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Notre mission en Chine

Tiré des Feuilles missionnaires, n°170, 2e trimestre 1998

1. LE CRÉPUSCULE DE LA MISSION – 1951

Fin 1951, l’évangélisation de notre Mission de Tali (Dali), dans la province du Yunnan, au sud-ouest de la Chine, avait pratiquement cessé. Parmi nos mis­sionnaires, certains, sur ordre de Mgr Lacoste, évêque de Tali, s’étaient repliés sur la Birmanie (aujourd’hui: le Myanmar). Ils espéraient s’établir dans ce pays au plus près de leurs chrétiens. Mais ce séjour leur fut refusé. Leur départ ne se fit pas sans déchirement

LIQUIDATION

«Je suis en train d’assurer la lourde responsabilité de liquidateur et je vous assure que c’est parfois dur à en pleurer. Nos pauvres gens ne comprennent pas notre départ…

La semaine dernière, j’ai pu réunir ici les principaux de nos chrétiens et de nos catéchistes. Nous avons tenu un petit conseil et pris des décisions pour que notre district pâtisse le moins possible de notre absence (…) Le catéchis­te le plus âgé et le plus instruit visitera tous les coins du district.

Je suis en train de régler la situation de nos élèves (…) Nous les aimions et ils nous aimaient. C’est dur d’en renvoyer une partie chez eux et de disperser les autres aux quatre coins. Là aussi tout est entre les mains de Dieu.»

P. Séguinotte

D’autres Pères furent enlevés par les communistes qui les retinrent à demi prisonniers:

RÉSIDENCE SURVEILLÉE

«Le P. Trezzi est à P’ouel en résidence surveillée. Il ne peut ni retourner dans sa résidence de Ta-la-ba, ni aller à Kunming. Il est surveillé mais circule en ville. Comme tout le monde doit travailler, il aide à construire des maisons.

Le Père Oxibar est dans sa résidence de Tapalu, surveillé également. Toute relation avec quiconque lui est interdite. Mais ceux qui le surveillent sont catho­liques : il peut dire la messe dans son église déserte.

Le P. Echaïde est dans la même situation. Défense de quitter la résidence et de communiquer avec qui que ce soit… Mais là aussi le village est isolé et les habitants de l’endroit sont catholiques et sympathiques…

Quant au P. Lanusse, à Ta-la-ba, voisine du chef-lieu du canton, il est plus misérable. L’étage de la résidence, où se trouvent la chapelle, les livres, les effets et objets du Père, est sous scellés. Le Père est au rez-de-chaussée avec un seul domestique. Il ne peut dire la messe. Aucune relation n’est autorisée. Les officiels voisins viennent sans cesse le surveiller, l’interroger, l’accuser.

L’EXODE

“Je vous écris de Hong Kong où les Pères Bignolles, Pédebideau, les
Frères Dimas et Bertrand et moi, nous sommes arrivés hier, après un mois de voyage à travers la Chine. La situation à Tali n’était plus tenable. Depuis dé­cembre 1950, nous étions bloqués dans la ville. En septembre dernier, nou­velles mesures: interdiction de sortir de la Mission, un emprisonnement à peine déguisé. Les trois Pères, nous devions essayer de gagner la Birmanie. Les deux Frères rentraient en France…

Tout cela n’était que plan. Arrivés à Hong Kong tout a été renversé: il était
impossible d’aller en Birmanie. La seule solution qui restait: le retour en France et, pour libérer des places sans cesse occupées par des missionnaires qui quittent la Chine à la cadence de dix par jour; départ par les moyens les plus rapides, même par avion, a ordonné le Nonce. Nous allons rentrer tous les cinq en France.” (P. Laulom)

Que restait-il de notre Mission en cette fin d’année 1951? Des bâtiments,
pour la plupart confisqués et pillés. Mais aussi des groupes de chrétiens confiés à leurs seuls catéchistes, avec deux prêtres chinois sur qui repose l’ad­ministration des sacrements dans ce vaste territoire. Pour ces chrétiens com­mençait une longue période de souffrances morales et parfois physiques qu’ils ont supporté avec foi et courage contre vents et marées persécutrices. Leurs noms sont inscrits dans les cieux.

Le crépuscule n’est pas la fin du jour, c’est la promesse d’une aurore.

II. AURORE SUR LA MISSION DE CHINE – 1998

Depuis plusieurs années, nous savions que les Pères des Missions Etrangères de Paris (MEP) faisaient des visites en Chine. Nous, missionnaires en Thaïlande, pourquoi n’irions-nous pas visiter la Mission des Pères de Bétharram en Chine? Nous sommes à une heure et demie d’avion, de Chiang Mai à Kunming, chef-lieu du Yunnan.

