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Le Révérend Père Paul COQUOZ

Par le Chanoine Lattion

Ancien missionnaire au Tibet et à Taïwan est décédé à l’Hôpital de Martigny, le 29 mars 1985, dans la 82e année de son âge et la 60e de sa profession religieuse.

Né à Evionnaz le 26 janvier 1904, il fit ses études classiques au collège de Saint-Maurice, puis entra au noviciat du Grand-Saint-Bernard, le 23 août 1923, et fut ordonné prêtre à Rome le 14 juin 1930.

P. COQUOZ PARTANT EN TOURNEE AVEC ROBERT CHAPPELET

Il fut d’abord aumônier, sacriste et professeur de philosophie à l’Hospice du Grand-Saint-Bernard, puis partit pour la mission du Thibet en janvier 1933 où il oeuvra jusqu’en octobre 1951. Rentré en Suisse, il fut professeur à Champittet durant l’année 1952-1953, puis il fit partie à titre d’aumônier et d’interprète de la commission d’armistice en Corée durant neuf mois. Il partit alors pour notre nouvelle mission à Taïwan ; il occupa les postes d’Ilan, 1954-1958, de Hsincheng, 1958-1960, puis de Tien-hsiang, 1960-1978.

Contraint par la maladie, il rentra en Suisse, en avril 1978, pour une retraite bien méritée.

J’allai terminer la mise en pages de ce numéro de la Revue quand me parvint la nouvelle de la mort du cher Père Coquoz.

Chanoine Lattion

Sépulture du chanoine Paul Coquoz (GSB 1985/3)


«Il n’est personne qui, ayant quitté à cause de moi et de l’Evangile, sa mai-son, ou ses frères ou ses soeurs, ou sa mère, ou son père, ou ses enfants, ou ses terres, ne reçoive au centuple, présentement, dans ce siècle-ci, maisons, frères, soeurs, mères, enfants, champs, avec des persécutions, et, dans le siècle à venir, la vie éternelle. (Mc 10, 29-30)


Chers confrères dans l’apostolat, chers frères et soeurs,

Une fois de plus, la mort d’un prêtre nous rassemble dans cette église pour entourer de notre affection et de notre sympathie, les parents, amis et confrères du Père Paul Coquoz et pour offrir l’Eucharistie pour le repos de l’âme de notre cher défunt et son admission dans le Royaume des élus, puisque la Sainte Ecriture nous affirme qu’il est bon et salutaire de prier pour les défunts afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés.

Parents et amis du défunt, nous partageons votre peine ; nous vous réassurons de notre sympathie et du concours de nos prières, afin que Dieu vous donne force, courage et joie surnaturelle dans cette épreuve.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le cher Père Paul vous adresse ce qu’il considérait comme un dernier adieu. Il vous l’avait dit en 1933 quand il partit pour ce Tibet lointain et mystérieux où il était bien décidé à laisser ses pauvres restes humains, puisque, à ce moment-là, on partait en mission sans espoir de retour. Remercions Dieu d’en avoir décidé autrement ; disons-Lui notre gratitude de nous avoir permis de revoir le visage de son serviteur et d’entrer dans son amitié.

P. PAUL COQUOZ ET ROBERT CHAPPELET AU LATSA

Car le Père Coquoz avait le culte de l’amitié, le charisme de l’amitié. Tous ceux qui l’ont approché, que ce soit au Thibet, en Corée, à Taiwan, en Amérique ou en Suisse, lui ont donné leur amitié et se souviennent de sa bonhomie, de son humour malicieux parfois, mais jamais blessant, de ses distractions prodigieuses qui le faisaient rire lui, le premier, et mettaient de la gaieté dans tout le reste de la communauté. Oui, avec le Père Paul nous perdons un confrère charmant et un missionnaire zélé ; mais ce n’est pas un adieu définitif que nous lui adressons aujourd’hui, mais un adieu qui inclut un «au revoir», car nous nous retrouverons au ciel dans la patrie.

Avant d’entendre l’appel missionnaire, le Père Paul avait répondu avec toute la vigueur de sa jeunesse et de sa foi, à un premier appel: celui qui l’enlevait à sa famille terrestre pour lui permettre d’entrer dans l’Ordre canonial des Chanoines Réguliers. Les années de formation au Grand-Saint-Bernard et à Rome ont marqué toute sa vie de prêtre et de missionnaire.

