Skip to main content
  • DIVINITE-GARDANT-ENTREE
  • DIVINITE-GARDANT-LENTREE-2
  • KARMDA-ENTREE
  • KARMDA
  • MONASTERE-DE-KARMDA-DIVINITE
  • MONASTERE-DE-KARMDA
  • tsechung245

DANS SES MARTYRS, L’EGLISE EST INDIVISE par cardinal KURT KOCH

Si la dimension œcuménique de la persécution des chrétiens et du martyre est devenue visible, nous le devons surtout aux papes venus après le concile Vatican II. Durant la IIIème congrégation générale du concile, le bienheureux pape Paul VI, le 18 octobre 1964, a béatifié les martyrs de l’Ouganda rendant hommage aussi aux anglicans qui avaient subi les mêmes souffrances que leurs frères catholiques. Le saint pape Jean-Paul II a bien exprimé la dimension œcuménique du martyre en organisant une célébration commune dans ce lieu historiquement symbolique qu’est le Colisée, durant le jubilé de l’an 2000, quand en présence de hauts représentants de différentes Églises il a rappelé les martyrs du XXe siècle et écouté leurs témoignages de foi, comme celui du pasteur évangélique Paul Schneider, du métropolite orthodoxe Serafim et du religieux catholique Maximilien Kolbe, et les a commentés en ce sens : « L’héritage précieux que ces témoins courageux nous ont laissé est un patrimoine commun à toutes les Églises et à toutes les Communautés ecclésiales. C’est un héritage qui nous parle d’une voix plus forte que celle des fauteurs de division. L’œcuménisme le plus convaincant est celui des martyrs et des témoins de la foi ; il indique aux chrétiens du vingt et unième siècle la voie de l’unité » (Jean Paul II, Homélie à l’occasion de la commémoration des témoins de la foi du XXe siècle, 7 mai 2000).

En 2008, le pape Benoît XVI, à l’occasion de sa visite à la basilique Saint-Bartholomée sur l’île Tibérine, dédiée à la mémoire des martyrs du XXe siècle, a honoré le martyre œcuménique comme étant le plus haut témoignage d’amour (cf. Homélie à l’occasion de la commémoration des témoins de la foi du XX et XXI siècle à Rome, en la basilique Saint-Bartholomée à l’île Tibérine, 7 avril 2008).

Cette manière d’insister sur l’importance œcuménique des martyres se poursuit heureusement avec le pape François qui, dès le début de son pontificat, a fait de l’œcuménisme des martyrs ou, comme il le définit lui-même, « l’œcuménisme du sang », un de ses thèmes œcuméniques importants. Selon lui ce sont les persécuteurs eux-mêmes qui nous indiquent cet œcuménisme du sang. En effet, « pour les persécuteurs nous ne sommes pas divisés, nous ne sommes pas luthériens, orthodoxes, évangélistes, catholiques… Non ! Nous sommes un ! Pour les persécuteurs, nous sommes chrétiens ! Rien d’autre ne les intéresse. Voilà l’œcuménisme du sang que l’on vit aujourd’hui » (François, Discours aux membres de la Catholic Fraternity of Charismatic Covenant Communities and Fellowships, 31 octobre 2014).

Ainsi, dans l’œcuménisme des martyrs se pose également à nous un grand défi, que le pape François a exprimé en disant sa célèbre phrase : « Si l’ennemi nous unit dans la mort, qui sommes-nous pour nous diviser dans la vie ? » (Discours au mouvement du Renouveau dans l’Esprit, 3 juillet 2015). En effet, n’est-il pas humiliant parfois que les persécuteurs des chrétiens aient une vision œcuménique meilleure que la nôtre, parce qu’ils savent qu’au fond les chrétiens entre eux sont une seule chose ? »

Ces importantes affirmations des papes montrent que l’unité de l’Église s’est déjà accomplie dans les saints et que dans ses martyrs l’Église est indivise. Comme l’Église des débuts était convaincue que le sang des martyrs était semence pour les nouveaux chrétiens, nous aussi, aujourd’hui, nous pouvons espérer qu’un jour le sang de tant de martyrs de notre temps se révélera semence de la pleine unité œcuménique du Corps du Christ. Le pape François et le patriarche Kirill ont témoigné de cette espérance dans leur déclaration commune à La Havane : « Nous nous inclinons devant le martyre de ceux qui, au prix de leur propre vie, témoignent de la vérité de l’Évangile, préférant la mort à l’apostasie du Christ. Nous croyons que ces martyrs de notre temps, issus de diverses Églises, mais unis par une commune souffrance, sont un gage de l’unité des chrétiens »(Déclaration commune du pape François et du patriarche Kirill de Moscou et de toute la Russie, La Havane, 12 février 2016, n. 12).

Comme le Moyen-Orient est la terre d’origine du christianisme, il peut réclamer une place unique dans le mouvement pour l’unité des chrétiens. Le mouvement œcuménique est empreint de cette profonde conviction que les chrétiens trouveront les chemins qui portent à l’unité et approfondiront leurs racines communes. Ce n’est donc pas un hasard si c’est à Jérusalem qu’a eu lieu l’événement qui marque le début du « dialogue d’amour » entre catholiques et orthodoxe, c’est-à-dire le pèlerinage que le bienheureux pape Paul VI et le patriarche œcuménique Athënagoras firent ensemble dans la ville sainte le 6 janvier 1964. Sut le sol où le Christ a fondé son Église et où il a versé son sang pour elle, les deux chefs d’Église se sont échangés un baiser de paix, ont écouté la lecture du chapitre 17 de l’Évangile de Jean et ont prié ensemble, s’engageant ainsi irréversiblement sur le chemin vers l’unité.

