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VIE DU SERVITEUR DE DIEU TORNAY MAURICE (XI) (art. 58 à 70)

XI. LA CONJURATION DES LAMAS

Art. 58

Les lamas avaient des espions à Atuntze, chargés de les avertir sur les faits et gestes et plus spécialement sur les déplacements du Serviteur de Dieu. Les préparatifs du voyage n’échappèrent donc pas à la vigilance de ses ennemis. Dans une lettre datée du 2 août (qui ne devait parvenir à Atuntze qu’après le meurtre), le vieux chrétien,

Louka de Yerkalo écrivait qu’un certain Atun de Ngul-khioka était parti pour le Thibet à peu près en même temps que le missionnaire et que, passant à Gunra, il avait dépêché l’un de ses amis auprès des lamas de Pétine et de Karmda pour les informer du départ de l’étranger vers Lhassa.

Art. 59

Les lamaseries de Karmda et de Sogun tiennent conseil et décident que seul le meurtre pourra les débarrasser de leur ennemi.

Art. 60

Après le conseil, les lamas dépêchent deux hommes armés : Agyé et Rabndiang Yuntun, de Kionglong ; ils sont porteurs de lettres pour les autorités douanières les avertissant qu’un étranger, un espion, s’est glissé furtivement dans la terre des esprits et qu’il doit être ramené à son point de départ.

En même temps ils envoient un messager vers Chamdo et ils or¬donnent à plusieurs lamas, fusil sous le bras, de prendre le guet sur la piste du retour afin de tuer le missionnaire au passage. Aux assassins ils ont promis 1000 roupies en dehors du butin qu’ils pourront s’approprier.

Art. 61

Les autorités douanières thibétaines se prêtent à cette façon de voir et, aux deux hommes armés de la lamaserie de Karmda, ils adjoignent leurs soldats avec l’ordre d’arrêter l’étranger et de le ramener à Tchrayul avec ses trois serviteurs. Là le chef statuerait.

Art. 62

Le chanoine Tornay est rejoint à Tentho le 27 juillet, dix-sept jours après son départ d’Atuntze. On l’identifie sans aucune peine, car les hommes envoyés par les lamas connaissent très bien Doci, auquel ils enlèvent immédiatement sa mitraillette Mauser. Le Serviteur de Dieu et ses trois domestiques doivent rebrousser chemin tandis que la caravane de Sétéouang est autorisée à continuer librement sa route.

Art. 63

Au poste frontière, le chef de Tchrayul affectant de grands égards envers le missionnaire, lui signifie qu’il doit rentrer à Atuntze, mais sans aucune crainte, car il a député son second pour le protéger en cours de route et le remettre entre les mains du mandarin d’Atuntze.

Quant à la caravane de Sétéouang, il déclare qu’on l’a laissée libre de poursuivre son chemin, mais qu’à son retour, le caravanier devra répondre devant le gouverneur de Chamdo du fait d’avoir introduit subrepticement un étranger en pays interdit. Le Serviteur de Dieu essaie vainement d’innocenter son caravanier et d’apaiser le chef par le cadeau d’une mule et d’une charge de thé.

Ad. 64
Après le poste de douane, le chanoine Tornay et ses trois servi¬teurs, toujours accompagnés des deux hommes armés de Karmda avec, en plus, le délégué du chef de Tchrayul sont donc obligés de pour¬suivre leur route vers Atuntze.

Art. 65

Un peu plus bas que Tchrayul, deux autres hommes armés, en¬voyés comme les précédents par les lamas de Karmda, rejoignent le groupe et notifient au Serviteur de Dieu qu’ils ont l’ordre de le con¬duire à Yerkalo.

Le missionnaire comprend alors clairement les intentions des lamas et il déclare aux deux émissaires : « Vous êtes venus pour me tuer, sans quoi deux hommes auraient suffi pour me ramener chez moi. Non, je n’irai pas à Yerkalo d’où les lamas m’ont chassé. Le délégué du chef de Tchrayul a pour mission de me reconduire sain et sauf à Atuntze, c’est à ses ordres que j’obéirai. » Puis, s’adressant au délégué, il lui dit : « Remontons à Tchrayul. Ma vie est menacée, et toi tout seul, que peux-tu contre quatre brigands armés ? »

Les hommes armés font alors le serment solennel qu’ils n’ont pas reçu l’ordre de tuer le missionnaire, mais seulement de l’amener devant les lamas, leurs maîtres. Cependant le Serviteur de Dieu ne veut pas les suivre. Alors les deux derniers émissaires reprennent à marche for¬cée le chemin de Yerkalo pour rendre compte de leur mission et de leur échec.

Art. 66

Le chanoine Tornay, accompagné des trois soldats (les deux hom¬mes de Karmda avec le délégué) et de ses trois domestiques, poursuit sa route par petites étapes.
Une femme malade, qui désire suivre un traitement au dispensaire d’Atuntze, se joint à la caravane. A l’étape elle loge clans la même pièce que les soldats et un soir elle les entend échanger des propos lais¬sant comprendre clairement que Doci sera tué chemin faisant.

Art. 67

Le Serviteur de Dieu pense que les lamas n’osant s’attaquer à sa personne, se vengeront en tuant Doci, coupable d’avoir passé outre à la défense de quitter Yerkalo pour le suivre. Pour prévenir un malheur, le missionnaire et ses compagnons prennent la décision de désarmer les deux hommes de Karmda et de reprendre la mitraillette de Doci, afin de pouvoir lutter à armes égales en cas d’attaque.

Art. 68

Le soir à l’étape, comme tout le monde est réuni autour du feu, les domestiques du missionnaire se jettent brusquement sur les deux soldats et réussissent leur coup de main. Le Serviteur de Dieu dit alors aux deux hommes : « Je sais que vous avez l’ordre de tuer Doci. Comment rentrerai-je chez moi sans lui ?… Si vous voulez tuer quelqu’un, tuez- moi ! » Ce disant, il découvre sa poitrine et la présente à leurs coups.

Art. 69

Les deux hommes encore une fois jurent leurs dieux qu’ils n ont reçu l’ordre de tuer ni Doci, ni quelqu’autre personne. Alors le délégué propose une solution qui est acceptée des deux parties : à savoir, de dé¬monter tous les fusils et de lui remettre les culasses qu’il porterait lui- même dans un sac scellé, avec la mitraillette. Après le serment des sol¬dats et la mise à exécution de cette proposition, le missionnaire et ses domestiques sont à moitié rassurés et ils vont laisser échapper une bon¬ne occasion de fuir.

Art. 70

En effet, arrivés le 10 août à Dialang, dernier village avant le col du Choula, les soldats veulent s’arrêter pour régler une affaire avec une famille du pays ; ils doivent pour cela s’éloigner de quelques kilomètres et s’attarder toute une journée.

La veille, le Serviteur de Dieu avait décidé de mettre à profit l’ab¬sence des soldats pour fuir, mais trop rassuré par les serments entendus et les consignes du délégué, influencé d’autre part par Doci, qui ne veut pas rentrer sans sa mitraillette, il revient sur sa décision. 

EXTRAITS tirés d’une brochure intitulée « Articles sur la vie et la renommée du martyre du Serviteur de Dieu MAURICE TORNAY – Chanoine Régulier du Grand Saint-Bernard 1910-1949 » – parue en 1953 à l’Imprimerie St-Augustin – St Maurice (Suisse) – sous la responsabilité du Vice-Postulateur de la Cause – tout en précisant que le S. de D. est devenu Bienheureux par décret du Saint Pape Jean-Paul II quarante ans plus tard le 18 mai 1993.

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