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ENFANTS DU MEKONG 2011-2013


Parrainage scolaire dans les Marches Thibétaines ou un lien de solidarité franco-suisse de plus de 100 ans !

Depuis Avril 2008, via Enfants du Mékong (Aide à l’enfance du Sud Est Asiatique depuis 1952 – www.enfantsdumekong.com) de généreux parrains soutiennent mensuellement la scolarité de 140 enfants sur les vallées de la Haute Saluen et du Haut Mékong.

Cette tradition de parrainage a pris racine dès les années 30, à l’exemple de Marie, soeur du Bienheureux Maurice Tornay, qui a soutenu le petit Simon. Ce dernier était alors élève au petit séminaire de Hoa-Lo-Pa. Le missionnaire valaisan, chanoine régulier du Grand-Saint-Bernard de 1910 à 1949, était son professeur. Il allait mourir tragiquement en 1949, assassiné par des “lamas” bouddhistes dans une embuscade au col du Choula.

Voici une lettre, datant de septembre 1939, écrite en caractère chinois avec une traduction française interlinéaire du petit Simon à sa marraine Marie’:
Très chère Marraine,
J’ai reçu avec une douce joie les objets que vous m’avez envoyés. Comme je suis content ! surtout le couteau. Hélas on se bat maintenant en Europe ! Les Allemands sont féroces. Moi je pense que c’est peut être la fin du monde. Il faut s’y préparer. Moi je n’ai que 12 ans. Vous quel âge avez-vous ? Je ne sais pas encore bien manier le pinceau. Je sais encore vous dire merci et merci. Portez vous bien. – Simon. »

En janvier 2012, lors du Nouvel An Chinois, nous avons ouvert un programme sur le Haut Mékong en voici un bref récit.
Aller sur le Mékong en hiver, un voyage épique :
Notre projet, avec Lihua notre responsable locale, était de quitter Shangri-La le jeudi 12 janvier. Du fait de fortes chutes de neige sur cette ville (dont le nom signifie – Paradis Humain “), nous avons attendu cinq jours que la route jusqu’à Deqin soit de nouveau praticable en bus. Il faut en effet passer un col à 4’500 m ! Finalement lundi 16 janvier, nous voilà aux aurores à la gare de bus de Shangri-La où l’ambiance est plutôt Rush Hour

En effet, nous sommes à une semaine du Nouvel An Chinois. Tout le monde rentre dans sa province, son village natal pour cette grande fête avant tout familiale. Elle s’apparente à nos fêtes de Noël en Occident. Durant cette période, tout se ralentit en Chine : les administrations ferment, tes multiples commerces baissent leurs stores.
Note 90 de la lettre 102 du 24/09/1939, Maurice Tornay – écrits valaisans & tibétains, Brepols 1993, p.140

Avant et après cette période festive, nous avons droit à un mouvement de population, le plus grand au monde, à travers toute la Chine… 1,3 milliard de Chinois en vacances <, et moi, et moi et moi… », pour reprendre l’air d’une chanson fameuse. Le bus doit partir à 9h30 mais vu le temps de chargement, chacun rapportant aux villages cadeaux et nourritures, le moteur ne se met en route qu’à 10h30. Nous faisons à peine cinq mètres dans la station de bus et nous calons. Premier arrêt ! Gasoil gelé ! Nous attendons quarante minutes que te chauffeur grâce à un petit feu sous le réservoir (tous les passagers sont restés sagement assis dans le bus 1) réchauffe l’or noir devenu pâteux ! A 11h30, le moteur vrombit de nouveau. Nous nous apprêtons à sortir de la ville mais un deuxième arrêt s’impose. Il faut changer un pneu avant crevé. Après une heure, nous sortons enfin de Shangri-La. Cinq kilomètres hors de la ville, le bus s’arrête une troisième fois. Les batteries sont à plats. Le temps de rechargement prend une bonne heure. A 14h, nous partons finalement.

En cours de route, nous apprenons que nous devons faire un détour par Weixi car le col à 4’500 m n’est ouvert qu’aux 4×4 avec chaines. Cela rallonge le voyage de bien dix bonnes heures. Nous roulons donc sereinement jusqu’à 20h où sur une petite route remontant le Mékong, l’arbre à transmission du bus lâche d’un coup. Quatrième arrêt ! Nous ne pouvons ni avancer, ni reculer. Nous voilà, toujours dans la joie et la bonne humeur tibétaine, à attendre dans la nuit et le froid un bus, venant de Deqin, nous récupérer. If lui faut quatre heures pour nous retrouver. A minuit nous apercevons ses phares dans la nuit noire. Le temps de transférer tout le barda de cadeaux et nourritures d’un toit du bus à l’autre, à 1h du matin nous quittons finalement notre chauffeur valeureux les mains dans le cambouis. A 4h, nous arrivons au pont de Tsezhong où nous descendons.

