MARIE DANS LE PLAN DE DIEU
En ce mois de mai, interrogeons-nous sur la place de Marie dans la foi catholique. Pourquoi nous tourner vers elle? Éléments de réponse avec le Père Benoît-Dominique de la Soujeole, dominicain (professeur de dogmatique, UNI Fribourg – Suisse)I
Qui est Marie pour un catholique? Elle est la mère de Dieu, nous dit le concile d’Éphèse en 431. Elle est celle par laquelle et en laquelle le Verbe s’est incarné. Son identité nous dit aussi sa vocation, sa place dans le mystère chrétien. Son fils est vrai Dieu et aussi vrai homme. Voilà pourquoi elle est proche des hommes. Celle qui a donné la vie au Christ pre¬mier-né comme disent saint Luc (2, 5) et saint Paul (Col, 18), c’est-à-dire premier de la Création rache¬tée. Elle est aussi celle qui donne la vie aux frères et soeurs de ce premier-né que nous sommes. En effet, le chrétien par son baptême est frère du Christ Fils de Dieu.
Comment s’est construit le culte à Marie? Depuis quand est-elle priée dans l’Histoire de l’Église?
Elle a été priée très tôt ; la plus ancienne prière la concernant remonte à la fin du II’ siècle ou au début du me siècle. C’est le Sub Tuum qui commence ainsi : «Sous votre protection, nous nous réfugions Vierge Marie. » D’emblée, l’instinct chrétien n’a pas vu d’opposition entre la prière à Dieu et la prière à Marie. Pour des croyants venant du judaïsme, c’est une conversion… car ces derniers ne prient normalement que Dieu.
Ce culte à Marie aurait pu être perçu comme une contradiction, soit à cause de la déification d’une créature, soit à cause de l’amoindrissement de Dieu le père… ce n’est pas le cas.
D’où tient-elle sa place? Comment le caractériser?
La Vierge a été spontanément placée par les premiers chrétiens dans une situation d’intermé¬diaire entre l’homme et Dieu. Sa place, comme toute place dans la communauté chrétienne, est un ser¬vice. Son identité fondamentale de Mère de Dieu lui permet dans le sens descendant » de nous donner son Fils, dans le « sens ascendant » de nous aider à L’aimer. Elle est ce point de rencontre entre ce qui vient du Ciel et ce qui doit monter de la Terre vers le Ciel. Beaucoup de statues la représentent avec Jésus dans les bras : elle nous Le donne, nous Le montre. Et en allant vers elle, en recevant son fils, nous accédons à la vie de la Trinité. Les mys¬tères chrétiens s’éclairent les uns les autres, il faut les mettre en relation pour les comprendre.
Comment concevoir qu’un Dieu tout-puissant laisse autant de pouvoir à une créature humaine? Accepte qu’elle soit sa mère?
Associer sa créature à son oeuvre n’est pas pour Dieu une preuve de limite ou de faiblesse, mais de grandeur. La toute-puissance infinie de Dieu se mesure à cette capacité. Il veut associer à son pro¬jet notre liberté, toutes nos capacités. Il les soutient par sa grâce. Il est Celui qui fait être avec amour et délicatesse et non celui qui écrase ou impose. Dans sa bonté et sa grandeur, Il nous envoie sa Mère.
Quels liens particuliers Marie a-t-elle avec les hommes?
Elle est mère. C’est le centre de son mystère, Mère du Fils, puis des hommes à la suite du Fils. Elle transmet la vie à la façon d’une femme, c’est- à-dire qu’elle transmet d’elle-même. Elle partage le privilège féminin : être porteur de vie, intimement et profondément lié à celle-ci. Marie prend de sa grâce pour nous engendrer à la grâce.
Comment se fait-il qu’elle soit notre mère?
Elle est notre mère, car elle intervient dans la transmission de la vie, d’abord de notre frère aîné, son fils selon la chair, mais aussi de tous ceux qui naissent de la grâce de son fils. Elle est la plus proche de Lui. On voit dans l’Évangile comment elle passe de la maternité d’un seul — Jésus — à la mater¬nité de tous et ce dès le début de sa vie publique (voir l’épisode du miracle de Cana).
Quelle est la place de Marie dans l’ordre du salut?
Quand on parle de l’ordre du salut, on doit à la fois distinguer et mettre en relation les mystères entre eux, il y a une cohérence. Le premier des mys¬tères est celui de Dieu créateur et rédempteur, puis suit celui du Verbe incarné. Dans ce dernier, nous découvrons la Vierge Marie dans laquelle et par laquelle l’Incarnation se fit. Impossible d’évoquer Marie sans évoquer aussi un autre mystère, celui de l’Église apostolique. Marie n’a pas fait partie des Apôtres, mais le jour de la Pentecôte, elle est au Cénacle au milieu des Douze pour les aider à diffuser la bonne nouvelle de la résurrection du Christ.
Peut-elle intercéder pour nous comme n’importe quel défunt ou saint dans la vision béatifique? Ou bien a-t-elle une place plus privilégiée?
Elle intercède comme les autres saints. La figure de l’avocat permet de se représenter cette interces¬sion mariale. Dans la tradition de l’Église, et dans le Salve Regina, l’un des titres de Marie en effet est « advocata nostra ». Mais il faut reconnaître que la valeur de l’intercession des saints n’est pas la même. Plus ceux-ci sont proches du Seigneur, plus leur charité est grande, plus puissante est leur intercession. La Tradition dit que le Fils ne peut rien refuser à sa Mère.
Propos recueillis par Bénédicte Drouin-Jollès
dmc