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MISERICORDE ! – CPCR

La miséricorde est une réalité dont chacun de nous a une certaine expérience. On en parle assez, mais souvent on l’exerce moins. Il suffit de regarder le nombre de conflits qu’il y a autour de nous et dans nos relations interpersonnelles pour nous en rendre compte. Et de ce fait, être miséricordieux devient pour nous plus qu’un défi à relever, une mission, une responsabilité.

En acceptant de vous parler de la miséricorde, je ne ferai que commenter à ma manière, quelques numéros de la bulle d’indiction du jubilé extraordinaire de Sa Sainteté le Pape François qui, le 11 avril de l’année en cours proclamait l’Année de la Miséricorde.

Mon intervention s’articulera en deux points. Le premier est consacré à quelques définitions de la miséricorde divine. Et le second est un ensemble de petites réflexions sur la miséricorde. Sans plus tarder, venons-en au premier point.

1. La miséricorde divine

Quand on cherche à comprendre ce qu’est la Miséricorde divine, la chose la plus ordinaire à faire ainsi que le premier réflexe, c’est de recourir aux dictionnaires et encyclopédies, car là se trouvent proposées définitions et explications fouillées des divers concepts. Je vous les épargne.

Et pour saisir avec simplicité ce que j’entends par miséricorde divine, je vous propose de vous plonger dans votre expérience de foi, revisitez votre histoire, interrogez votre relation d’intimité et de communion avec Dieu, c’est là que vous pourrez trouvez la vraie définition de la miséricorde divine, celle qui jaillira de votre expérience personnelle.

Pour tenter de comprendre ce mot miséricorde et pour proposer quelques définitions, j’ai procédé à un petit exercice qui m’a fait déduire de la miséricorde trois concepts que voici : la misère, la corde et le coeur. Avec ces trois mots, j’ai imaginé une anecdote qui nous connecte à une histoire vraie et dont nous sommes tous protagonistes.

La misère : comme vous le savez si bien, la misère est une réalité que personne ne désire de tous ses voeux ; c’est cet état de vie qui fait peiner, car la misère dégrade, elle affecte au plus profond, la dignité humaine, pour cela elle est toujours combattue, à combattre et à éviter. Une personne qui vit misérablement perd du coup la joie, la sérénité elle est comme terrassée, enchainée ; de ce fait, elle a besoin d’être libérée, elle nécessite une aide et un secours. Celui qui vit dans la misère est comparable à une personne qui vit dans la solitude, au fond d’un trou profond, obscur et malsain.

La corde : pour se tirer d’un gouffre profond, on a besoin d’une corde solide, bonne, longue. Celle-ci peut être lancée au fond du trou pour que celui qui s’y trouve s’y accroche en vue de sortir, mais la même corde peut devenir le moyen par lequel le secouriste descend rejoindre le sinistré au fond du trou pour le ramener à la surface, le sauver.

Le coeur : que nécessite-t-on fondamentalement pour se rendre compte de la misère de l’autre ou pour décider de prendre une corde pour sauver quelqu’un d’un trou où il est tombé ? Les yeux, les oreilles, les jambes, les bras sont certes importants, car ils permettent de saisir l’information, mais ils ne sont que des moyens qui, soit perçoivent, puis la transmettent, soit exécutent un ordre. Ils sont certes nécessaires mais ils ne se suffisent pas à eux-seuls.

Pour qu’ils jouent pleinement leurs rôles, ils ont besoin de quelque chose de fondamental. Je ne veux pas parler du cerveau, mais plutôt du coeur ; et le coeur dont il est question ici n’est pas l’organe que chacun de nous possède et qui a une place de choix dans le corps : il s’agit du coeur comme disposition intérieure, comme état d’âme, comme motivation capable de mobiliser tout l’être.

Et à ce propos, je voudrais vous rappeler qu’il existe des gens qui ont un coeur, comme organe, mais qui sont sans coeur, sans sens d’humanité. Le coeur qu’il nous faut avoir, c’est justement cette attitude qui nous porte vers les autres, qui nous fait partager la misère, la souffrance des autres ; un coeur épris de charité, sensible, attentif, qui sait susciter de la compassion, qui sait libérer la générosité, capable de mobiliser l’engagement, de motiver la disponibilité et d’alimenter le courage.
Une petite histoire : « un homme généreux, bon et riche, avait à sa charge un couple à la disposition duquel il mit tout ce qu’il leur fallait pour vivre heureux et épanouis, il leur concéda la liberté de mouvement et leur confia aussi la gestion de son patrimoine. Abusant de leur liberté, les deux décidèrent de prendre un autre chemin que celui qui leur était indiqué par le maître ; en effet, ils voulaient vivre indépendants. Et sur le chemin de la révolte et de l’orgueil, ils tombèrent dans un trou profond d’où ils ne pouvaient sortir d’eux-mêmes, ainsi commença leur calvaire, une misère sans précédent, et du fond de leur trou, ils criaient nuit et jour pour solliciter la générosité d’un secouriste.

