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LES CHANOINES REGULIERS DE SAINT-MAURICE

Ce fut en 1925 que l’Abbaye « nullius » de Saint-Maurice adressa à la Congrégation « de Propaganda Fide » une requête en vue d’obtenir un territoire missionnaire propre. Diverses propositions lui furent faites : en Afrique, en Indo-Chine, aux Indes (Bangalore). On envoya des chanoines sur les lieux, qui devaient étudier les conditions de réalisation de ces projets. Le résultat fut chaque fois négatif. Le vrai champ apostolique de la Congrégation ne devait se révéler qu’en 1934, après le voyage aux Indes du Supérieur, Mgr Burquier.

Préfecture apostolique du Sikkim

Cette mission, fondée par la Société des Missions étrangères de Paris, fut cédée à la Congrégation de Saint-Maurice dès que les remplaçants suisses étaient arrivés en nombre suffisant.

La préfecture du Sikkim est adossée vers le nord à l’Himalaya et encastrée dans les deux petits royaumes du Népal et du Bouthan. De structure très montagneuse, elle a une superficie de 7298 km. carrés et une population d’environ 110.000 âmes. Les autochtones sont les Lepchas. Ils vivent misérablement à la lisière des forêts, refoulés par les conquérants : les Népaliens gens à castes, les Bhoutaniens agriculteurs et les Thibétains boudhistes. Le pays est riche et fertile. Malheureusement, les trois cinquième du territoire de la préfecture constituent le royaume indépendant du Sikkim, dont l’accès est interdit aux Européens. Le restant, appelé district de Kalimpong, est soumis à l’Angleterre.

Pedong fut le premier poste cédé aux chanoines, en décembre 1934. Bientôt venait s’ajouter Mariabasti. Alors les missionnaires se mirent à l’oeuvre. Ils aménagèrent les anciennes stations et fondèrent le nouveau poste de Kalimpong. L’oeuvre scolaire, dans laquelle les religieux de Saint-Maurice sont spécialistes, fut grandement développée : 14 écoles en 1938 avec environ 600 élèves.

Pour assurer un développement indépendant et homogène à la mission, il fallait nommer un préfet apostolique parmi les chanoines. Le Saint-Siège le choisit en la personne de Monsieur Gianora, âgé alors (1937) de 28 ans. Il était bien le plus jeune préfet apostolique du monde.

Jeunesse est gage d’optimisme et au Sikkim le zèle des missionnaires ne cesse de se heurter soit à l’indifférence des indigènes, soit aux barrières politiques jalousement fermées. Les progrès de la foi y sont très lents et les âmes doivent se conquérir une à une. Malgré cette situation pénible, Mgr Gianora a de vastes projets en chantier : construction d’une belle église à la place même d’un couvent boudhiste ; ouverture d’une hôtellerie payante pour les voyageurs fortunés de passage ; enfin, fondation de deux écoles secondaires, dont celle pour jeunes filles serait tenue par les Soeurs de Saint-Joseph de Cluny. La sainte ambition des missionnaires est que leur zône d’influence puisse grandir un jour vers le nord et s’enfoncer, tel un coin, à travers l’Himalaya jusqu’au coeur du mystérieux Thibet, la ville-sainte de Lhassa.

Actuellement la préfecture compte 6 stations principales, 5 postes secondaires, près de 1000 catholiques et un effectif missionnaire de 9 prêtres, dont 2 prêtres indigènes. La semence est jetée. La prière instante et les sacrifices des missionnaires voudraient la faire lever bientôt. Que Dieu daigne exaucer leurs désirs et accorder à ce pays, déshérité surnaturellement, la grâce d’une riche éclosion !


Les Chanoines réguliers du Grand Saint-Bernard

L’Hospice du Grand Saint-Bernard e essaimé près de la frontière orientale du Thibet. En 1930, sur la demande du Supérieur des Missions étrangères de Paris, Mgr de Guébriant, on envoya sur les lieux proposés deux jeunes chanoines en explorateurs. Leur rapport ayant été bien accueilli, ils s’en furent définitivement, en compagnie d’un Frère et d’un collaborateur laïque (janvier 1933).

Le district attribué aux chanoines du Grand Saint-Bernard offre un aspect très différent de celui des chanoines de Saint-Maurice. Le seul chemin pratiquable pour y aller passe par Hanoi«Indochine), et Yunnan-fou (Chine méridionale). De là, des chemins muletiers vous conduisent sur 600 kilomètres à travers un pays grandiose et sauvage de hautes montagnes, de cols et de profondes vallées malheureusement infestés de brigands, jus-qu’à Weisi, sur un petit affluent du Mékong.
Les missionnaires se trouvent de la sorte au centre d’un district topographique unique dans son genre : trois gigantesques vallées rigoureusement parallèles, creusées à une profondeur vertigineuse par trois grands fleuves : la Salouen, le Mékong et le Yang-tsé-kiang. Les crêtes, qui séparent ces tranchées, les surplombent de 3 à 5000 mètres. Presque tout le pays est sauvage et sombre : forêts de conifères, rapides impétueux, falaises à pic sur les fleuves, sommets neigeux. La population vit misérablement sur un sol pauvre. Elle se compose de Thibétains de plus en plus dominants vers le nord, de tribus autochtones telles que les Loutzes paisibles agriculteurs, les Lissous guerriers et les Lolos audacieux brigands; enfin, de métis chinois qui infestent les petits marchés locaux.

