LA GUERRE DES DEUX FEMMES(1)
Un empoisonnement imaginaire aux conséquences tragiques L’histoire que je vais raconter a été écrite par le Père Goré, mais n’a pas été publiée. Il m’avait, à l’époque, permis de la copier. Malheureusement, lors de notre expulsion par les communistes, nous n’étions pas autorisés à emporter des écrits, donc les deux manuscrits ont été perdus. Je tâche de reconstituer l’histoire de mémoire le mieux possible.
Cela se passe en 1928. Le Père Goré est alors curé de Yerkalo. Comme pratiquement tous les missionnaires des Marches thibétaines, il a, à son service, un économe, en thibétain Chianze. Ce sont des hommes de confiance qui s’occupent des affaires financières de moindre importance: par exemple faire rentrer les revenus des missions qui en possèdent, effectuer des achats pas trop importants, bref toutes sortes de corvées qui feraient perdre beaucoup de temps aux missionnaires. De plus, en raison de leur connaissance des dialectes locaux, des us et coutumes des habitants, ils sont de précieux conseillers des missionnaires lorsqu’ils sont obligés de se transformer en intermédiaires, voire en juges de paix.