Se promenant de ce coté là, le maître entendit des cris, des pleurs et des gémissements remontant du fond du trou. Il reconnut leur voix et fut remué jusqu’aux entrailles. Pris de compassion, il rentra à la cour, convoqua son conseil et dépêcha une troupe qui à l’aide d’une corde les délivra de leur misère.

li suffit de lire le prologue de l’Évangile selon saint Jean (In 1,1 ss) ou l’Épître aux Philippiens (ph 2, 6-11), pour saisir la portée de cette histoire qui nous conduit dans le coeur miséricordieux de Dieu.

En effet, il découle de ce qui précède que la Miséricorde divine n’est nullement un concept creux. Elle est une réalité qui renvoie à une personne, elle dévoile le coeur de Dieu et révèle son identité, ce Dieu, Père, que Jésus nous présente comme modèle et référence par excellence : « Heureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7).

Et saint Paul fort de son expérience de la Miséricorde divine appelle Dieu « le Père riche en miséricorde » (Ep 2, 4) le même qui se révéla à Moïse comme « le Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » (Ex 34, 6). Cela nous rappelle que la miséricorde de Dieu déborde le temps et l’espace. Dans l’Écriture, la Miséricorde divine est le mot clé pour indiquerl’agir de Dieu envers nous. « Elle estsa responsabilité envers nous, il se sent responsable, c’est-à-dire qu’il veut notre bien et désir nous voir heureux, remplis de joie et de paix » (MV 9). « La Miséricorde divine, c’est l’expression de l’amour infini de la Trinité pour nous, elle est l’expression de sa tendresse et de sa sollicitude paternelle ».

La miséricorde de Dieu n’est pas une idée abstraite, mais une réalité concrète à travers laquelle il révèle son amour comme celui d’un père et d’une mère qui se laissent émouvoir au plus profond d’eux-mêmes par leur fils. 11 est juste, pour paraphraser le pape François, de parler d’un amour viscéral. Il vient du coeur comme un sentiment profond, naturel, fait de tendresse et de compassion, d’indulgence et de pardon.

Le Dieu, Un et Trine, étant Amour (1 Jn 4,8 ; 16), tout ce qu’il fait n’est que reflet de son amour ; amour qui a atteint sa perfection en Jésus de Nazareth, ainsi le pape François a pleinement raison de dire que « Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père » (MV1), car le Christ Lui-même le confirme quand il dit : « qui me voit a vu le Père » (Jn 14, 9).

« La miséricorde divine est l’action charitable et généreuse de la Trinité en faveur de l’humanité ; elle est la preuve de la sensibilité et de la proximité de Dieu ». Par Jésus, en Lui et avec Lui, l’amour de Dieu a fait son chemin jusqu’à nous, il a établi sa tente parmi nous. Et Jésus, visage de la présence miséricordieuse de Dieu sur terre, a fait preuve de cela par ses paroles, ses gestes et toute sa personne. Si donc Jésus est le modèle de la Miséricorde divine, que doivent faire ou devenir ceux qui se réclament de Lui ?

2. Quelques réflexions sur la miséricorde

Quand on observe la société actuelle, son évolution, sa dynamique, on est émerveillé. Mais quand on voit les faits tels qu’ils se déroulent, quand on regarde comment agissent les hommes et les femmes de notre temps, quand on analyse certains événements et comportements, quand on réalise des statistiques sur des crimes dans le monde actuel, on peut affirmer avec audace, que notre temps est celui qui jusqu’ici, a connu le plus d’atrocités possibles; de guerres, de violences ; une société où la dignité de la personne humaine semble la plus bafouée. L’on dirait même qu’on a à faire à une société caractérisée par le manque de quelque chose de fondamental qui est l’amour miséricordieux .

