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L’ARC-EN-CIEL DE YERKALO N°5 (Yerkalo – Batang)

(Edition du matin)

I. N.D. Médiatrice de toutes les grâces et le Sacré-Coeur se partagent le premier jour de juin. C’est à espérer que ce mois qui s’ouvre si bien, nous vaudra d’abondantes grâces et consolations. Aujourd’hui et demain, tous nos chrétiens s’activent aux préparatifs

de la Fête-Dieu : couper des arbres, ceuillir des fleurs, balayer places et chemins, orner l’eglise et dresser le reposoir : il y a du travail pour toutes les bonnes volontés. Le curé, entre deux séances du confessional vient donner des avis et constater où en est le travail.

3. Il n’est pas exagéré de dire que la solennité de la Fête-Dieu est un grand jour pour notre communauté chrétienne, perdue au milieu du royaume de Satan; cette manifestation de notre Foi en la présence réelle de Jésus sous les voiles eucharistiques est une prédication qui impressionne autant les payens que les chrétiens; et si Jésus, conduit en triomphateur, doit sourire à nos gens et à leurs champs, Satan doit frémir d’horreur au fond de sa gale! Nos chrétiens ne se sont pas contentés de mener aussi splendidement que possible la pompe royale de l’Emmanuel, mais 120 d’entr’eux se sont approchés dans la communion du Dieu qui s’est approché de nous dans son Incarnation;

Jésus ne tarda pas à nous donner une marque de sa bienveillance : le soir même de cette fête et toute la journée du lendemain, la pluie tomba abondamment , mettant fin à la sécheresse qui aurait compromis les récoltes. Cette fois personne n’en doute : c’est la pluie du bon Dieu et non des lamas! Il y a deux ans, la Fête-Dieu vit également la sécheresse prendre fin et ce, immédiatement après la procession. Chrétiens et payens le font remarquer.

Gyeltsein, arrivé hier soir, nous ayant averti que le P.Tornay couchant à Zélong, ferait son entrée de bonne heure, ce matin, dans son fief de Yerkalo, nous nous empressons de boire le thé et de partir à sa rencontre. Qu’il me suffise de rappeler ici que ce fut une grande joie pour moi et pour nos chrétiens que cette arrivée, en paix et en santé, de notre nouveau curé! J’ai raconté dans ma lettre du 9 juin, les événements qui y ont trait : rencontre historique sur le plateau de Pétines, visite au lamatsong, diner en la compagnie du lama-chef et de quelques besset du lieu, diner où le vin du Père-manganate eut le don de dérider nos lamas dont les lèvres n’ont jamais touché rien de fermenté.

Pauvres petits saints Jean-Baptiste en miniature! Si vous étiez prophètes vous sauriez distinguer sous le fard qui le colore, le tord boyaux du bon et authentique vin de Messe dont vos lèvres ne sont pas dignes! la fin ne justifie-t-elle pas les rnoyens? et s’il suffit de vous arroser le sifflet pour vivre en bonne harmonie avec vous, je passerai volontiers et gratuitement ma recette au P.Tornay qui ne lésinera pas.

10. Danse en l’honneur de M.Tornay. Hélas! la chaleur excessive accable spectateurs et exécutants.

11. Voilà une semaine que le P.Tornay est arrivé ici et déjà il rêve d’autres cieux! Je dois avouer que je ne suis pas tout à fait étranger à ses projets de voyage.

Et puis, Mgr. lui-même nous presse vivement d’aller au plus tôt à Batang nous rendre compte de la situation matérielle et spirituelle de ce poste qu’aucun Père
n’a visité depuis IO ans. Donc, vive le voyage! Nous prions le lamatsong de nous délivrer un passeport pour Batang et nous faisons nos préparatifs. Le passeport se fait attendre et le bruit court qu’une bande de brigands a quitté les bords du fleuve bleu pour la région que nous devons traverser.

Notre patience a des limites et nous doutons sérieusement de la présence des brigands.Finalement le lamatsong nous remet une lettre de recommandation pour le gu-chy de Sogun et, le 14 au matin, nous levons l’ancre. Quatre hommes bien armés nous accompagnent et nous sommes décidés à montrer au monde ce que les stratèges suisses sont capables de faire. Les chrétiens, en guise de souhaits, nous recommandent de n’être pas trop hardis!

