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LES MISSIONAIRES DE SAINT-MAURICE AU SIKKIM

Dans l’Annuaire de 1935, nous avons longuement parlé des multiples tentatives effectuées par l’Abbaye de Saint-Maurice, au XIXe et au XXe siècles, afin de coopérer effectivement à l’apostolat missionnaire dans les pays d’Orient.

Nous terminions notre article en exprimant l’espoir que la mission du Sikkim serait enfin le territoire définitif où les religieux de Saint-Maurice pourraient exercer leur activité.

Grâces à Dieu les douze mois qui viennent de s’écouler, avec tout ce qu’ils nous ont apporté de nouvelles réconfortantes et intéressantes des con-frères établis à la porte du Thibet, fortifient notre espérance et nous invitent à la plus absolue confiance.

Nos lecteurs comprendront qu’il ne nous soit pas encore possible de leur présenter des résultats extraordinaires obtenus par les Chanoines d’Agaune en pays païen. Ce n’est pas après un ou même deux ans d’efforts que l’on récolte les fruits de son ministère. Plus tard, nous en avons la ferme conviction, nous serons à même de dire les progrès du christianisme dans cette région lointaine où les conquêtes de l’Evan¬gile sont rendues difficiles par le fait du caractère fermé et méfiant des habitants.

Qu’est-ce que le Sikkim? Où est-il situé géographiquement? Comment le christianisme y a-t-il été introduit et quelles sont ses possibilités de développement? II importe de répondre à ces interrogations avant de raconter brièvement les premiers pas de nos missionnaires dans ce pays.

Le Sikkim est un Etat indépendant de 7298 km2. de superficie. Il compte 109.651 habitants La chaîne de l’Himalaya le traverse (groupe du Kantschindschanga que continue, au nord-ouest, le Mont-Everest). II est arrosé par la Tista. Coincé entre le Népal et le Boucan, son climat est, à cause de la mousson, humide. La végétation y est exubérante et, à côté des céréales, du riz, du thé et du coton, elle produit des palmiers et des bananes. Le chef-lieu de cet Etat est Gangtok

Pour nous permettre une comparaison, nous rappelons que le Valais accusait, le 1 er décembre 1930, une population de résidence de 136.094 habitants sur une superficie de 5224,5 km2. où règne un Maharaja appartenant à une dynastie qui remonte au milieu du XVIIe siècle.

En 1835, le Sikkim se libéra de la suzeraineté des Anglais qui avaient rattaché ce pays au district de Darjeeling (Indes britanniques, tout au nord de la Province de Bengale), mais en 1890, par traité anglo-chinois, cette suzeraineté fut à nouveau imposée et for-mellement reconnue par le Sikkim. L’Angleterre avait un intérêt essen¬tiel à consacrer cet état de chose, car elle possède ainsi « une base pour son activité au Thibet, non par la Tista, trop encaissée, mais plus à l’est, par la vallée de Tchoumbi, large, ensoleillée, par ses deux cols faciles de 4320 et 4710 mètres. C’est par là que se fait actuellement la moitié des échanges entre la péninsule et le Thibet» ‘.

Les habitants de ce pays, très peuplé au siècle dernier, forment de nos jours un mélange de Népaliens — les plus nombreux —, de Boutaniens, de Thibétains et de Lepchas. Leur langue est le népali.

Au point de vue religieux, le Sikkim compte une population catholique de 1289 fidèles.

C’est au 10 novembre 1882 qu’il faut faire remonter les débuts de l’activité missionnaire dans cette région. Mgr Douénel, Préfet apostolique, a raconté lui-même, dans un rapport publié en 1933 par la Société des Missions Etrangères de Paris, l’histoire de ces commencements auxquels il ne tarda pas, du reste, d’être mêlé.