Il avait répondu à cet appel comme à un don de Dieu et un don de soi, car la vocation à l’apostolat sacerdotal est vraiment un don de soi à Dieu et un don de Dieu à son Eglise, puisque accepter le sacerdoce c’est accepter de travailler de toutes ses forces et toute une vie à l’épanouissement de l’Eglise fondée par le Christ et à laquelle nous devons tous adhérer. Je me permets de vous rappeler à ce sujet les paroles importantes du pape Léon XIII qui affirme à propos qu’il n’y a qu’une religion et que notre premier devoir est de l’embrasser d’esprit et de coeur ; non pas la religion que chacun préfère mais celle que Dieu a instaurée et que des preuves certaines et indubitables établissent comme la vraie entre toutes.

Voir quelle religion est la vraie ne devrait être ni difficile ni impossible alors que des arguments qui nous paraissent évidents prouvent clairement à celui qui veut écouter et voir que la vraie religion ne peut être que celle que Jésus a instituée lui-même et qu’il a donné mission de garder, de propager et de protéger. Alors pourquoi et comment se fait-il que dans la réalité il en soit tout autrement?

Un prêtre est mort. Tous les jours des prêtres meurent et ne peuvent être remplacés. Qui dira et redira les vérités essentielles au peuple de Dieu si l’Eglise manque de prêtres? Et si l’Eglise manque de prêtres, à qui la faute. N’est-ce pas en définitive parce que le Peuple de Dieu n’en sent plus le besoin et ne prie plus pour que Dieu suscite dans son sein de nouvelles vocations?

Ne soyez pas étonnés, chers frères et soeurs, si je profite de cette occasion pour supplier les jeunes qui m’entendent de prêter attention à cette voix du Christ qui vous choisit et attend de vous que vous quittiez tout pour répondre à son appel.

Je me demande avec anxiété ce que serait une Eglise sans prêtre. Plus personne pour faire l’Eucharistie, le pain de la vie et la coupe du salut. Plus personne pour vous assurer au nom de Dieu que vos péchés sont pardonnés. C’est peut-être là une pensée à laquelle il n’est pas indiqué de nous arrêter. Car Dieu nous a donné son propre Fils qui s’est choisi les apôtres pour les envoyer enseigner toutes les nations et les baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Celui qui croira sera sauvé, celui qui ne croira pas sera con-damné. Celui qui a tout quitté à cause de moi et de l’Evangile retrouvera plus qu’il n’a laissé. Et Jésus ajoute ce renseignement amer: Avec des persécutions.

Les persécutions n’ont pas manqué au Père Paul. En 1936 déjà, sur l’ordre du mandarin local, il avait dû abandonner momentanément sa chrétienté pour une marche forcée vers le nord à l’abri des hordes communistes qui traversaient le Yunnan, en fuite devant les troupes nationalistes. Quinze ans plus tard, prévoyant le sort qui attendait les missionnaires étrangers à la suite des victoires des forces communistes sur les troupes nationalistes démoralisées et lasses d’un combat sans issue, le Père Paul, après une longue période de résidence surveillée au centre de notre mission, revenait en Suisse, tandis que la Chine de Mao, la Chine communiste et athée mettait à la porte les missionnaires étrangers, tout en évitant soigneusement d’en faire des martyrs.

C’est ensuite la Corée et Taiwan. Le Père Paul y fut le pionnier de Tienhsiang, l’oeuvre hospitalière et catéchétique que viennent de réaliser nos confrères de Taiwan. On parle beaucoup dans l’Eglise postconciliaire de la nécessité de l’accueil. En cela encore le Père Paul fut, pour nous tous, un exemple vivant. Le Père Paul recevait joyeusement et traitait royalement les confrères qui lui rendaient visite ; mais il les quittait régulièrement pour accueillir des touristes taiwannais, ou américains ou occidentaux et les faire jouir de la beauté du paysage et de chacune de ses nouvelles réalisations tel que le «Chalet Suisse» et un Cervin de chaux et de ciment qu’il avait lui-même fabriqués.

Il manquait encore à l’oeuvre du Père Paul le sceau divin de la souffrance. Son décès, son agonie. comme s’il s’endormait dans le Seigneur, mit fin à une longue période de purification vaillamment acceptée et à la journée de souffrance qui précéda sa mort, à l’aube de la fête de Notre-Dame des Sept-Douleurs, patronne de la Mission du Thibet.

FRERE DUC, P. PAUL COQUOZ, X et P. BONNEMIN

Réunis autour du cercueil du Père Paul, au lieu de nous abandonner à la tristesse et à l’amertume, remercions Dieu des moments heureux que nous avons passés en compagnie du défunt, de ce que Dieu fut pour lui et de ce qu’il fut pour nous et de nous revoir dans le Royaume, auprès de Dieu. Disons-lui notre adieu en priant pour lui afin qu’il repose dans la paix et la joie de la Résurrection.

Chanoine Cyrille Lattion