Avant de raconter notre voyage, il me reste à vous dire qu’il n’y eut pas d’événements bien sensationnels durant notre absence, les gens étant occupés à la moisson et le monde continuant à tourner sans nous! Un crime horrible s’est perpetré au hameau de Dzongker, près de Pétines : un fils unique a tué son père, à coups de couteau, parce que son père lui disputait sa femme!

VOYAGE ET SEJOUR A BATANG : 14-30 juin, des PP. TORNAY ET LOVEY.

Si j’étais poète, je pourrais vous décrire avec de multiples couleurs, la majesté des paysages contemplés, la beauté des sites parcourus, la poésie des choses vues et le pittoresque des gens rencontrées. J’espère que Tornay s’y esssayera.

En tout cas, que chacun fasse valoir son talent! et, puisqu’on me prête généralement de la précision, je m’efforcerai de la rendre avec usure, quitte à être sec comme un coup de trique et ennuyeux comme un pédant!

L’itinéraire sera donné à part. Qu’il vous suffise de savoir que nous avons mis cinq jours et demis à l’aller et cinq jours au retour, avec une marche effective de 39 h.35 et 39 h. 40. Les gens pressées, qui ont de bonnes montures pour eux- mêmes et leurs boys, peuvent faire cette route en 4 jours, parait-il, à la condition, toutefois, de n’avoir pas d’accrocs en route. Ne connaissant pas la route, nous nous laissâmes mener par nos gens qui ne sont jamais pressées, eux! Et puis, nous fîmes le pèlerinage de Sogun, ce qui prend bien 2 h. et plus, sans compter le temps qu’on passe à la lamaserie.

Donc, le matin du 14 juin nous nous engageons dans le vallon de Kionglong que commande le défilé formidable de Tchra-gou-chy; ce vallon est riche en noyers et
en saules, d’où son nom. Les céréales blanchissent déjà au bas du vallon alors qu’elles n’ont pas encore monté en épis vers le haut; c’est que la montée jusqu’à Lada¬tine demande près de 4 h. Avant d’escalader le Kiala, nous cassons la croûte : ce faisant, nous assistons aux ébats de 5 à 6 lièvres qui se moquent de nous; en effet, l’homme qui portait notre fusil de chasse s’était écarté un peu de la route pour courir après le chevrotin.

De là au Kiala, il y a une fameuse montée de I h. et demie : le Damiang et toute sa chaîne se détache comme un merveilleux écran à l’ouest, tandis qu’à l’est et surtout au nord se profilent les collines et les plateaux qui annoncent le Thibet. Le col franchi, nous sommes tributaires du fleuve bleu qui est cependant encore bien loin; nous descendons durant trois heures dans les paturages puis la forêt et nous campons dans une clairière, entre deux collines. Il y a de l’herbe pour nos animaux et du gibier pour nous : en un instant notre tableau s’enrichit de deux lièvres et d’un faisan. Malgré la saison, l’air est frais.

Le 15. Fête de St. Bernard. notre pensée se porte vers d’autres montagnes où nos 41 confrères se livrent à l’allégresse : nous nous associons par la pensée et le coeur à leurs prières et nous regrettons vivement de ne pouvoir célébrer le saint sacrifice. Vingt minutes de montée et nous sommes au Tse-djrou-la d’où la vue porte vers Ngul-k’io et la petite plaine de Dzong-tse.

Le paysage ressemble à celui du sommet de Kionglong et les semis n’ont pas levé depuis longtemps. Les gens nous regardent avec curiosité et sympathie car notre escorte se compose de gens connus ici. Bientôt nous quittons le vallon de Ègul-kio pour bifurquer à droite sur la lamaserie de Sogun. En montant à l’assaut de la citadelle du diable (c’est là qu’ont leur repaire les lamas qui gouvernent le district des Salines) nous nous souvenons, à propos, que St. Bernard a relégué “in aspera montium” le démon et nous chantons l’Antienne : Oramus te beatissime Bernarde.

Du col qui domine la lamaserie, on a une vue aérienne sur l’ensemble des bâtiments : couvents et châteaux-forts, la citadelle – monastère est d’un bel aspect; les lamas choisissent généralement très bien le site de leurs couvents. En dessus des bâtiments actuels, des ruines pantelantes nous rappellent les luttes que la Chine et l’Eglise ont soutenue jadis contre les lamas.