Laissons-lui la parole :

« Le 10 novembre 1882, le vénéré et illustre fondateur de notre petite Mission, le bon et si regretté M. Desgodins (fondateur de station de YERKALO), en compagnie de M. Mussot, qui, vingt-deux ans après, devait verser son sang au Thibet, passait le pont jeté sur la Tista, rivière faisant la limite entre le Vicariat Apostolique de Patna et la Sous-division de Kalimpong, à cette époque, encore res nullius.

Alors s’arrêtant un instant au milieu du pont, il s’écria : « Si c’est la volonté du Saint-Père et du Supérieur de la Société des Missions Etrangères de Paris, je prends possession de ce territoire à l’est de la Tisfa et l’offre au Sacré-Coeur de Jésus. » Le lendemain, nos deux confrères s’installaient à Pédong, dans une vieille et branlante maison boutanienne, louée au Gouvernement anglais et décorée du titre pompeux de villa.

Telle est l’origine de la fondation de cette Mission qui, en 1929, devait devenir la petite Préfecture apostolique du Sikkim. »

Mgr Douénel y arrivait en 1892. M. Desgodins, alors Provicaire du Thibet, lui dit au moment où il pénétrait dans la masure qui lui servait de presbytère :

« Mon cher ami, faites vie qui dure, et surtout tenez bon. » Le Préfet apostolique du Sikkim ‘ajoute : « C’était, parait-il, la consigne qu’il avait déjà donnée à mon pré-décesseur, M. Hervagault, et celle qu’il donna également à mon successeur, M. Durel. Voilà quarante-cinq ans que tous les trois nous restons fidèles au mot d’ordre passé par ce saint missionnaire qui, lui, a tenu bon pendant soixante-trois ans. »

Très grandes sont les difficultés d’évangélisation dans ce pays, nous l’avons dit plus haut. Mgr Douénel l’a écrit : « . malgré bien des labeurs, les résultats sont très lents à venir, quelques épis sont recueil-lis et encore avec beaucoup de peine. » Cette constatation est confir¬mée cette année même par le Guide des Missions catholiques, publié sous le haut patronage de la S. Congrégation de la Propagande, qui donne un tableau des territoires ayant les statistiques les plus basses de conversions par chaque prêtre et où nous trouvons le Sikkim, troi¬sième sur onze, avec une moyenne de 4 conversions et 184 catholiques
par prêtre.

Les deux premiers missionnaires de Saint-Maurice sont arrivés au Sikkim le 17 décembre 1934. A la fin de 1935, deux autres Chanoines ont rejoint les Pères Gianora et Fox : MM. Martin Rey et Auguste Schyrr. Aujourd’hui ils résident tous à Pédong. Le Père Gianora, Supérieur religieux, se dévoue à l’oeuvre de l’orphelinat qui héberge une quinzaine d’enfants. C’est dans cette direction, selon lui, qu’il y aura moyen d’étendre le plus sûrement la chrétienté du Sikkim.

« Les orphelinats, écrit-il, permettent de recueillir de nombreux enfants dans la misère, de les nourrir, de les instruire et surtout de les éduquer sous la vigilance constante d’un Père. Ils seront de vrais séminaires de chrétienté et des plus effi¬caces… Dans ces institutions seulement, nous pourrons former des chrétiens vrai-ment exemplaires, de futurs fondateurs de familles foncièrement religieuses. De là aussi devront sortir nos futures vocations. »

Et le R. P. Gianora nous annonce un premier fruit de son activité apostolique : « … nous avons accepté hier (1er décembre 1935), comme catéchiste, un de nos enfants de l’orphelinat qui venait de terminer ses études dans nos écoles. C’est un excellent enfant thibéto-chinois, donc hors des castes — qui promet certainement beaucoup. Nous l’instruirons tout particulièrement nous-mêmes et il sera notre interpréte auprès des gens d’ici qui approchent difficilement un Père. Il se nomme Joseph-Benedict Phichi et il vient de me dire, fout heureux, qu’il y a deux de ses amis à l’hôpital de Pédong qui désirent se faire chrétiens. »

