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Histoire de la chrétienté de Yerkalo

Comment une quarantaine de chrétiens chassés de BONGA, premier centre d’implantation de l’église au Thibet Oriental, sont parvenus sur les bords du MEKONG, sous la conduite des Pères Auguste DESGODINS et Felix BIET, prêtres des Missions étrangères de Paris (MEP)?

La communauté chrétienne de BONGA fut fondée en 1854 sur les terres louées pour 50 ans par le Père RENOU, pionnier de la Mission dans les Marches Tibétaines. Situé dans un vallon latéral, à une bonne journée de marche du fleuve SALOUEN (SALWEEN), BONGA devint une chrétienté assez florissante, vivant en bon rapport avec les villages des bords du fleuve, peuplés de NOU (LOUTSE), tribu timide et soumises aux Thibétains. La conversion d’un ou deux villages à cette religion étrangère excita la jalousie des Lamaïstes et attira des persécutions constantes jusqu’au jour où la Mission fut complètement détruite et réduite en cendres le 7 octobre 1865.

Deux mois avant la destruction complète de BONGA, un premier groupe de fidèles, sous la conduite des Pères A. BIET et Gabriel DURAND, s’enfuie du Thibet proprement dit pour trouver refuge à KHIONATONG, dans le YUNNAN, où un terrain avait été acheté, précisément en cas d’expulsion du Tibet. Les persécuteurs les avaient poursuivis et ils durent s’éloigner plus au sud; au passage du fleuve SALOUEN, le Père DURAND, blessé, tombe à l’eau (après avoir été mortellement blessé) et se noie. Alexandre BIET, avec ses chrétiens, trouve asile à la lamaserie de TCHAMOUTONG (ou TCHANGPOUTONG); cette lamaserie, de la secte des Anciens (rouges), servira encore plus tard de refuge pour les Chrétiens. Par la suite le Père A. BIET, avec une quinzaine de familles, se réfugie à TSEKOU, sur les bords du MEKONG, où il trouve des terrains pour établir ses Chrétiens. C’est la fondation, en 1865-1866, du poste de TSEKOU qui s’étendra plus tard au Sud vers PATONG et TSECHUNG, au Nord, puis sur la rive gauche du fleuve, à SAGA, DJRANEIRA, etc…

Les derniers fidèles à quitter BONGA sont d’abord emmenés à TCHRANA où ils subissent diverses avanies; puis les Pères Auguste DESGODINS et Felix BIET ont dû accepter de se retirer en territoire chinois, sur les bords du MEKONG, où ils arrivent le 31 octobre 1865. Les vexations subies et les difficultés de ce trajet vers le Nord-Est où l’on doit passer un col de 5000 m. firent deux victimes, deux enfants. Arrivés sur les bords du fleuve, ils doivent encore le traverser et sont enfin en territoire gouverné par la Chine où ils trouvent asile au village de GUNRA, sur la rive gauche. Après quelques mois en ce lieu, le Père DESGODINS achète des terrains sur le plateau surplombant le MEKONG et y établit ses chrétiens, parmi lesquels on comptait plusieurs Chinois. C’est la fondation du poste de YERKALO qu’on peut fixer au début de 1867. La bénédiction des bâtiments de la Mission et de la première chapelle eut lieu en la fête de l’Assomption 1873.

Hélas ! Les temps de paix relative furent assez courts. En 1873 déjà, la persécution recommence et les postes de BATANG et BONGMET, au Nord-Est de YERKALO, sont renversés, les missionnaires chassés, même ceux de YERKALO, mais la résidence a été préservée. Les Pères DESGODINS et F. BIET ainsi qu’un groupe de chrétiens qui avaient pris la fuite, reviennent à YERKALO, grâce à l’intervention diplomatique de la France à Pékin.

En 1887, YERKALO, BATANG et d’autres postes frontières sont détruits. Les deux missionnaires, BOURDONNEC et COURROUX, se retirent avec la plus grande partie de leurs ouailles à TSEKOU et, de là sur le territoire de YETCHE, gouverné par un chef indigène, indépendant des lamaseries.

En 1891, le père COURROUX rentre à YERKALO, où le Père BOURDONNEC vient le rejoindre. En cette année-là eut lieu, à TATSIENLOU, l’ordination du premier prêtre thibétain, le P. Télesphore HIONG, né à YERKALO de parents originaires du DEGUE.

En 1905, c’est la grande persécution antichrétienne au cours de laquelle furent massacrés, par les émissaires des lamas, quatre Pères MEP et onze chrétiens de YERKALO dont la résidence et la chapelle sont mises en cendres. A la fin 1905, Monseigneur GIRAUDEAU, élevé à l’épiscopat, en tant que coadjuteur de la Mission, depuis quelques années déjà, règle avec les autorités chinoises et le consulat de France la question des indemnités. Les postes de BATANG et YERKALO sont réoccupés, mais en 1912, les résidences sont de nouveau saccagées et des maisons de chrétiens brûlées à YERKALO.

Les missionnaires doivent se retirer au YUNNAN. Cette persécution de 1912 faisait partie d’un soulèvement général des thibétains frontaliers contre la Chine, sous l’instigation des lamas et de quelques chefs locaux. La répression exercée par le vice-roi du SICHUAN, TCHAO Elr-fong, fut terrible; celui qu’on a surnommé le « boucher des lamas » reconquit le territoire des Marches et traversa tout le Tibet pour renforcer la garnison chinoise de Lhasa. C’est ainsi que la réoccupation et les réparations de YERKALO purent être effectuées dès 1913, sous la direction du P. TINTET et du P. VALENTIN, nouveau venu dans la région.

Hélas ! le P. Theodore MONBEIG, curé de BATANG, est massacré près de Litang, avec son catéchiste, en juin 1914, le P. TINTET est nommé pour le remplacer, c’est là qu’il meurt en 1920.

Quelques années plus tard, soit en 1928, le poste de BATANG-YAREGONG est rattaché à YERKALO où le responsable, le P. NUSSBAUM, vient tenir compagnie au P. GORE. Par la suite le P. NUSSBAUM fut nommé à SIAO-WEISI, avant de revenir comme curé de YERKALO de 1932 à 1940 et se faire massacrer à PAME, le 17 septembre 1940.

En février 1945, le P. Emile BURDIN meurt de la fièvre typhoïde (probablement affaibli par un essai d’empoisonnement de la part des lamas, quelques semaines avant la maladie qui l’emporta).

En 1946, le P. TORNAY est persécuté puis expulsé de force, le 26 janvier. La Mission est envahie, les chrétiens malmenés et obligés de se soumettre aux rites lamaiques.

Le 11 août 1949, le P. Maurice TORNAY et son fidèle serviteur DOCI (abréviation de Dominique) sont massacrés, sur les pentes du Choula, à la frontière du Thibet et de la province du Yunnan.

La litanie des malheurs endurés par la chrétienté de YERKALO, s’achève provisoirement pour reprendre au cours de la « Révolution Culturelle Prolétarienne », lorsqu’eut lieu la destruction complète de l’église où il ne resta pas un seul bout de bois, tandis que les autres bâtiments furent préservés.

DMC

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