Le gué-chy nous reçoit avec bonhomie et, sur présentation de la lettre du chef de Pétines nous octroie 4 chevaux de corvée, jusqu’à la. limite des états du lamatsong, c’est-à-dire pratiqueront, jusqu’à Bongtine Le gué-chy nous pose quelques questions basales, puis nous invite à vivre en bonne harmonie avec son représentant de Pétines. S’il ne tenait qu’à nous d’avoir la paix avec nos chefs temporels!.. En attendant le diner, on nous fait admirer les appartements du Kongkar lama et le lha-k’ong dont les fresques, les décorations et les statues révèlent un artiste non médiocre : c’est à faire rougir notre églse de Yerkalo! Cet artiste est originaire d’un village au sud de Litang; L’éloge que m’en avait fait le P. Burdin n’était pas exagéré et M. Tornay se sent . . . 

 Une rapide descente nous amène dans la vallé/e de Dzong-tsa dont on traverse facilement la rivière à gué. Bien que le soleil fût encore haut sur l’horizon, nous dûmes passer la nuit à Dzong-tsa parce qu’ une partie de notre escorte et notre bagage, convoyés par les animaux de corvée se firent longtemps attendre. C’est le revers de la médaille et je ne conseille pas d’emprunter la corvée à qui veut voyager vite. mais, qu’est-ce qu’un léger inconvénient de ce genre à côté du prestige qui s’attache à ceux qui bénéficient des animaux de corvée! et le pourboire qu’on donne aux corvéables leur fait penser, sinon dire, que les étrangers ne sont pas si mauvais diables!

16.- Nous partons de bonne heure et allons boire le thé chez le besset de Oualong, Kun-k’io, qui jadis est entré dans les conseils des ennemis de l’Eglise et avec qui, au dire de nos gens, le P. GORE aurait eu plusieurs démêlés, concernant nos terrains. Ce qui est certain, c’est que le lamatsong le tient en haute estime et l’appelle en conseil pour les affaires importantes. Il nous acceuille aimablement et nous fait l’impression d’un homme avisé et intelligent. Comme nous lui demandions quelques renseignements sur la région, sur la route et sur le pays de Gatok, etc… il répondit que de s’enquérir ainsi sur une région peut avoir un grand sens mais qu’il n’y veut voir qu’un intérêt de curiosité ordinaire, puis il répond à toutes nos questions.

De Oua-long à Dia-gni-tin4e, la route monte très doucement parmi les champs et les prairies pendant plus de deux heures. Nous y dînons, en attendant le relais des chevaux de corvée; puis, c’est l’ascension d’un premier col, séparé du Bong-la par le vallon de Le-ndé-long, lieu souvent infesté de brigands, mais où paîssent aujourd’hui de tranquilles troupeaux. Le Bong-la est un véritable plateau dont la traversée demande plus d’une heure. On pourrait y installer de magnifiques champs d’aviation.

Du col de Bong, la vue est magnifique : d’un coup d’oeil circulaire, on embrasse tout le chemin parcouru ou à parcourir; au sud, c’est le Kia_la; au nord, le col de Xong¬tze-k’a qui nous donnera accès au bassin du fleuve bleu; puis, tout au fond, formant horizon, les montagnes de la région de Batang, but de notre voyage! Au nord-ouest, dans une cuvette, on aperçoit Lhaidun, relais sur la route de Gatock où nous aimerions bien aller visiter le tombeau du P. RENOU, fondateur de la Mission du Thibet, mais…

En une bonne heure, nous dégringolons, par une pente d’ailleurs assez douce, jusqu’à Bong-tine où nous allons droit chez le Dia-pun. Gyeltsein nous y avait précédéset avait présenté au centenier une lettre du gué-chy de Sogun le priant de bien vouloir nous octroyer la corvée sur son territoire, c’est-à-dire jusqu’à tchrou-pa-long où l’on quitte le Thibet pour la Chine, en franchissant le fleuve bleu.