Tsekou le village natal de Lihua se trouve à côté. Nos sympathiques camarades d’épopée ont encore eux bien trois heures de route pour atteindre Deqin. Ils m’ont impressionné par leur patience. Certains, comme nous, ont été bloqué cinq jours à Shangri-La. C’est donc cinq jours en moins avec leurs familles. Comme Lihua, beaucoup ne rentrent dans leur village natal qu’une fois par an tors du Nouvel An Chinois. Mettre vingt-quatre, au lieu des sept, huit heures normalement prévues, ne semble pas les avoir dérangés. L’attente fut synonyme de partage de victuailles, de discussions et d’échange de cigarettes ! Personne ne s’énerva contre le chauffeur. IL est de toute façon cousin avec un tel et [‘ami d’ami d’une telle. Bienvenu sur le Mékong où l’ambiance familiale est garantie !


Un programme à l’image de la vallée du Mékong :

Le programme est à l’image des hommes et des femmes qui habitent cette splendide Vallée du Mékong, encastrée entre deux rideaux de montagne s’élevant entre 4’000 et 6’500 m d’altitude. En effet, la moitié des jeunes parrainés sont Thibétains bouddhistes

Ils vivent dans les villages d’Adong, aux alentours de Deqin, Hongpo et Yonzhi. Ces habitants sont souvent très religieux car cet ensemble de villages se trouve autour du Kawa Karpo. Ce sommet sacré pour les bouddhistes est un haut Lieu de pèlerinage. L’autre moitié est thibétain catholique. Ils vivent plus en aval sur le Mékong dans les villages de Tsezhong, Tsekou, Kaducka et Badong.

Toute cette zone profite du développement économique de la Chine et du boom touristique qui l’accompagne. Lihua m’a clairement dit que depuis deux, trois ans le niveau de vie général de la Vallée a progressé. Il y a dix- quinze ans, certaines familles et parents des filleuls ont connu la faim. Malgré cette évolution, la stabilité financière des foyers est fragile. La famille type est composée d’un couple de grands-parents, d’un couple et de leurs deux enfants, souvent un garçon et une fille. La politique de natalité chinoise autorise les couples des minorités ethniques à avoir deux enfants. Toutefois si ceux-ci n’en ont qu’un. Ils ont droit à des avantages. Si les grands-parents sont jeunes et peuvent encore travailler et si le couple se partage bien les tâches agricoles et ménagères, la famille s’en sort souvent correctement. Si en plus, le père est charpentier-menuisier, chauffeur de mini-van ou de camions, alors la base financière de la famille devient solide. Au contraire, si les grands-parents sont vieux et si les parents décèdent ou sont diminués physiquement (du fait d’un accident en montagne, d’un accident de voiture, d’un divorce, de maladies ou d’alcoolisme), alors les revenus de la famille sont maigres. Elles retombent dans la pauvreté. Elles atteignent très rarement la misère, comme j’ai pu le voir l’année dernière dans les bidonvilles de Manille. L’esprit familial de ces villages est emprunt d’une solidarité assez forte. La lèpre est encore présente le long du Mékong. Certains coins, difficiles d’accès, sont réservés aux lépreux.

Lors de notre visite de quinze jours, nous avons passé deux jours à voyager, six en visite et sept à Tsekou. Notre passage dans les villages en amont du Mékong fut assez rapide du fait de notre retard de cinq jours dû à la neige. De plus Lihua, notre responsable locale et traductrice Thibétain-Chinois-Anglais, n’étant pas revenu chez elle depuis janvier 2011, elle avait besoin de passer du temps avec sa famille. J’ai donc vécu une très belle et inoubliable semaine du Nouvel An chinois avec les familles des villages de Tsekou et de Kaducka. Leur communauté est géniale. Durant quatre jours, nous avons vécu une incroyable fête du village. Tout commence le premier jour par un défilé de véhicules, signe de réussite sociale fort. Tout le monde est loin d’en avoir un. Il se faisait avec les chevaux avant.