Dans l’Annuaire de 1935, nous avons longuement parlé des multiples tentatives effectuées par l’Abbaye de Saint-Maurice, au XIXe et au XXe siècles, afin de coopérer effectivement à l’apostolat missionnaire dans les pays d’Orient. Nous terminions notre article en exprimant l’espoir que la mission du Sikkim serait enfin le territoire définitif où les religieux de Saint-Maurice pourraient exercer leur activité. Grâces à Dieu les douze mois qui viennent de s’écouler, avec tout ce qu’ils nous ont apporté de nouvelles réconfortantes et intéressantes des confrères établis à la porte du Thibet, fortifient notre espérance et nous invitent à la plus absolue confiance.

Nos lecteurs comprendront qu’il ne nous soit pas encore possible de leur présenter des résultats extraordinaires obtenus par les Chanoines d’Agaune en pays païen. Ce n’est pas après un ou même deux ans d’efforts que l’on récolte les fruits de son ministère. Plus tard, nous en avons la ferme conviction, nous serons à même de dire les progrès du christianisme dans cette région lointaine où les conquêtes de l’Evan¬gile sont rendues difficiles par le fait du caractère fermé et méfiant des habitants.

C’est au 10 novembre 1882 qu’il faut faire remonter les débuts de l’activité missionnaire dans cette région. Mgr Douénel, Préfet apostolique, a raconté lui-même, dans un rapport publié en 1933 par la Société des Missions Etrangères de Paris, l’histoire de ces commence¬ments auxquels il ne tarda pas, du reste, d’être mêlé. Laissons-lui la parole :

« Le 10 novembre 1882, le vénéré et illustre fondateur de notre petite Mission, le bon et si regretté M. Desgodins  (qui n’est autre que le pionnier fondateur de la mission de Yerkalo au Thibet), en compagnie de M. Mussot, qui, vingt-deux ans après, devait verser son sang au Thibet, passait le pont jeté sur la Tista, rivière fai¬sant la limite entre le Vicariat Apostolique de Patna et la Sous-division de Kalim¬pong, à cette époque, encore res nullius. Alors s’arrêtant un instant au milieu du pont, il s’écria : « Si c’est la volonté du Saint-Père et du Supérieur de la Société des Missions Etrangères de Paris, je prends possession de ce territoire à l’est de la Tisfa et l’offre au Sacré-Coeur de Jésus. » Le lendemain, nos deux confrères s’installaient à Pédong, dans une vieille et branlante maison boutanienne, louée au Gouvernement anglais et décorée du titre pompeux de villa. Telle est l’origine de la fondation de cette Mission qui, en 1929, devait devenir la petite Préfecture apostolique du Sikkim. »

Le R. P. Fox, Master of Arts de l’Université d’Oxford, dirige les écoles de Pédong. Mais là n’est pas sa seule occupation. De concert avecle P. Gianora il excerce un fructueux ministère paroissial, n’hésitant pas devant les grandes fatigues des longues randonnées pour apporter aux chrétiens disséminés dans toute la vallée les lumières et les consolations de la religion.

Dès que les Pères Schyrr et Rey se seront familiarisés avec la langue du pays, ils se voueront également de toute leur âme au travail d’évangélisation qui les attend. Mgr Douénel vient en effet de confier à nos confrères un second poste de la mission, celui de Mariabasti. Nous demandons aux lecteurs de ce bref article de vouloir bien se souvenir dans leurs prières des missionnaires d’Agaune au Sikkim. Et, dans la mesure de leurs possibilités, qu’ils les aident de leurs aumônes, afin que le pays situé aux confins du Thibet soit un jour l’une des gloires de la chrétienté et que la Suisse puisse revendiquer l’honneur d’avoir bien travaillé à l’extension du règne de Dieu dans cette petite portion des vastes champs du Père de famille.

F.-M. Bussard, chanoine de Saint-Maurice.