VIE DU SERVITEUR DE DIEU TORNAY MAURICE (XII) (art. 71 à 80)
XII. LE MEURTRE
Art. 71
Le lendemain, à l’aube du 11 août 1949, la caravane prend la route du Choula sans trop d’inquiétude car, le col franchi,
c’était la Chine ! Or un peu au-dessous du col, le Serviteur de Dieu et ses compagnons rencontrent un marchand qui leur affirme avoir croisé un homme venant voir si l’étranger arrivait bientôt. Cette nouvelle n’est pas pour les rassurer, mais que faire ? Ils n’ont plus la liberté de fuir.
La caravane franchit le col et quitte le Thibet : Joan et Sandjroupt marchent en tête avec deux mulets du missionnaire, lui-même vient en¬suite et finalement Doci, qui pousse les deux autres mules. Suivent : les deux soldats, le délégué de Tchrayul et enfin, la femme malade.
Art. 72
Ils descendent le versant est du Choula depuis près d’une heure, c’est environ midi et ils arrivent à l’orée de la forêt quand, telles des panthères à l’affût, quatre lamas de Karmda fusils braqués, bondissent sur eux.
« Ne tirez pas ! leur clame le missionnaire, on peut palabrer ! » Une décharge fut leur réponse. Prenant la fuite, Sandjroupt et Joan virent que Doci gisait déjà à terre tandis que le Père, debout, regardait vers lui. Les deux boys ne furent pas tentés de regarder ce qui se pas¬sait : ils s’enfuirent éperdument.
Art. 73
D’après les informations recueillies par les chrétiens de Yerkalo, le Serviteur de Dieu aurait souffert avant d’être mis à mort. Les lamas déchargèrent plusieurs salves sur le missionnaire sans réussir à l’abattre. Attribuant leur impuissance à un charme qu’il devait porter sur lui, ils s’approchèrent et le fouillant, ils découvrirent un livre de prières, proba¬blement son bréviaire. Ils se mirent à se moquer de lui, à l’abreuver de sarcasme, puis ce fut la fin…
Art. 74
Les deux rescapés dévalèrent en trombe jusqu’à Méréchu, mais ils eurent fort heureusement la présence d’esprit d’attendre la nuit pour entrer dans ce village. Là en effet, une escouade de lamas plus nombreuse que la précédente veillait l’arme au pied, prête à intervenir, pour le cas peu probable où l’étranger eût échappé à l’embuscade préparée à la montagne.
Art. 75
La personne chez laquelle les deux fuyards trouvèrent asile pour la nuit les fit repartir avant l’aube. Ils arrivèrent à Atuntze le 12 août dans l’après-midi pour communiquer la nouvelle au chanoine Savioz, qui envoya immédiatement sur les lieux une équipe de sept porteurs escortés de deux hommes du prétoire, avec mission de ramener les cada¬vres à Atuntze. En même temps il prévenait les missionnaires de Tse¬chung en y dépêchant un courrier spécial.
Art. 76
Les deux corps ont été retrouvés à la lisière du bois, complètement dépouillés de leurs habits et mutilés. Le chanoine Tornay portait plusieurs blessures de balles dont l’une à la tête. L’équipe des porteurs rentra à Atuntze dans la soirée du 16 août.
Art. 77
Les chrétiens firent la veillée funèbre. Le lendemain, 17 août, le chanoine Savioz célébra le Saint Sacrifice de la messe et conduisit les cadavres au champ du repos (dans le jardin de l’ancienne résidence) accompagné des chrétiens et d’une foule compacte de païens. Le cha¬noine Lovey n’arriva que dans la soirée, trop tard pour assister à l’inhumation.
Art. 78
Quand les meurtriers furent de retour à Yerkalo, les lamas de Karmda et de Sogun obligèrent les chrétiens de Yerkalo à leur livrer les caisses que le Serviteur de Dieu leur avait confiées lors de son expulsion le 26 janvier 1946.
Art. 79
Après la mort du missionnaire, des protestations véhémentes partirent en direction de Yerkalo et de Karmda.
Le mandarin d’Atuntze envoie une lettre à Yerkalo et promet d’avertir le gouverneur de Chamdo.
M. Houang, directeur du comité national joint ses protestations à celles du sous-préfet d’Atuntze, M. Tchen, par l’entremise de M. Tso, délégué du Bureau des Affaires thibétaines et mongoles en résidence à Chamdo.
Tous expriment leurs regrets et promettent d’agir contre les assassins.
Enfin, les chanoines Lovey et Savioz dressent un acte d’accusation circonstancié pour les diverses autorités de la place.
Art. 80
En 1950, à l’époque où les communistes chinois entraient au Thibet, d’un commun accord les chrétiens de Yerkalo portèrent l’affaire de l’assassinat de Doci, fils de Cyrille, devant le Pongdats’ong. Pour avoir tué Doci, la lamaserie de Karmda fut condamnée à une amende de 1000 piastres et d’un fusil. Le montant de l’amende fut attribué à la famille de Doci.
EXTRAITS tirés d’une brochure intitulée « Articles sur la vie et la renommée du martyre du Serviteur de Dieu MAURICE TORNAY – Chanoine Régulier du Grand Saint-Bernard 1910-1949 » – parue en 1953 à l’Imprimerie St-Augustin – St Maurice (Suisse) – sous la responsabilité du Vice-Postulateur de la Cause – tout en précisant que le S. de D. est devenu Bienheureux par décret du Saint Pape Jean-Paul II quarante ans plus tard le 18 mai 1993.