Parmi nous il y a encore deux vétérans de Chine: les Pères Jean Lanusse et Roger Pédebideau. Le Père Lanusse se désiste pour raison de santé. Le Père Pédebideau cherche un ou deux compagnons. Le projet traîne jusqu’au jour où le Père Joseph Mirande, de passage à Chiang Mai, relance le projet et se porte volontaire pour être du voyage. Je pose ma candidature.

Le 16 avril 1998, la fête de Pâques étant passée, nous nous embarquons à Chiang Mai et, après une heure et demie de vol, nous sommes à Kunming.

KUNMING

Un ami résident à Kunming nous attend au terrain d’aviation et, après les formalités d’usage, il nous accompagne jusqu’à l’hôtel. Nous sommes logés au onzième étage. Chambre à trois lits et petit salon. Il y a tout le confort que l’on trouve ailleurs.

Le lendemain nous concélébrons la messe à l’hôtel même et, après le petit déjeuner, allons visiter quelques endroits de la ville. Déjà, du haut de l’hôtel nous avions une vue magnifique sur la ville entière. Kunming est une grande ville: trois millions d’habitants, cité moderne. On construit beaucoup, mais les vieilles bâtisses doivent disparaître… Les rues, très larges, sont sillonnées d’in­nombrables cyclistes, de nombreux camions et autobus, de quelques voitures particulières et de rares motos.

Les magasins de toutes sortes, les super-marchés regorgent de marchan­dises et d’aliments. Les gens sont bien habillés, sans luxe, à l’européenne. Le fameux pantalon chinois a disparu. On remarque peu d’enfants et ceux-ci sont bien habillés et bien nourris.

L’après-midi nous visitons la cathédrale où Mgr Lacoste fut ordonné évêque, c’est la cathédrale Sainte Thérèse. Pour une cathédrale, ce n’est pas une mer­veille! Pas très grande, elle aurait bien besoin de réparations. Le curé, un chi­nois, nous fait visiter l’ancien évêché, un bâtiment vétuste et sombre qu’il amé­nage pour loger des séminaristes.

À Kunming, il y a cinq prêtres de l’Eglise officielle. Parmi eux, le curé de Tali (Dali), le Père Grégoire, un hmong. Il a tout juste trente ans. Il nous attend à Shiakouan, à 12 km avant d’arriver à Tali où il nous offre le repas du soir. Nous allons ensuite à l’hôtel. Le voyage a été long et fatigant. Et l’hôtel ne ressemble pas à celui de Kunming. Le sanitaire surtout est abominable. Patience!

TALI

Le 19 avril est un dimanche. La veille, à notre arrivée à Tali, nous avions demandé au curé s’il serait possible de concélébrer la messe avec lui. Il nous l’avait déconseillé: les autorités civiles pourraient lui chercher des histoires. Ne pouvant concélébrer, nous assistons à la messe. Le prêtre célèbre en chinois, face au peuple. L’assistance n’est pas nombreuse, 25 ou 30 personnes. Deux religieuses chinoises animent la messe: l’une fait les lectures, l’autre joue de l’harmonium.

Juste à la fin de la messe, un vieux chinois barbu, un bâton à la main, une belle croix suspendue à son cou, se présente au curé et demande à commu­nier. Il communie et, sans doute ému ou tellement content, sanglote, agenouillé dans l’allée latérale. L’émotion passée il fait son chemin de croix avec beau­coup de ferveur.

À la sortie de la messe, presque tous rentrent immédiatement chez eux. Trois ou quatre hommes restent pour parler avec le curé qui leur dit qui nous sommes. L’atmosphère est détendue. On essaie de savoir s’ils ont connu des prêtres étrangers. Le Père Pédebideau prononce le nom de Longshenfou. Un homme déjà âgé réagit et, de sa main touchant ses cheveux, nous fait com­prendre le signe particulier du Père Londaitzbéhère qui avait une mèche blanche dans ses cheveux.

L’après-midi, nous allons à Shiakouan avec le curé de Tali qui s’occupe éga­lement de ce poste. Le diocèse y a acheté une maison à étage pour les offices. Une salle du haut sert de chapelle. Elle est très ornée. Le Père Grégoire y avait célébré la messe le jour de Pâques et les chrétiens avaient mis tout leur cœur et leur savoir pour orner la chapelle. C’est une démonstration de leur foi.