Weisi.

Situé dans une vallée latérale de la grande vallée du Mékong, ce bourg de 4000 habitants, surtout des métis chinois, est le chef-lieu politique et militaire du district. Les Pères des Missions étrangères de Paris y avaient déjà fondé une résidence avec chapelle, qui furent cédées aux nouveaux arrivants. Ceux-ci ouvrirent un dispensaire pour les malades de la ville et des environs, une école de catéchisme et, tout récemment, un petit Séminaire ou Probatorium pour de futurs prêtres indigènes, des jeunes Thibétains. Ils voient dans ce clergé indigène le fondement d’une oeuvre stable dans ce pays ravagé par les brigands, menacé sans cesse de soulèvements indigènes contre les fonctionnaires chinois, et même de vagues de fanatisme suscitées par les lamas, « quorum deus venter est ».


Siao-Weisi.

Des renforts arrivant de Suisse permirent aux missionnaires de prendre à leur compte la station de Siao-Weisi, déjà en pays de Thibétains : un village agricole de 800 habitants dont les % chrétiens, situé dans la vallée du Mé¬kong à quelque 80 km. au nord de Weisi. Siao-Weisi sera dans un proche avenir le centre de ravitaillement de l’Hospice du Latsa.

Après avoir traversé au nord de Siao-Weisi les rapides du Mékong sur un pont de cordes, c’est-à-dire en une glissade audacieuse sur un câble en bambou très haut dans les airs (ce sont les seuls « ponts » de la région), les voyageurs, s’ils veulent passer dans la vallée de la Salouen, doivent s’engager dans un vallon latéral dont la sortie est sur le col de Latsa (4000 m.). De là-haut, une descente vertigineuse les mène au fond de la tranchée de la Salouen (1500 m.), la dernière qui les sépare des plateaux désertiques du Thibet indépendant. Légèrement en dessous du sommet du col, les chanoines ont posé les fondements d’un hospice gratuit pour les gens de passage. Ce sont surtout des caravanes de porteurs, qui franchissent le col pour des salaires de famine, chargés comme des mulets. Tout porteur qui s’affaisse est allégé du poids de sa marchandise et laissé là. Le froid, la faim ou quelque léopard le délivreront de sa vie de misère. On voit aussi franchir ce col, des criminels ou des esclaves en fuite, des bandes de brigands, de pauvres hères en quête d’un os à ronger, bref, à l’exception des pèlerins plutôt rares dans ces parages, les mêmes « clients » de l’Hospice du Gr. St-Bernard d’il y a quelques siècles (et même encore d’aujourd’hui). Protéger, secourir, loger et nourrir tous ces nécessiteux, — et qui ne l’est pas à celte altitude? — voilà l’oeuvre de charité que se sont fixée les chanoines.

La construction de l’hospice avance difficilement. C’est qu’il s’agit d’un grand bâtiment en pierres, aux murs de forteresse pouvant résister à la tempête, à l’incendie et à des amas de neige de 10 à 15 mètres de haut, dans une altitude insolite, avec des ouvriers ignorants, peureux et fainéants. Le premier étage et le toit seront achevés en 1940/41. Entre-temps, des baraquements provisoires rendent déjà de grands services aux passants.

Cet hospice gagnera à nos missionnaires la sympathie des peuplades environnantes. Il sera aussi le trait d’union entre les divers postes à fonder dans les deux vallées, au fur et à mesure que la grâce de Dieu fera la conquête de ces pauvres gens. Les Lissous et les Thibétains sont spécialement intéressants. Bien que peu travailleurs et adonnés au brigandage, ce sont des caractères mâles, francs et fidèles une fois conquis.

Au premier mars de cette année, la mission disposait de 6 prêtres et de 2 Frères, soit … de tout l’effectif de la Congrégation. D’autres suivront au fur et à mesure des besoins. Le désir des religieàx du Gr. St-Bernard serait de pousser par un échelonnement d’hospices de cette sorte, jusqu’au coeur du Thibet indépendant : projet au-dessus des forces actuelles de la petite Congrégation : mais peut-être pas de ses forces dans un lointain avenir, si tel est le plan de la divine Providence.

 dmc