Le centenier et son lieutenant, un chiel-ngo oue j’avais rencontré chez le lamatsong à Pétines, nous font bon acceuil. Leur langage est plutôt difficile à comprendre, car ils viennent du nord de Lhassa. L’insigne de tous ces chefs militaires consiste en une boucle d’oreille dorée? ou en or? ornée d’une pierre précieuse et portée à l’oreille gauche. Bien qu’il se fasse déjà tard, nous décidons d’aller jusqu’au village de Pa-ts’o, centre de la jolie vallée de de Bong. Cette nuit nous dormîmes sur le toit de la maison, comme nous le fîmes chaque fois que le temps le permettait, pour éviter la vermine. Les éclairs qui inondaient la région de Batang n’avaient pas réussi à refroidir notre optimisme mais, quand l’orage arriva en trombe, il fallut bien déguerpir.

17.- Nous qui voulions faire une longue étape, afin d’arriver le lendemain à Batang, nous fûmes retenus plus d’une heure à Kong-tzek’a et plus de deux à Té-ga-tine, parce que les gens de la corvée n’étaient pas à pied d’oeuvre ou ne voulaient pas s’éxécuter. Force nous fut de patienter. Le chielngo de Kong-tzek’a, également de la province de Lhassa est plus compréhensible que ses collègues.

Il nous dit que l’armée thibétaine se compose de 30 bataillons de 500 hommes, désignés chacun par une des 30 lettres de l’alphabet.Le colonel ou nda-pun est à la tête du bataillon, en garnison ici ou là, dans le pays. Sous lui se trouvent 2 commandants, rou-pun, ayant chacun 2 centurions, dia-Dun, sous leurs ordres; chaque dia-pun dispose de 5 lieutenants, chielngo, lesquels ont 2 sergents, gué-gun, et 25 hommes à leurs ordres.

La solde est fournie par le gouvernement, la nourriture est prélevée sur le pays, mais chaque tributaire doit contribuer à l’habillement d’un soldat. Le même chielngo me dit que le roi actuel du Thibet s’appelle rTags-tchreu-kou, qu’il dépend du gyié-oun ou dalaï-lama, qu’il a sous ses ordres 4 ka-lun ou ministres dont dépendent respe-ctivement les gouverneurs des 4 provinces du Thibet.liaou sa-Xong, Durant cette interwiew, le chielngo fume avec un plaisir visible les cigares que lui passe le P. TORNAY et boit avec non moins de plaisir la fine champagne que je lui verse.

Les chevaux de corvée n’arrivant pas, nous louons quelques bêtes et partons phlegmatiquement : il est évident que nous ne pourrons pas atteindre Tchrou-palong ce soir. Le col de Kong-tze-k’a est à deux pas; soudain, nous apparaît le fleuve bleu dans toute sa majesté lointaine. La descente exige plus de deux heures. A mi-chemin, Tée ga-tine, nous devons encore attendre deux bonnes heures les animaux de corvée : il est évident que las chefs ne sont plus très écoutés dans ce coin.

Par bonheur,le courrier de Batang arrive à ce moment et nous remet journaux de Chungking et lettres de Mgr. nous pressant encore de nous rendre à Batang au plus vite. Cette lecture nous rend l’attente moins longue et permet à l’orage qui éclate soudàin de passer sans nous mouiller. Dieu arrange bien les choses! Enfin, nous voilà partis et arrivons à Gunra, au bord du fleuve, d’assez bonne heure. Le sergent qui commande le poste local loge précisément chez notre h8te et nous n’avons pas à nous déranger pour lui dire qu’on nous a fait attendre un peu trop en route. Ce qu’il y a de grave, ajoutons-nous, c’est que ces gens font fi des ordres do l’autorité supérieure. Touché par cet argument et par le verre de goutte que nous lui servons, le gué-gun promet de faire rapport. De fait, à notre retour, tout alla normalement et les délinquants durent rembourser au chielngo le prix de location des animaux payés par nous, honoraires qui serviront à améliorer l’ordinaire de notre aimable chielngo.

18.- De Gunra à Tchrou-pa-long, la route longe constamment le fleuve bleu, durant près de 3 heures et demie. Pas une seule habitation. Ce passage est souvent dangereux parce que les pillards se cachent facilement dans cet espèce de désert et qu’il n’y a personne, à qui recourir en cas d’attaque. Tout se passe très bien toutefois, et le seul incident, qui tourne purfois en accident, est le passage à gué de la rivière Cheu-k’io.