Nous sommes ensuite allés au cimetière de Tali à la recherche des tombes de quelques Pères et chrétiens. Un vieux chrétien se rappelle bien où se trou­vaient ces tombes, mais, à la «libération» (prise du pouvoir par les commu­nistes) les gens, chrétiens et autres, ont démoli les tombes et, avec les pierres, ont fait des clôtures pour délimiter des terrains cultivables. Les pierres de taille ont servi à bâtir des maisons ou des monuments.

LI KIANG

Le 20 avril, nous allons à Li Kiang, à 150 ou 160 km de Tali. La route est très pittoresque. Il faut monter une montagne au sommet enneigé. Des lacets, pas très en pente, surplombant une grosse rivière, nous mènent jusqu’à la neige. Après un col, nous descendons vers Li Kiang.

Li Kiang est une belle ville, en deux parties: la vieille ville aux rues très étroites et grouillantes de monde et la ville moderne où se trouve une vaste place avec une statue de Mao au bras droit étendu indiquant la route à suivre.

Sur les pentes de la montagne voisine, il y a quelques abris et, plus haut une belle pagode. La pluie et la grêle nous empêchent d’arriver à la pagode. Dans cette ville, on ne voit aucun vestige chrétien1.

1) À Li-Kiang, vos pères n’ont pas trouvé de vestiges chrétiens. la raison en est qu’aucun missionnaire catholique ne s’y est jamais établi. Les Protestants s’y sont peut-être montrés quel­quefois sans pourtant, à ma connaissance, n’avoir jamais construit de résidence ni de chapelle. Un Américain qui recueillait des graines de plantes médicinales y a séjourné : il logeait à l’au­berge. Il s’appelait Joseph Rock et il a publié deux volumes sur les roitelets mosso de la région et même de notre région : Kampou et Yétche.

Note de Mgr Angelin LOVEY, Chanoine régulier de St Bernard, ancien missionnaire au Yunnan

SHIAO WEISI

Le 21 nous faisons route vers Shiao Weisi où il y a une chapelle avec son curé, et un groupe de chrétiens. Bernard, notre guide, nous fait descendre de l’autobus un kilomètre avant d’arriver au village. Il ne faut compromettre ni le curé, ni ses chrétiens.

Bernard part tout seul avertir Monsieur le Curé. Il revient nous avertir que nous pouvons continuer jusqu’au village. Bernard, parti seul, est revenu avec la gouvernante du curé. Celle-ci se met à genoux devant nous et fait un signe de croix. Les gens du village, même les chrétiens ne devaient pas savoir que nous sommes prêtres, mais la gouvernante a entendu ce que Bernard disait au curé…

Le secret n’est pas bien gardé car, pendant que nous bavardons avec le curé, quelques enfants viennent regarder de loin d’abord, puis arrivent jusqu’à nous et se laissent photographier. Bien entendu, avant le soir, tout le monde est au courant de notre identité. Mais ce n’est pas dangereux.

Là aussi nous visitons le cimetière. Les tombes sont bien conservées. En particulier deux ou trois tombes sont en très bon état, et pour cause. Comme partout les tombes des missionnaires devaient être détruites, les chrétiens, sans doute pas très surveillés. ont caché toutes les pierres tombales des Pères avec leurs inscriptions et, après la révolution culturelle, ont rebâti les tombes.

Le soir arrive et le curé resté à la maison (il est asthmatique et tousse beau­coup) nous invite au repas du soir et à loger chez lui. Plusieurs chrétiens por­tent nourriture et boissons gazeuses pour monsieur le curé et ses trois com­pagnons. Nous mangeons dehors, devant le presbytère. Les chrétiens, attirés par la curiosité sont là debout et, tout en bavardant, nous regardent manger assez maladroitement avec les baguettes.

Et tout ce monde vient à la messe. À quatre nous entourons la petite table qui sert d’autel. Maintenant, tous savent qui nous sommes. Après la messe, nous regagnons la table devant le presbytère. Mais ce n’est pas pour manger, c’est pour chanter du grégorien! Le curé, pendant qu’il était au séminaire, avant la «libération», a étudié le chant grégorien: Ave maris stella, Salve Regina, Regina caeli, etc … même la messe de Requiem. Et le curé et notre guide Bernard chantaient de bon cœur.

Avant d’être prêtre, peut-être à la fin des études secondaires, ce curé a fait au moins 20 ans de travaux forcés avec les communistes. Les dates sont assez imprécises, mais en tout cas le Père Tseu (pseudonyme) est prêtre depuis dix ans seulement. Il nous a dit qu’il a des catéchumènes et, il n’y a pas très longtemps, il a baptisé sept familles.

