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LES CHANOINES DU GSB AU YUNNAN (2)

La mission pendant les années de la guerre civile

Si la fin de la deuxième guerre mondiale engendra de nombreuses espérances, les réalités ne se modifièrent que légèrement. Le Yunnan était administré par un gouverneur qui ne dépendait que formellement du gouvernement de Nanjing. Les régions reculées de ce vaste territoire continuèrent à être le théâtre de combats sporadiques.

L’hostilité des lamaseries locales, plus discrète juste après la défaite japonaise, se fit fortement sentir dès que la capacité d’intervention des autorités chinoises (soit le danger des représailles) s’estompa. Au brigandage plus au moins endémique s’ajouta la menace communiste avec la progression de la guerre civile. Des formations de guérilla communiste, voire des bandes locales de brigands se disant communistes, prirent le pouvoir dans le haut Mékong, mais elles furent confrontées à la résistance armée des partisans des lamaseries et des chefs locaux du Nord. Ces milices locales d’ethnie tibétaine eurent – provisoirement – gain de cause.

Bien que théoriquement chargées de liquider les communistes, elles se livrèrent aux pillages des villages, des villes et des stations missionnaires qu’elles rencontrèrent sur leur passage. La population et les missionnaires se virent obligés soit de fuir, soit de subir les pillages, les incendies et les violences des uns autant que des autres. La mission connut ainsi de graves pertes. Les milices locales d’ethnie tibétaine furent ensuite repoussées par l’armée communiste. En revanche, dans le haut Nu Jiang, une administration communiste avait apparemment pu se maintenir depuis l’été 1949.

Face à de telles circonstances, l’arrivée dans la région en 1947 de quatre chanoines (Jules Detry, Louis Emery, Alphonse Savioz et François Fournier) ainsi que le retour de Robert Chappelet au sein de la mission ne firent pas le poids, même s’ils réduisaient partiellement la pénurie des effectifs. Le nouvel élan sera bientôt brisé. Ni l’école de latin ni les travaux à l’hospice ne reprirent. Les communications restaient difficiles, les routes étant de temps en temps impraticables. Malade, le frère Louis Duc rentra en Europe en 1948 alors que Jules Detry n’effectua qu’un bref séjour en Asie pour recueillir du matériel afin de faire de la propagande et des conférences en Europe.

Par la suite, une première conséquence du changement de régime fut l’impossibilité de renforcer la mission: les trois nouveaux missionnaires en route pour la Chine n’arrivèrent jamais.

Maurice Tornay fut nommé curé de Yanjing en été 1945 suite à la mort du père Burdin et eut pour objectif l’évangélisation des Tibétains. La présence du missionnaire à Yanjing fut mal tolérée par les lamaseries locales qui ressentaient cette présence comme une provocation et une menace. L’influence du gouvernement nationaliste chinois et du gouvernement central tibétain restant limitée dans cette région reculée, les élites tibétaines locales ne se souciaient probablement guère des nouvelles implications politiques pour le Tibet suite à la défaite japonaise et au nouveau rôle potentiel de la Chine.

Ces élites se servirent donc de leur marge de manoeuvre et Tornay fut soumis à des pressions croissantes pour qu’il quitte le district. II en fut expulsé en janvier 1946. Il séjournait alors du côté chinois de la frontière quand il ne voyageait pas à la recherche de soutien pour sa cause. L’enjeu était en fait important pour le diocèse et revêtait une valeur symbolique pour l’Eglise catholique, car il s’agissait à cette époque de l’unique présence missionnaire catholique au Tibet.

Les milieux diplomatiques furent sollicités: surtout l’ambassadeur français en Chine, l’internonce, mais aussi les officiels tibétains que Tornay rencontra à Nanjing. Or, les diplomates n’obtinrent aucun résultat concluant. En fait, le gouvernement chinois avait bien d’autres problèmes et les Tibétains ne prirent aucune mesure en faveur du retour de Maurice Tornay au Tibet. Le ministre de Suisse en Chine, Henri de Torrenté (qui rencontra le père Tornay en mars 1948) n’intervint pas, car les chanoines étaient encore à cette époque annoncés en tant que ressortissants français.La communauté chrétienne de Yanjing avait été entre temps persécutée par la lamaserie locale.

Avec l’accord de l’internonce Riberi, Maurice Tornay décida de réaliser un dernier projet déjà envisagé en été 1946: se rendre à Lhassa pour plaider sa cause. Il espérait pouvoir s’entendre avec les autorités centrales tibétaines qui auraient pu enfin imposer leur volonté aux lamas responsables de son expulsion. Reconnu après plusieurs jours de voyage, il fut refoulé par des réguliers de l’armée tibétaine. Le 1 l août 1949, sur la voie du retour, il fut assassiné par des lamas d’une lamaserie locale qui évidemment craignait son retour au Tibet. Aux yeux de la communauté chrétienne, il s’agit d’un martyr.

Face à son assassinat, la crainte du pire surgit parmi les autres missionnaires. Le coup de grâce vint toutefois d’une autre direction.

PS : Ces extraits ci-dessus sont tirés de la thèse (Université de Saint-Gall) intitulée « LA SUISSE FACE A LA CHINE – UNE CONTINUITE IMPOSSIBLE ? 1946-1955 » par Michel CODURI (Iseo –Tessin – Suisse) sous la direction des profeseurs Aloïs Riklin et Antoine Fleury – 2004.

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