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A D N

Qui ne connaît pas Alexandra David Neel (1868-1969) ?

Cette aventurière « reporter orientaliste » s’est fait connaître mondialement par une « Parisienne à Lhassa ». Non seulement son roman mais aussi son « exploit » ont été reconnu par tout le monde ou presque !

Partie de Tsechung (base principale de la mission dite du Thibet) dans le Haut-Mékong le 23 octobre 1923, elle le confirme dans une lettre adressée à son sponsor bien aimé Philippe (son mari cf les deux volumes de lettres publiées sous le titre de « Journal de voyage » in Plon Pocket 1975-76) avec la mention de garder ce document pouvant servir par la suite !?

Elle arrive à Lhassa le 28 février 1924 après avoir traversé des chaînes de montagnes pendant la période hivernale (col d’Aigni infranchissable en hiver avec les moyens de l’époque, etc…) accompagnée uniquement de son fils adoptif Yongden qui pour corser le tout s’était foulé la cheville.

Le premier à contester la réalité de ce périple est le naturaliste austro-américain Joseph F. Rock (correspondant du National geographic) qui se trouvait dans la région au moment des faits et qui au surplus a indiqué, à juste titre, que la photo d’ADN et son fils devant le Potala était truqué. Dans l’édition de ce livre qui se trouve aux archives des chanoines du Grand Saint-Bernard et fortement annoté par le chanoine Jules Detry, ce dernier relève d’autres incohérences notamment géographiques ainsi que la position de « lampe de sagesse » et « océan de compassion » (noms attribués par les bouddhistes aux deux compères) absolument pas en position bouddhique sur la photo publée ci-dessous !!

Le père Francis Goré (auteur de « Trente ans aux portes du Thibet interdit – 1908-1938 » – Hongkong – 1939) des missions étrangères de Paris (MEP) sans se prononcer ni par oui ni par non soulève toute une série d’objections dont la plus importante comment cette dame pouvait-elle prétendre discuter en thibétain avec les gens qu’elle rencontre et cela surtout sur des sujets de philosophie religieuse ? Il conclut son propos en signant un vieux missionnaire thibéto-chinois et en disant que cette personne avait tellement dit de contrevérités qu’il a beaucoup de peine à la croire pour ne pas dire plus !!

Même si des personnes l’auraient vu à Lhassa, en 1924, il n’est que très difficilement possible qu’ils aient utilisé le chemin indiqué dans le livre. La romancière s’est appuyée certainement dans son écrit sur les indications cartographiques fournies par le général britannique Georges Pereira, géographe érudit, rencontré quelques mois avant cette aventure ?!

La question peut rester ouverte mais cette ADN a tellement bourlingué et touché à tout de l’anarchisme (Elisée Reclus rencontré en Suisse cf la « Croix tibétaine »)(programme formulé par le géographe Reclus: “Nous bâtirons une société dans laquelle il n’y aura plus de maîtres, plus de conservateurs officiels à la morale publique, plus de geôliers, ni de bourreaux, plus de riches ni de pauvres, mais des frères ayant tous leur part quotidienne de pain, des égaux en droit et se maintenant en paix et en cordiale union, non par l’obéissance à des lois qu’accompagnent toujours des menaces redoutables, mais par le respect mutuel des intérêts et l’observation scientifique des lois naturelles”), à la théosophie (Henry Steele Olcott et Hélène Petrovna Blavatsky) en passant par l’occultisme, l’ésotérisme et j’en passe, à un point tel que sa dernière secrétaire (Marie-Madeleine Peyronnet) disait de sa patronne qu’elle était un « océan d’égoïsme » et un « Himalaya de despotisme » !!!

Pour corser le tout, le missionnaire des MEP Ferdinando Pecoraro (ancien missionnaire dans les Marches Thibétaines du Sichuan) nous signale dans un écrit daté de 1997 que ADN avait essayé de publier à Paris (Librairie d’Amérique et d’Orient – Adrien Maisonneuve) le dictionnaire français-tibétain rédigé par les missionnaires Desgodins-Giraudeau-Goré-Valentin, document précieux que lui avait prêté le dernier Evêque de Tatsienlou (actuellement Kangting) lors de son séjour chez les franciscaines missionnaires de Marie pendant la deuxième guerre mondiale.

« En 1953-54, au sortir des geôles communistes, le Père Le Corre et moi-même (Pecoraro) avions accepté de collaborer avec le Père Goré pour éditer ce dictionnaire en question. Ce dernier était un vrai spécialiste és-langue, culture et religion thibétaine. Après quelques mois de travail, je contacte M. Maisonneuve à Paris et lui fournis quelques pages déjà prêtes ; il est d’accord pour l’imprimer par photo-typie ; et nous continuons notre travail. Quelques mois plus tard, M. Maisonmeuve vient nous trouver à Lausanne (Suisse) notre lieu de travail et nous annonce : « Madame David-Neel est venue me dire son intention de faire éditer un dictionnaire français-tibétain et me demander de l’imprimer. Perplexe, je la prie de me fournir les passages correspondant aux pages-échantillons que vous m’aviez fournies et … avec surprise, j’ai constaté que, dans ses documents, les « entrées » comme les exemples sous chacune d’elles, correspondaient pratiquement à ceux de votre travail » ! »

Tout cela se passe de tout autre commentaire !!!

DMC