Nos montures en avaient jusqu’à mi-ventre; cependant, nous en fûmes quitte pour un peu de peur; nos gens qui nous regardaient passer étaient moins rassurés que nous parce que nous penchions fortement sur nos montures, alors que nous croyons nous tenir bien droit : ce doit être un effet du vertige que produit la rapidité du courant. Cette rivière vient du pays de San-gun et Tsong-rong et c’est sur ses bords inhospitaliers que les pillards dépotillent volontiers les voyageurs. 40 minutes nous séparent encore de Tchrou-pa-long où se trouve le bac. Le fleuve bleu servant de frontière entre le Thibet et la Chine, ses 2 rives sont occupées respectivement par un poste militaire st de douane, Thibétain et chinois : le poste thibétain a un chielngo pour chef et, un pé-tchang, chrétien du Sse-tchouan, commande le poste chinois.

Actuellement, il y a une très bonne barque pour le passage du fleuve : 9 brasses de longueur sur une de largeur, elle est construite en planches de pin résineux d’un seul tenant, et divisée en 6 compartiments; son fond est plat et elle est garnie de rames et d’un long gouvernail : elle ferait pâlir, je présume, le ponton de Pongdang!

Plus de 20 personnes, une dizaine de montures et tout le bagage peuvent passer en une fois et sans le moindre danger. Nous dînons sur la berge du fleuve sous l’oeil curieux des enfants en costume d’Adam. Puis, sous le soleil de plomb, nous remontons la rive gauche du fleuve, non moins déserte que la route parcourue le matin. Après 3 heures de marche, nous arrivons à un petit torrent, près duquel il y a une ferme; c’est dans ces parages que fut massacré, en 1881, le P. BRIEUX; l’endroit se nomme Lhang-nda k’ic-k’a, comme le porte une pierrre tombale conservée au cimetière de Batang.

Encore I heure et nous sommes rendus à Lai-nong (choui mou k’eou) où la nuit prochaine nous invite à chercher un gite. La moisson y battait son plein ce qui nous fait croire que l’altitude de Lai-nong est voisine de celle de Yerkalo. Notre hôte nous dit entre mille et une choses que la corvée chinoise est plus légère qu’en pays thibétain.

19.- Une demi-étape nous sépare seule du but de notre voyage. La route longe encore un instant le fleuve jusqu’à lihicu-ji, où il y a une barque semblable à celle de Tchrou-pa-long : c’est la . . .  route de Batang à Gatock. Puis, le chemin prend à travers mont et l’on arrive en I heure et demie au col du coucou, kou-you-la.

Soudain, la vallée et la belle piaine de Batang se découvrent à nos yeux émerveillés. Après avoir contemplé un instant ce tableau, nous nous hâtons de dégringoler dans la vallée qui est à nos pieds et pressons le pas dos bêtes et vers les IO heures, nous faisons notre entrée en notre résidence de Batang. Dieu soit béni, qui nous a visiblement protégés durant cette première partie de notre voyage!

Notre résidence étant occupée par l’école primaire, nous filons immédiatement à la cuisine de notre gardien et c’est là, en tenue de voyage, assis au hasard, que
nous recevons le directeur de l’école et toutes les personnes qui veulent bien nous honorer de leur visite. Nous nous excusons de recevoir nos nobles hôtes dans ce taudis et de n’avoir pas de quoi les faire asseoir. Nous prenons notre bain de pieds au milieu de tout ce monde.

La leçon est comprise et le directeur de l’école se hâte de faire débarasser 2 chambres, après quoi on transporte nos affaires à l’étage. Cependant, le mandarin, à qui nous avions envoyé notre carte, nous prie de nous rendre au prétoire à 5 heures, ce que nous faisons ponctuellement. Un chrétien du Sse¬tchouan, médecin de la garnison, fait les présentations. *M.. TORNAY montre son passe¬port, car le mien est à Weisi et je ne suis au Si-lkang qu’occasionnellement : pas
de difficultés! Le thé et les pâtisseries circulent : l’atmosphère devient vite cordiale. Le grand sujet de conversation c’est la guerre, la défaite de l’Allemagne et l’écrasement prochain du Japon.