Reste des temps anciens, il y avait un cavalier cette année en tête de cortège, suivi par les motos, puis les voitures privées, les minivans, les 4×4, les petits camions au moteur de tracteur et pour finir les gros camions. Après trois heures de défilé entre Kaducka et Tsekou, qui se fait normalement en quinze minutes, le convoi se gare devant la petite église de Tsekou. Et alors offert une sorte d’apéritif bien garni aux villageois qui sont membres du gouvernement, à ceux qui travaillent hors du village, aux chauffeurs de camions et de mini¬van, aux personnes âgés et au – Laowai (l’étranger) votre Bambou ! Chacun se présente et verse quelques billets pour le déroulement des activités. Ensuite, les femmes vêtues de leurs splendides costumes traditionnelles aux couleurs chatoyantes entonnent des chants et se mettent à danser en cercle. Les hommes, eux aussi dans leurs tenus de fiers guerriers thibétains, se joignent à la ronde. Ces chants sous forme de répondant homme-femme, sont très beaux. A travers eux, ces paysans montagnards souvent taiseux expriment leurs sentiment : joie de se retrouver, bonheur de la famille mais aussi tristesse de telles ou telles situations ! Les trois jours suivant sont organisés une course à pied, un concours de tire à la corde, un tournoi de basket et des combats de coq. Chaque jour, une grande partie des familles du village viennent passer la journée au bord du terrain de basket où se déroulent les activités. On discute, on mange, on rigole, on boit, on chante et on fume tout en observant les compétitions.

Durant cette semaine festive, j’ai été invité tous les soirs à dîner par les familles des filleuls en l’honneur des parrainages. Au nom des parrains, j’ai donc dû beaucoup fumer, boire, manger, boire de nouveau, chanter et danser. Que ça soit les parents des filleuls, ses oncles, ses tantes ou ses grands-parents, ils sont tous très touchés par ce soutien venant d’Europe.

Certains ont connu les missionnaires français et suisses. Etant actuellement, en pleine lecture de l’excellent Monsieur Le Consul, de Lucien Bodard, je vais me permettre un petit parallèle. Ce livre décrit dans un style passionnant, la vie du consul de France et ses péripéties dans le Seuchouan des années vingt et trente. La Chine est alors divisée par les rivalités des Seigneurs de Guerre. L’Angleterre et la France en profitent pour piller allègrement les derniers restes de l’Empire des Célestes. La perfide Albion cherche de son côté à réaliser son rêve de relier Shanghai à New-Dehli via le Yang-Tsé et Lhassa, alors que les tricolores de la Troisième République cherchent à pousser l’influence indochinoise le plus à l’intérieur de l’Empire du Milieu via le Yunnan. On assiste donc à un florilège de batailles, d’intrigues, de morts, de débauches d’énergie et d’argent dans une logique purement financière, commerciale, en un mot coloniale. De tout cela, actuellement en Chine, il ne reste rien. Dans le même temps, vous avez ces missionnaires, venus s’installer auprès des populations locales gratuitement, sans intérêt. Ils ont fait l’effort d’apprendre le dialecte local et de comprendre leurs coutumes, leurs croyances et leur mode de vie. Certes tout n’a pas été – rose dans l’aventure missionnaire et aujourd’hui, il n’y a plus de missionnaires, mais de leurs passages ils restent deux éléments essentiels : la Foi car certains Tibétains se sont convertis et surtout
l’éducation. Les doyennes de Tsekou, plus de 80 ans, tenant le cap la clope au bec et ayant tous connus : les missionnaires, l’invasion du
Thibet, le maoïsme, la faim, etc…! –

En effet, ces hommes, aux longues barbes avec leur pipe aux coins des lèvres, ont éduqué toute une génération de jeunes dont les parents étaient illettrés. Ce don gratuit, absolu et radical, nos amis ne l’ont pas oublié. Avec certains vieux des villages de Tsezhong, Tsekou, Kaducka et Badong, nous avons bu un verre à la santé et en mémoire de ces hommes venus leur donner, sans rien demander en retour, éducation et soin. Dans un parallèle simpliste et dans une autre mesure, le don mensuel pour l’éducation d’un enfant de cette Vallée portera probablement les mêmes fruits.

Je suis convaincu que dans dix, trente et même cinquante ans, ces jeunes du Mékong devenus adultes trinqueront un verre à la santé de leurs parrains car ils leur auront donné la liberté de poursuivre leurs études et leurs rêves.
– Chers Parrains & chères Marraines
« Ta Chi Dé Lai ! » (= Santé ! en thibétain) –

Bruno – Volontaire Bambou – Yunnan Chine – 2011 – 2013

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