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HOSPICE DU LATSA – PREMIERS TRAVAUX

( Mission de Tatsienlu )
HOSPICE DU GRAND SAINT BERNARD

Enfin nous avons le plaisir de vous annoncer que l’autorisation de construire notre hospice a été accordée. Cette autorisation nous a été communiquée par le sous-préfet de Weisi, sur l’ordre du gouvernement Yunnanais, où diverses hautes influences s’étaient exercées en notre faveur.

Sans retard nous nous mettons à l’oeuvre. Il s’agit d’abord d’exécuter un dernier voyage préliminaire sur la passe de Latsa pour axer définitivement l’endroit précis où s’élèvera la construction et en dresser le plan exigé par les autorités Yunnanaises. Il faut aussi examiner les matériaux de construction et recruter les ouvriers : terrassiers, porteurs de pierres, maçons, car notre intention est de construire cette année un refuge solide qui servira d’abri aux ouvriers durant les travaux de l’hospice et qui plus tard servira à divers usages.

Dès le 8 juillet, Messieurs Melly, Coquoz et Chappelet quittaient la résidence de Siao Weisi, sur les bords du Mékong et se dirigeaient sur Latsa.

Lundi 8 juillet. La petite caravane se met en branle pour aller passer le Mékong à 5 heures au Nord de Siao Weisi. Le fleuve est trop gros en cette saison pour que nous puissions le traverser en barque : nous devons nous livrer à la gymnastique du pont de corde. Qu’on n’imagine pas un pont en bonne et due forme, ni même le plus misérable des ponts qu’on puisse rencontrer en Europe. Représentez-vous seulement un câble fait de lamelles de bambous tressées. Ce câble est attaché tant bien que mal sur chaque rive à un gros pieu fiché en terre et coincé entre de grosses pierres.

Le véhicule indispensable pour l’usage du pont est un simple morceau de bois creusé à la façon d’un demi-tube. Le mot thibétain pour le désigner est : wagong. Adoptons-le, puisqu’il est bien français et qu’il dépeint l’objet avec tant d’à-propos. Pour passer le fleuve, on pose donc le ” wagon ” sur son ” rail “. Une courroie passant sur la nuque, autour des reins et sous le séant vous tient: étroitement fixé au véhicule.

Maintenant joignez solidement les mains sur le wagon-glissière pour l’empêcher de dérailler, ce qui ferait casser le câble et vous précipiterait de haut dans les flots tumultueux ou sur les rochers des rives. Ça y est, vous êtes dûment ficelé et suspendu sous le câble de bambou, vous pouvez quitter le tremplin, mais attention…. encore un dernier avertissement : enfoncez énergiquement votre chapeau sur les oreilles et surtout écartez avec soin vos manches et votre barbe pour ne pas les laisser s’engager sous le wagon en marche, ce qui serait désastreux.

En général les berges très élevées et abruptes du Mékong permettent en beaucoup d’endroits l’installation de deux câbles, l’un pour l’aller, l’autre pour le retour, tous deux très inclinés, si bien que malgré la tension insuffisante du pont, l’on parcourt en une quinzaine de secondes les quelque 120 ou 150 mètres qui séparent les deux pieux. Il arrive que les berges n’étant pas assez escarpées, le câble n’ait plus assez de pente et malgré tout le beurre dont vous aurez graissé l’intérieur du wagon ou toute l’eau que vous aurez en cours de route versé sur le câble, l’élan ne sera pas assez fort pour vous transporter jusque sur la rive opposée: il faut alors se hisser à la force des poignets, et dans ce cas je ne vous dirai pas combien d’échardes de bambou vous auront endolori les mains.

En maints endroits, on n’a jeté qu’un câble pour aller et retour: imaginez dans ce cas à quel violent exercice il faut se livrer pour atteindre la rive.

Enfin, ne nous plaignons pas aujourd’hui, nous disposons d’un câble qui n’est pas de première qualité, mais qui est bon encore. Nous ne pouvons évidemment pas faire passer le fleuve à nos montures. Heureusement que sur la rive droite du Mékong, nous pouvons louer deux chevaux, l’un pour les bagages et l’autre que nous monterons tour à tour. Et nous gravissons à une allure réjouissante les premiers contreforts de la montagne, et entrons dans le vallon de Latsa. Au village lyssou de Kiatse, nous logeons, comme d’ordinaire, chez le chef, notre ami Diamba, qui se met à notre service ainsi que son fils pour porter notre bagage.

Mardi 9 juillet. La nuit n’a pas été bonne : des puces, des puces ! et des escadrons de rats en continuel exercice de course, poussant l’audace jusqu’à venir s’amuser sur nos visages.