Et une telle société en crise de charité, est une société malade, déconnectée de l’essentiel, et qui vit en marge du principe et fondement de sa vie et de son existence. Mais qui composent la société, sinon des hommes et des femmes ? Et d’où vient la maladie de la société ? Bien sûr, des coeurs malades des hommes et des femmes ; c’est de là que viennent la haine, l’intolérance, l’impatience, l’égoïsme, c’est dans le coeur que se livrent d’abord toutes ces guerres qui par la suite s’extériorisent. Nos coeurs nécessitent une thérapie spéciale.

Mais comment faire pour guérir les coeurs malades et construire une communauté de pardon et de fête? Le Saint Père dans sa bulle, nous propose, parmi tant d’autres pistes, celle de la contemplation, comme voie de l’initiation, de l’imitation et de la configuration au coeur de Dieu. La contemplation qui nous est proposée ici, nous veut introduire dans trois écoles d’initiation, à savoir : la Très Sainte Trinité, fournaise ardente de la charité et de miséricorde ; Jésus-Christ, visage de la Miséricorde divine, la Très sainte Vierge Marie, demeure de Dieu.

En effet, à travers la contemplation de la sainte Trinité, l’on découvre cet amour qui construit la communion et la miséricorde qui se déploient sous forme d’une collaboration sincère, qui fait tout converger vers l’accomplissement de l’oeuvre du salut. On peut donc y voir cette éternité de l’amour miséricordieux de Dieu qui brise le cercle de l’espace et du temps, et qui nous dispense souvent l’appel à pardonner, pour pardonner désormais soixante dix sept fois sept fois.

En contemplant Jésus et avec Lui, on apprend à accueillir la Trinité, et en même temps on s’inscrit à cette école où ll nous apprend à nous donner, par l’octroi du pardon aux autres. On arrive ainsi avec son initiation et son imitation, à accueillir les autres avec leurs limites, on devient compatissant, patient, tolérant, serviable, généreux, on fait confiance, on supporte tout, on espère tout, on endure tout, on recherche le bien de tous (cf. 1 Co 1, 13, 4-7).

La communion avec Jésus est la véritable école où l’on apprend à guérir les autres, à consoler, à soulager leurs peines. A l’école de Jésus l’on apprend à pardonner aux malfaiteurs repentis « aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis » (Lc 23, 43). En compagnie de Jésus l’on apprend à libérer le pardon en faveur de ses bourreaux, comme Jésus sur la croix « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). Avec Jésus, l’on apprend à pardonner à ceux qui vous renient et à qui l’on fait confiance en leur confiant des responsabilités « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? Sois le berger de mes agneaux… » 21, 15-17).

En contemplant la Miséricorde divine avec la Vierge Marie et par elle, on est introduit dans le sein de la Trinité, car Marie est le Temple qui accepta d’accueillir en elle la volonté du Père, car elle conçut le Fils de Dieu par la puissance de l’Esprit Saint : elle est la mère de la Miséricorde divine et celle qui, par son intimité avec son Fils, a la capacité de nous initier à la vie de Jésus.

Aujourd’hui comme les autres jours, nous ne cessons, dans la prière de Jésus, de dire « pardonnes-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi… » jésus qui nous a appris cette prière, nous en a appris la valeur par sa vie. Il nous invite à pardonner sans compter (Mt 18, 23-35). Et dans la parabole du débiteur sans pitié, Jésus affirme que la miséricorde n’est pas seulement l’agir du Père, mais elle devient le critère pour comprendre qui sont ses véritables enfants. Nous sommes enfants de Dieu si nous pardonnons aux autres, car dit-on, tel père tel fils. Et enfants de ce Dieu miséricordieux nous devons l’être toute notre vie durant en famille, au travail, à l’école, en voyage, partout et en toutes circonstances.

Sans cesse, Jésus, visage de la Miséricorde du Père, nous convie à devenir des témoins de la Miséricorde divine, par l’accueil du pardon de Dieu et tous ses effets qui en découlent : notamment la paix, la joie, la purification, la libération, qui nous mettent face à une grande responsabilité, qui est en réalité la mission d’offrir le même pardon à ceux qui nous ont offensés et de le solliciter de ceux que nous avons offensés.

Sommes-nous prêts à l’offrir et à le demander ? Pécheurs pardonnés, nous avons une dette, celle de toujours pardonner avec amour et joie.


Tiré de la revue des CPCR “Marchons !” mai – juin 2016 – auteur Arnold Mukiele Meya (coopérateur parroissial du Christ-Roi) (CPCR)

dmc le 17.04.2017