1962.

Fo, Tian, Shen
L’expression Tianzhu ou « maître du ciel », a finalement été retenue par les catholiques. Les protestants s’en sont démarqués en choisissant Shangdi (« l’empereur d’en haut), ce qui bloque au départ la production d’une Bible œcuménique.

Le pardon des péchés en confession parait tout à fait abusif aux confucéens. Ils considèrent l’absolution comme un encouragement aux malfaiteurs. Quant aux catholiques eux-mêmes, ils peuvent être tentés d’interpréter de façon légalites les directives de l’Eglise.

La réforme liturgique est officiellement autorisée en 1992.

Une découverte fondamentale se produit alors pour beaucoup. La Bible n’est pas qu’un livre de sagesse utile pour la morale. C’est une histoire de Salut et la personne du Sauveur Jésus se révèle dans l’Evangile.

EXTRAITS tirés du P. Jean Charbonnier, MEP (EDA N° 514 – 01.10.2009)•( Le présent article reprend le texte de l’intervention du P. Jean Charbonnier, MEP, aux Journées doctorales de rentrée de l’institut catholique, le 24 septembre 2009. Le titre complet de l’article est : « La traduction, un acte de théologie – le défi des langues et l’annonce de l’Evangile dans le monde chinois ».)

dmc