Au départ, le chef Diamba souffrant d’un oeil…. et trouvant sans doute sa charge trop lourde, s’excuse et trouve un remplaçant. Nous le regrettons, parce que nous pouvions nous entretenir avec lui, grâce au thibétain qu’il parle couramment avec notre domestique Tolo. Nous nous débrouillerons de notre mieux avec nos Lyssous, à force de gestes et aussi grâce à Monsieur Chappelet qui connaît un peu leur langue. ” Au grand revers “, nom donné à un certain coude au milieu de la forêt, la pluie se met à tomber à verse. Ce n’est pas sans peine que nous décidons nos porteurs à continuer jusqu’au delà de la forêt, à l’endroit où Messieurs Coquoz et Chappelet et le frère Duc bivouaquèrent durant l’hiver de 1934. Nous dressons notre tente, tandis que Maître Tolo et les Lyssous montent un refuge avec des toiles cirées et des bambous.

Mercredi 10 juillet. Dans la matinée, nous montons à ” l’encoche” ou premier col ( 3.750 m. ), situé à une demi-heure du véritable col de Latsa, et qui fait communiquer par leur sommet deux ;vallées latérales du Mékong. C’est là, à une centaine de mètres du chemin, que nous construirons cette année un premier refuge. Ce matin donc, nous examinons de près l’emplacement du futur hospice, mais qu’il est difficile de circuler dans ces parages, tapissés de bambous et de rhododendrons !

Trempés jusqu’aux os, nous regagnons notre campement vers midi. Nous sommes surpris du nombre de voyageurs rencontrés sur ces hauteurs : beaucoup cependant ne passent pas le col, ce sont des Lyssous du versant Mékong quelque peu pressés par la famine et qui viennent cueillir un légume sauvage qui pousse en abondance sur les hauteurs de Latsa. En lyssou, cette plante s’appelle o’pié, mais nous, en attendant le verdict des sommités scientifiques, nous l’appelons vérâtre à cause de sa ressemblance avec le vérâtre de nos Alpes. Pour varier notre menu, nous demandons à Maître Tolo de nous préparer l’o’pié que nous avons trouvé excellent ; ce légume a le goût des épinards sauvages.

Après-midi, promenade jusqu’au col, pour examiner les pierres dont nous aurons besoin pour la construction. Nous constatons que l’endroit où on en trouve le plus est aux abords du premier col, donc à proximité de notre emplacement. Entre les deux cols, au dessous du chemin, nous trouvons le squelette d’un voyageur mort de fatigue, de froid ou de faim. Epars, nous voyons des haillons, deux écuelles, une longue pipe, une serpette, et nous nous étonnons qu’un voyageur n’ait pas encore osé s’approprier ces épaves ; ( ils ne sont pourtant pas très scrupuleux, les indigènes de notre voisinage). Pour nous distraire de cette macabre découverte, partout une flore magnifique enchante nos yeux.

Jeudi 11 juillet. Nous chargeons nos porteurs lyssous d’ouvrir à coups de sabre une trouée à travers les rhododendrons : c’est le premier tracé de la future ” avenue” de l’hospice. Le temps est meilleur, nous tirons quelques photos et dressons le croquis de l’emplacement pour les autorités chinoises qui le réclament.

Vendredi 12 juillet. Malgré la pluie, nous plions bagages pour redescendre à Kiatze. Nous entrons en pourparlers avec le chef Diamba en vue d’embaucher une vingtaine de manoeuvres. Diamba, craignant que notre construction ne soit imposée à ses administrés à titre de corvée, nous demande si nous agissons de concert avec les Chinois. Nous répondons que nous sommes autorisés par les autorités à construire, mais que c’est à notre compte et sur notre seule initiative que nous entreprenons cette oeuvre : ce qui rassure notre interlocuteur. Nous chargeons Diamba de préparer des bardeaux pour un abri provisoire, mais nous avons oublié que durant les mois de juillet et d’août, nulle part dans ces montagnes, les villageois n’osent couper un arbre : celà nuirait aux cultures des vallées et de la plaine !

Samedi 13 juillet. Quatre vigoureux barquiers acceptent de nous faire traverser le Mékong, ce qui nous dispense du rude exercice du pont de corde et sur la rive opposée nos montures nous attendent, ce qui n’est pas une mince satisfaction par la chaleur qui règne sur les bords du fleuve, en juillet.

Avant de rentrer à Weisi, Monsieur Melly engage quatre maçons pour la construction du refuge. Ce dernier sera entièrement construit en pierres plates, sans ciment ni chaux et comprendra 3 salles au rez-de-chaussée et un demi-étage pouvant servir de dortoir et de dépôt.


P. Coquoz