Tous les officiers du prétoire et des autres services publics de Batang sont des gens du See-tchouan : leur accent diffère de celui de Yunnan mais on se comprend facilement. Ils font l’éloge du chinois de Mr. TORNAY et ce qui les épate le plus c’est que je sache parler thibétain; Les murs du prétoire sont ornés des tableaux de Sen QuiL,V11 4v1

 . . .  nilsone d’Hindenbourg, de Pasteur!   A l’école, c’est Napoléon à qui revient l’honneur de représenter le France Lu sein de l’aréoesee des grands hommes de tous les pays. Nous. avons été chagrinés de na pas voir y fleurer l’un ou l’autre de nos héros nationaux, el de retour à la résidence, nous nous mettons en . . .  de déblayer un peu la chapelle où  . . .  traîne sur l’autel. L’une des trois classes primaires est lofée à la triture et c’est dans la chapelle qu’on tient les réunions plénières. Les parois et les colonnes disparaissent sous des tableaux de toutes sortes. c’est moi qui détrône l’intrus et le pend h une rirai, jugeant que l’idole de la Chine peut céder pour un jour le pas au Christ. Cela faillit causer un incident diplomatique et le directeur des écoles crut qu’il en étoufferait! d’ailleurs, nous aurions pu fort bien laisser Sen ouen à sa place puisqu’après les perquisitions les plus minutieuses nous ne réussîmes pas à retrouver la pierre d’autel et que nous ne pûmes, en conséquence, célébrer la .sainte messe durant notre séjour. C’est dommage pour nos pauvres chrétiens qui n’ont pas communié depuis dix ans.Cependant Sen ouen avait perdu la préséance et le maitre écumait.

Or, nous devions . . .  ses commensaux, à la table du Tchan-tchou jan, qui ouvrit, dès le lendemain de notre arrivée, la série des invitations. Pour ne pas lui couper l’appétit, nous jugeons préférable de nous expliquer avant le dîner. En conséquence, toujours pilotés par notre médecin, nous nous rendons au siège de l’école secondaire et, devant un auditoire sélect de professeurs et normaliens et normaliennes . . .  qui écoutent par la porte entrouverte, T . . . se lève et fait sa déclaration d’amour pour la Chine, Sen (men et le maître d’école! Mais, ajoute-t-il, je ne croyais pas t’offenser car j’étais persuadé qu’un homme de grand savoir comme toi n’ignorait pas qu’on ne peut offrir le sacrifice qu’à Dieu seul et que, quand en offre le sacrifice, il ne peut y avoir sur l’autel que la Croix!

La paix fut signée sur le champ et l’on s’en alla dîner ensemble de ls meilleure humeur du monde: Le lendemain, c’était le vice-commandant de la place, le tou-touan-tchang, qui groupait à sa table les mêmes convives de la veille. Puis ce fut le directeur des écoles, puis le mandarin, puis les chefs de la poste, de la station de radio-télégraphie et du bureau politique qui nous inviteront. Nous ne . . . faire accepter notre tour d’invitation, tout le monde protestant que nous étions leurs hôtes et que nous aurions le loisir d’inviter une prochaine fois, si nous daignions faire un séjour plus prolongé. Partout on nous a choyés et comblés de prévenances et le mandarin pearaissait tout honoré d’être reconduit par nous en son prétoire. On ne peut pas être plus aimable. Pourvu que ces bonnes dispositions persistent après l’écrasement du . . . , lorsque les pays étrangers présenteront la note à la Chine:

Voilà pour ce qui concerne nos relations officielles. Il faudrait ajouter que nous sommes allés jusqu’aux portes de la ville à la rencontre du nouveau mandarin, un dénommé Tchang, el-devant mandarin de Té yuin ou adorons:, au Tchonetien. Le cortège du grand homme était surtout cemposé de soldats portant fusils, mitrailleuses et grenades. Dans la suite on remarqua surtout une jeune amazone, que le vieux mandarin à dénicher, quelque part, sur les rives du fleuve bleul. L’ex-mandarin, ter. Su, serait appelé à la capitale provinciale comme chef du secrétariat de je ne sais plus quel bureau.