RETOUR

Le 23 au matin, après la messe concélébrée et le petit déjeuner, nous enta­mons notre retour. En attendant l’autobus, un groupe de chrétiens et leur curé restent avec nous au bord de la route.

Après un voyage très cahotant nous sommes à Oueiweisi pour la seconde fois. Nous visitons la chapelle «fermée»: c’est-à-dire que le gouvernement communiste ne l’a pas rendue pour le culte. Nous rencontrons un couple chré­tien et deux autres personnes, chrétiennes elles aussi, grâce à notre guide Bernard. C’est très curieux : les chrétiens que nous rencontrons, où qu’ils soient, ne montrent aucune contrainte. Ils se disent chrétiens aussi facilement que s’ils disaient qu’ils vont en voyage.

24 avril. Retour à Tali en petit autobus à couchettes. C’est à peine plus cher qu’un autobus ordinaire. Bien que couchés, le voyage est pénible et fatigant au possible. Père Mirande et moi, nous sommes à l’étage: on ne peut même pas s’asseoir. Enfin nous arrivons à Tali.

25 avril. Nous passons la jour­née à Tali. Après la messe à l’hô­tel et le petit déjeuner, toujours avec Bernard, nous partons à la recherche de la tombe du Père Lieou. Nous allons au cimetière commun, immense et aux tombes dispersées sur les premières pentes de la montagne de Tali. Pendant des heures, nous avons cherché cette tombe, mais peine perdue. Le Père Lieou fut chargé, par Mgr Lacoste, des chrétiens de tout le diocèse. Il était administra­teur apostolique sans être évêque.

Le 26, nous quittons Tali avec regret: c’était le centre de la Mission de Bétharram en Chine. Dernière étape: Tali-Kunming.

Tous ces voyages à travers plaines et montagnes nous ont permis d’admi­rer la nature incomparable à travers une petite partie du Yunnan. Et, en même temps que la nature, comment ne pas admirer le paysan chinois?

Les immenses plaines à perte de vue, comme les petites étendues plates à côté de chaque maison ou au bord des routes, entre les rochers, sur les pentes des montagnes, tout est cultivé. Blé, orge, fèves, ail, petits pois, que sais-je encore? Tout espèce de plantation pousse très bien. Il y a de l’eau partout et ces paysans mettent beaucoup de fumier naturel qu’ils transportent très sou­vent sur leur dos ou avec des bêtes, parfois aussi avec des remorques tractées par des engins genre Kubota que nous connaissons bien en Thaïlande. Le tra­vail de la terre se fait à la pioche. Je n’ai pas vu un seul tracteur dans les champs, tout juste un petit motoculteur.

Par endroits, il y avait des semis de riz, sans doute pour repiquer plus tard à la place du blé ou d’une autre culture. Le paysan chinois est également très astucieux. À Tali, j’ai vu que les paysans étendaient le blé avec sa paille et les fèves avec leurs tiges sur la chaussée. Les autos et les camions en passant par dessus égrenent le tout et, le soir venu, il suffit de séparer la paille et les tiges des fèves et ramasser le grain.

Dans les environs de Tali, il y a des carrières de marbre. En montagne, on fait sauter les blocs à la dynamite. Mais plus bas, et déjà en plaine, les ouvriers s’arrangent pour faire éclater des blocs de dimensions modestes. À l’aide du burin ils font des trous rapprochés et en ligne tout le long du rocher. Dans les trous ils mettent des galets et en tapant sur ces galets, ils fendent le rocher. Quand ce n’est pas du marbre, de ce rocher on tire des pierres pour des constructions ou des pierres tombales.

L’EGLISE QUI EST EN CHINE

Que dire de l’Église en Chine? En deux semaines, on ne peut pas savoir grand chose sur cette Église qui pourtant est bien vivante. Les trois derniers jours passés à Kunming nous ont donné l’occasion de rencontrer deux prêtres de l’Église dite du silence. L’un d’eux est l’administrateur apostolique de tout le Yunnan. Lorsque Mgr Derouineau, évêque de Kunming, fut chassé de Chine, il eut soin de donner tous les pouvoirs pour administrer l’Église du Yunnan. Actuellement cet administrateur apostolique a plus de 80 ans. Il est resté en résidence surveillée pendant sept ans, puis aux travaux forcés dans les mines de charbon durant 22 ans. Pendant tout ce temps, presque 30 ans, il lui fut impossible de célébrer la messe. Pourtant c’est un homme serein que nous rencontrons, un homme sans haine. Il n’a pas un mot dur contre ceux qui l’ont fait travailler et souffrir.

