PERE DESGODINS AUGUSTE
Père AUGUSTE DESGODINS (1826-1913) – UN PIONNIER DE LA MISSION THIBETAINE
Le pionnier de la mission thibétaine notamment à Yerkalo était non seulement prêtre, mais également un scientifique de très bonne renommée.
Il a ainsi publié tant dans des revues anglaises que françaises des articles qui avaient vivement intéressés les géographes de l’Inde. Ainsi, il est arrivé notamment à déterminer avec une exactitude très convenable la latitude de Yerkalo, fixant ainsi le premier point de repère exact que nous ayons dans cette zone et qui nous permette de le rattacher avec certitude aux travaux cartographiques dont les régions voisines ont été l’objet.
De plus, il publia également en 1873 une étude sur la zoologie du Thibet, ainsi que des travaux sur les mœurs et coutumes thibétaines.
En 1870 toute la région de Yerkalo–Batang a été victime d’un important tremblement de terre qui fit plus de 3’000 victimes et des incendies qui devaient durer plus de 8 jours. Il est tout de même précisé que Yerkalo qui est à 150 kilomètres de Batang fut moins éprouvé. Durant cette épreuve, les missionnaires se dévouèrent énormément pour les victimes qui ainsi n’avaient plus de crainte des lamas. Fort de cette situation, les missionnaires proposèrent aux Thibétains de leur louer du terrain, ainsi, ils réussirent à convenir d’un bail de 50 ans. Le missionnaire put alors procurer des champs à ses chrétiens. Le père Desgodins redevient alors à nouveau architecte et maçon et construisit une chapelle et des bâtiments pour la petite communauté chrétienne. La chapelle et ces annexes furent bénites le 15 août 1873. Il est à préciser que c’est à Noël 1867 que le missionnaire avait consacré son petit troupeau à Notre Dame du Sacré Cœur.
En mars 1873, il écrit au Directeur du séminaire des Missions Etrangères de Paris « Nous jouissons de la plus grande paix, personne ne songe à nous inquiéter; au contraire nous avons été bien aidés par les chefs des familles influentes du pays. Pour moi, je me porte à merveille et suis toujours robuste et rustaud comme vous m’avez connu il y a quelque 18 ans. »
Mais les lamaïstes ruminaient leur vengeance. Pour eux, le désastre de Batang (le tremblement de terre et la sécheresse qui avait suivie) n’avaient d’autres causes que l’introduction dans le pays d’une religion étrangère. De plus, toujours selon les lamas, la famine s’était aggravée par une invasion de rats fabriqués par les missionnaires avec de la viande hachée mêlée à du sang de porc. Enfin, les missionnaires n’étaient que des complices des explorateurs qui préparaient les voies aux armées étrangères. C’est ainsi que le 12 octobre 1873, la mission de Batang fut attaquée par les lamas et quasiment détruite. De leur côté, les pères Auguste Desgodins et Félix Biet durent quitter Yerkalo et aller à 300 kilomètres à Tsekou avec leurs chrétiens. Ils furent accueillis par les pères Alexandre Biet et Jules-Etienne Dubernard. Tout ce monde ne put rentrer à Yerkalo que le 8 avril 1874.
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Le père Desgodins est un homme de caractère pour ne pas dire plus; ainsi, il écrit à son évêque Joseph Chauveau : « Je vous dis tout bonnement et bêtement ce que je pense, faites-en ce que bon vous semblera, j’en serai toujours content. Et si vous m’ordonnez ensuite, ou même me conseillez seulement de faire tout le contraire de ce que je croyais bon et utile, soyez bien persuadé que je le ferai avec autant de soin et de dévouement que si je croyais que c’est l’enfant choisi et unique de mon cerveau… Telle est ma profession de foi et, foi de lorrain, j’y tiendrai ».
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Essayer de pénétrer au Thibet par l’Inde en même tant que par la Chine avait été l’idée première des missions étrangères de Paris. Elle fut abandonnée par Monseigneur Thomine Desmazures mais fut reprise par Monseigneur Joseph Chauveau. Ce dernier voyait dans une nouvelle pénétration par l’Inde une chance sérieuse de remédier aux échecs subis du côté chinois. Monseigneur Chauveau ajoutait : « Si le projet de tenter à nouveau la pénétration au Tibet par l’Inde prenait corps, nous n’aurions personne d’aussi compétent, d’aussi capable que le vaillant père Desgodins ».
Ainsi, en octobre 1877, l’évêque proposa au père Desgodins : « Vous sentez-vous la force de recommencer l’expédition de 1851-1858? Réponse : « La force physique ne me manque pas, je puis partir. Quant à la volonté, vous n’avez qu’à ordonner, Monseigneur, et je suis prêt ». « Il y a de l’or dans cet esprit et dans ce cœur ».
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Le nouvel évêque, qui était son ex-compagnon à la mission de Yerkalo, le père Félix Biet demanda dès son élection au séminaire des Missions Etrangères de Paris : « Des prêtres capables de se vouer au martyre de la stérilité, si Dieu l’exigeait d’eux comme il l’a exigé de leurs aînés ».
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Vu la présence en novembre 1878 d’un Chinois du nom d’Houang qui tentait d’établir la carte des régions de l’ouest thibétain, les lamaïstes menacent d’envahir à nouveau le district de Batang.
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En 1879, le père Desgodins se mit à traduire un gros ouvrage thibétain sur « les grandes et petites sciences ». Il reçut même les palmes académiques.
Lors de l’hiver 1879/1880, il y a de nouvelles ébullitions à la frontière sino-thibétaine causée par l’arrivée dans la région d’un groupe d’explorateurs austro-hongrois dirigé par le comte Bela Szechenyi. Cette expédition ne put dépasser Batang. Finalement les Thibétains se vengeaient sur les missionnaires et les accusaient de faire appel à l’étranger. En février 1880, les lamaïstes de Lahsa allèrent jusqu’à publier un édit de proscription contre la religion chrétienne et l’adressèrent aux autorités de Batang.
Extraits tirés de Gaston Gratuze : »Un pionnier de la mission Thibétaine. Le Père Auguste Desgodins – Paris – 1968
D.M.C.