Entre temps, noux prîmes soin du coté matériel et spirituel de ce poste abandonné. nous îmes notre visite aux morts, prêtres martyrs et chrétiens qui reposent dans
le petit cimetière de la Mission. Des 5 prêtres enterrés à Batang, les P MUSSOT et SOULiE ont été martyrisés pour la foi en 1905; le P. BRIEUX fut massacré en 1881, en haine de la foi? par xènophobisme? je l’ignore; le P. BEHR, notre compatriote, périt dans la rivière de Batang et fut retrouvé dans le fleuve bleu. Accident? Nos gens ne sont pas tous de cet avis et inclinent plutôt à un meurtre qu’on aurait dissimulé jadis par peur de représailles. Seul le P TINTET est mort d’une mort naturelle et le P. NUSBAUM a mis sa tombe dans un endroit à part, tandis qu’il y a trois sur le même rang que les 4 prêtres sus-mentionnés la tombe (ou le cénotaphe?) d’un chrétien martyrisé en même temps que les PP. MUSSOT et SOULIE.

Une pierre tombale conserve le souvenir du P. BOURDONNEC, curé de Yerkalo,. . . en 1905 à . . .  et enterré à Tsekou. L’édicule qui recouvrait les tombes des martyrs a été à moitié démoli . . . de la pagode voisine.

Après la prière du soir, nous préparions chaque jour les chrétiens à la confession et les catéchumènes au baptême. Le jour de la St. Jean-Baptiste, 3 adultes et 3 enfants furent baptisés et noua pûmes régulaxiser 3 mariages; la veille, une dizaine chrétiens s’étaient confessé. La chrétienté de Batang n’est pas morte, s’il y a eu quelque défection ou abstentions, la plupart n’ont pas oublié leur . . .  ni leurs prières et nous ont édifiés par leur foi. Il semble qu’actuellement Batang présente de sérieux espoirs et l’on se prend à regretter que ce poste fût jamais abandonné. Mais les circonstances ont évolué favorablement pour l’Eglise et, d’ailleurs, ne jettons pas la pierre eux anciens.

Il me reste à vous dire un mot de ce qui fut incontestablement le clou de tous ces hauts faits de notre séjour à Batang. Le lendemain de notre arrivée à Batang, Le Tchang tchou jan, averti officieusement par le mandarin, qu’un télégramme nous concernent était arrivé de Lhassa pour la lamaserie de Karmda, nous dit que nous étions menacés d’expulsion, pure et simples de la terre des esprits. Cela nous fut communiqué en grand secret dans le jardin de la Mission protestante, où nous étions tnvitée . . .  de courtoisie, mais les protestants n’en surent rien. Que faire?  . . . . . . . . ,

Jamais! Cela aurait pu mal tourner pour nous et nos chrétiens dans desquels on aurait semé la paniquet nous laissons le courrier prendre la campagne et alore nous dépéchons notre gardien, Gyeitsein, pour voir s’il n’y avait pas de courrier pour nous. par hasard, il y avait une lettre de Tatsienlou et le télégramme en question. -On pourboire et quelques . . .  le courrier à livrer les pièces compromettantes,.

C’est ainsi que l’histoire parlera pett-titres, un jour, d’un certain télégramme, envoyé de Lhassa par un certain Gun Akio, et qui n’est jamais arrivé à destination, on ne sait pourquoi. Voici le sens du document : “J’ai appris que le “père de Yerkalo est mort. Je, ferai des démarches auprès du gouvernement pour qu’il prie lea autorités anglaises at françalses de rappeler leurs sujets  en résidenoe au Thibet. mais, si un autre Père venait, on serait sans moyen contre lui.” le télégramme n’est donc pas si dangereux qu’on nous l’avait. dit; toutefois, nous ne regrettons pas de l’avoir intercepté! . . . mieux, nous rions dans notre barbe d’avoir déjoué len intrigues du gun Akio qui, à son retour, ne manquera pas de protester de ses bonnes dispositions à l’égard de la Mission.

Par ailleurs, il n’est que juste de rendre à nos chers lamas la monnaie de leur pièce : combien de fois n’ont-ils pas intercepté les lettres des Pères de Yerkalo au gouverneur de Chamdo et estime cela leu du gouverneur aux nres. Tout dernièrement, le passeport sollicité par le Père BURDIN pour son voyage à Charade serait arrivé à Gatock, d’où le !Sarkaree Ugyié l’aurait fait suivre sur Pétines; mais, nos autorités Peet mis eu ;eche. Le lematsong sait bien que si la Mission a la faveur du guverneur de Chamdo, il ne pourra lui nuire; c’est pourquoi il répète sans cesse qu’un papier du Gouverneur ne saurait être utile à la Mission, tant que la Mission n’aura pas un édit du eouvernement de Lhassa. bis soyons pas leur dues!