Les relations avec l’Église nationale semblent assez bonnes. En tout cas, les séminaristes, avant d’être prêtres lui demandent la permission de se faire ordonner par un évêque de l’Église nationale. Une fois ordonnés, c’est l’admi­nistrateur apostolique qui les nomme à tel ou tel poste.

Le jour de notre départ pour le retour en Thaïlande, nous rencontrons enco­re un autre prêtre de l’Église du silence (prêtre clandestin). Lui aussi parle le français très convenablement. li a été condamné aux travaux forcés pendant 22 ans dans des fermes, puis dans une mine de charbon où il a beaucoup souf­fert. De temps en temps il va visiter les chrétiens à la campagne ou en mon­tagne. Il enseigne aussi quelques catéchumènes.

Les prêtres âgés, ceux de la clandestinité, semblent avoir encore du zèle pour leurs fidèles. Le curé de Tali, le Père Grégoire, lui aussi, lors de notre visi­te, était sur le point de partir pour une tournée d’un mois en montagne.

À droite. un chrétien de Shiaoweisi, frère du curé de Siao-Weixi, Shih Kuang-Yong. À gauche. le guide Bernard: Ho tse-Kiang

Pour terminer, je vous présente notre ami et guide, monsieur Bernard. Baptisé à l’âge de 15 ans dans son village de Tseskung, près de la frontière du Tibet. Il a fait ses études secondaires dans un séminaire. Voilà pourquoi il parle français, un français assez difficile à comprendre, et un peu de latin. Lui aussi a subi les travaux forcés durant 20 ans. Après quoi il s’est marié et est devenu père de deux enfants qui sont mariés eux aussi. Si j’ai bien compris la femme de Bernard est à Yerkalo. Quant à lui, il habite Tali depuis plus d’un an. Il a 69 ans et son désir serait de devenir prêtre. Mais voilà: sa femme vit encore! En tout cas, c’est un homme à la foi solide.

Prions pour ces chrétiens qui ont souffert à cause de leur foi et qui conti­nuent à souffrir. Qu’ils gardent confiance et qu’un jour ils découvrent que le Dieu qu’ils cherchaient durant leurs épreuves était là avec eux. Mais peut-être ne le savaient-ils pas?

Le 5 mai 1998. Père Pierre Salla scj


Vous devinez ma joie en apprenant qu’il y a, à Tali, un prêtre envoyé par !’Administrateur Apostolique de Kunming, archevêché dont Tali était et est sans doute encore suffragant. Mais l’évêché de Kangting dont dépendait notre Mission relevait, je crois, de l’archevêché de Cheng-tou, bien qu’elle soit située en partie au Yunman. Question de juridiction: Ecclesia supplet, lorsqu’on ne peut atteindre le Saint-Siège. J’ai bien connu l’ancien Vicaire Général de Mgr DEROUINEAU, le Père Fo (pseu­donyme) auquel ont été transmis tous les pouvoirs canoniques par Mgr Derouineau. Il a refusé plusieurs fois l’épiscopat pour ne pas adhérer à l’E­glise officielle, considérée au début comme schismatique. Maintenant il semble que les choses se soient arrangées avec Rome.

Le curé avec lequel vos confrères ont célébré à Siao-Weisi n’est autre que le père Shih Kuang-Yong, ancien élève du Bienheureux Maurice
Tornay, envoyé à Kunming, en 1945, lorsque le Probatorium de Houa­lo-pa fut fermé parce que le P. Tornay a été nommé curé de Yerkalo. Il fit sa philosophie et une partie de la théologie à Kunming, puis il revint à Wei-si où le P. Lattion dirigea l’ultime période de sa formation. Il aurait dû être ordonné avant notre expulsion, mais notre évêque était en prison et les évêques de Tali et de Kunming étaient gardés à vue dans leur résidence. Bernard, qui a si bien guidé vos Pères, fut lui aussi élève du P. Tornay et fut lui aussi envoyé à Kunming, mais il était moins avancé, dans ses études. À l’arrivée des communistes, il est revenu au pays: il a connu lui aussi la prison et les camps de travail forcé. J’ignorais qu’il se soit marié. Si sa femme était d’accord, il pourrait être ordonné prêtre, car c’est un homme de valeur, plus jeune et plus doué que le P. Tong. Combien nous devons prier pour nos anciennes Missions en Chine!

Mgr Angelin LOVEY, Chanoine Régulier de grand St-Bernard.
Ancien prévot.
Ancien missionnaire au Yunnan.