Le Moyen-Orient est sans aucun doute une des régions du monde où la situation des chrétiens est plutôt difficile et incertaine, mais où les relations œcuméniques sont très fortes et prometteuses, notamment entre orthodoxes et catholiques. La situation de minorité et le contexte difficile sont indubitablement des motifs de rapprochement dans la manière que l’on peut définir « œcuménisme de la vie », et qui s’est traduit en accords pastoraux importants. Je pense surtout à l’important accord, signé en 1996 à Charfeh, au Liban, par les patriarches catholiques et orthodoxes du Moyen-Orient, qui concerne en particulier les mariages mixtes et l’élaboration d’un catéchisme commun pour les enfants. La nécessaire solidarité dans un contexte d’incertitude a par ailleurs poussé les Églises à conclure des accords pastoraux providentiels en cas de nécessité et à permettre aux croyants d’autres Églises l’accès aux sacrements, par exemple entre l’Église catholique et l’Église syro-orthodoxe en 1984 et entre l’Église chaldéenne et l’Église assyrienne d’Orient en 2001.

Dans son exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Medio Oriente, signée à Beyrouth le 14 septembre 2012, le pape Benoît XVI a encouragé fortement le développement de ces liens œcuméniques entre chrétiens de différentes Églises au Moyen-Orient, soulignant la dimension œcuménique de la sainteté: « Les martyrologes attestent que des saints et des martyrs de toute appartenance ecclésiale, ont été – et certains le sont aujourd’hui – des témoins vivants de cette unité sans frontière dans le Christ glorieux, avant-goût de notre ‘être réunis’ comme peuple finalement réconcilié en Lui » (Ecclesia in Medio Oriente, n. 11).

La sainteté montrée dans la vie et le témoignage commun des chrétiens au Moyen-Orient sont un gage d’unité. Dans sa lettre aux chrétiens au Moyen-Orient du 21 décembre 2014, le pape François a souligné l’appel œcuménique à la sainteté, que la persécution adresse aux chrétiens de toutes les Églises : « La situation dans laquelle vous vivez est un appel fort à la sainteté de vie, comme l’attestent saints et martyrs de toute appartenance ecclésiale. Je me souviens avec affection et vénération des pasteurs et des fidèles auxquels, ces derniers temps, a été demandé le sacrifice de la vie, souvent pour le seul fait d’être chrétiens. Je pense aussi aux personnes séquestrées, parmi elles des évêques orthodoxes et des prêtres de divers rites. Puissent-ils retourner bientôt sains et saufs dans leurs maisons et dans leurs communautés. Je demande à Dieu que tant de souffrance unie à la croix du Seigneur donne de bons fruits pour l’Église et pour les peuples du Moyen-Orient ».

Dans la même lettre, François exprime sa joie devant l’œcuménisme concret vécu par les chrétiens en Moye Orient: «Au milieu des inimitiés et des conflits, la communion vécue entre vous en fraternité et simplicité est signe du Royaume de Dieu. Je suis heureux des bonnes relations et de la collaboration entre les patriarches des Églises orientales catholiques et ceux des Églises orthodoxes ; comme aussi entre les fidèles des diverses Églises. Les souffrances endurées par les chrétiens apportent une contribution inestimable à la cause de l’unité. C’est l’œcuménisme du sang, qui demande un abandon confiant à l’action de l’Esprit Saint ».

La situation dans laquelle vivent les chrétiens au Moyen-Orient est une impulsion œcuménique non seulement pour eux-mêmes, mais également pour les chrétiens dans le monde entier. La préoccupation commune pour les chrétiens au Moyen-Orient a été citée dans différentes déclarations conjointes que le pape François a signées avec d’autres chefs d’Église, comme avec le patriarche œcuménique Bartholomée à Jérusalem le 25 mai 2014 et à Istanbul il 30 novembre 2014, ou avec le pape copte-orthodoxe Tawadros au Caire le 28 avril 2017. La déclaration commune avec le patriarche Kirill à La Havane, le 12 février 2016, fut, elle aussi, un exemple extraordinaire de rapprochement œcuménique, produit par la tragique situation des chrétiens au Moyen-Orient. C’est en ce sens aussi que les souffrances de nos frères et de nos sœurs dans la foi ne sont absolument pas vaines.

La douloureuse situation des chrétiens qui souffrent au Moyen-Orient est pour nous une invitation urgente à les accueillir dans notre cœur, à les rappeler dans nos prières et porter leurs besoins devant Dieu. Au cours des deux visites que j’ai pu faire ces dernières années aux camps de réfugiés en Jordanie et sur l’île de Leros, les personnes m’ont toujours demandé de ne pas les oublier, mais de penser à eux. Nous ne devons jamais leur donner l’impression d’être seules et abandonnées. Cela dépend même de notre participation solidaire dans la prière.

Je souhaite donc terminer mon discours par les paroles de prière pour le Moyen-Orient de la déclaration conjointe signée par le pape François et le patriarche Kirill à La Havane : « Nous élevons nos prières vers le Christ, le Sauveur du monde, pour le rétablissement sur la terre du Proche-Orient de la paix qui est « le fruit de la justice » (Is 32, 17), pour que se renforce la coexistence fraternelle entre les diverses populations, Églises et religions qui s’y trouvent, pour le retour des réfugiés dans leurs foyers, la guérison des blessés et le repos de l’âme des innocents tués ».


ZENIT 15 février 2018

dmc