Vous seriez sans douta heureux de t’avoir quelque chose de la Mission protestestante de Batarg, jadis si florissante. Mr. Schwitke et Lia.. Ly, pastaur
indigène, se pextageet le miaistSre. Mr. Le exerce ses fonctions en ville, tir. ni- chois auprès des chrétiens den diapong, où il est secondé par Melle. Schaulte qui,
d’aileure, lui succèdera, Ur. hichols eoneeant rajeindre sa famille dès cet éte,.

Sa femme et ses enfants ont, en effet, regagné l’Amérique, depuis un an ou deux. Ur. hichols qui a 46 ans, n’est en Chine que depuis 6 ans; il ne comprend pns le chinois et parle très peu le thitétain male c’est un horese breve et candido. 2elle. âchwake sait un peu mieux son thibiéiain et parle par interprète pour le chinois.
Ce n’est plus une jeunesse al une beauté at son caractère acariâtre centribuera à la conservetiun de sa vertu : nous pouvons dormir trenquillts! Noue n’evons melheu-reueement pas été assez curieux et n’avons pas interrogé sur le nombre des adeptes de 2 sectes – le pasteur indigène n’est pas de la même religion que son collègue américain – mais si le décadence spirituelle est à l’image de la déchéance matérielle, le pronostic serait grave: Des teaux parcs et jardins de jadis, il ne reste
que les arbres; l’école, l’hôpital et plusieurs vilas ont . . . sont seules debout et . . .  est occupé par l’école secondaire chinois. Tout est délabré et sent Pabaudon. Les pommiers seuls me font envie!

A la sortie du dIner mandarinal, les membres de l’ . . . , qui étaient parmi les hôtes, nous invitèrent à passer chez eux et à assister à leur réunion vespérale. Accepté: Le pasteur indigène, qui a la langue bien pendue, et s’exprime aussi bien en chinois qu’en thibétain, ouvra la séance par une prière improvisée d’action deo gratias pour l’heureux retour de gent Schwake qui s’était rendue à Tchengtou ( elle fut soignée à son retour à l’hôpital catholique de Tatsienlou et c’est là également que fut soigné et que mourut la fils ainé du pasteur Ly qui présida la réunion) action . . . pour la joie que leur procure notre présence, etc. sa parole est . . . Niohola qui dit quelques mots, sil se elle:et beaucoup, et auxquels personne, je suppose, n’a rien compris.

La pastoresee parle en anglais et ie postier local traduit an chinois, période par période, pour done« à l’ora-eur la temps d’improviser la phrase suivante. Puis, on chante un cantique.. . .  beaucoup et, ma foi, assez bien chez de protestants! Ensulte, 133 assistants qui auraient un mot d’édifioateon pour l’assemblée sont invités à prendre la parole le. Trois ou quatre personne, hommee et femmes, prirent la parole. Nous constatâmes avec effarement que le St.-Esprit, source unique de l’inspiration prophétique, avait délégué . . .au pasteur indigène car tous, sous une tomate au l’autre, . . .  à répéter la prière d’actions de grâces qui nous avait été dédiée au début de la réunion.

Encore quelques cantiquea, applaudis à deux mains, eomme l’avalant été tous les discours, et la séance est lavée. Alors le P. Tornay, moitié aizieux, moitié rieur, reproche au président da ne pas lui avoir donner la parole. cala ne tienne! on peut continuer un instant la séance! Et c’est ainsi que Mr. Tornay et moi prîmes la parole devant un auditoire qui lut charmé, je puis le dire sans vanité, de mieux nous comprendre que leurs propres pasteurs. notre thèse fut : de l’unicité de l’Eglise et de la nécessité de travailler à réaliser le voeu du Christ ” Ut flat unum ovale st unus Pastor!”

Enfin , il fallut songer au retour. Douze lemas de Batang se joignirent à notre escorte et, grâce à Dieu, nous arrivâmes sains et saufs à notre manoir, le 30 juin au soir, enchantés et réconfortes par ce beau voyage.

A. LOVEY C.R.

 dmc