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INCENDIE DE LA MISSION DE TSEKOU

Quant aux Pères de Tsekou, au pays thibétain, ayant appris que les moines de la lamaserie de Hong-pou, ne voulant plus d’eux, allaient venir pour les tuer, ils se réfugièrent en divers lieux avec leurs chrétiens. Plusieurs, sans pouvoir se réunir en famille, se dispersèrent, chacun s’efforçant de retrouver les siens dans la forêt. Une femme portant son enfant sur le dos, rencontra le Père ancien lorsqu’elle arriva dans la forêt. Lorsqu’elle vit le Père, cette femme éclata en sanglots en pensant à toutes les souffrances qu’endurait le Père.

Quant au Père ancien, compatissant aux souffrances des chrétiens, il dit: «Ne vous désolez pas !» Puis, prenant parmi les affaires qu’il avait emportées une petite boîte, il en extraya une boucle d’oreille et la donna à la femme en disant : «Achetez quelque chose à manger pour cet enfant».

Ensuite le Père se rendit près de Lomélo, village lissou. Un chef (besset) lissou s’étant porté garant de bien cacher le Père et un chrétien du nom de Raymond qui l’accompagnait, il les conduisit dans une grotte. Ensuite, il courut auprès des soldats thibétains pour vendre le Père.

A ce moment, les deux hommes que le P. Génestier avait envoyés à la rencontre du Père ancien étant parvenus jusqu’à la grotte, dirent au Père : «Le Père du Ndia-yul (Salouen) nous a envoyés te chercher». Le Père ancien se nommait Dubernard. Il leur dit: «Ce n’est pas le moment de se rendre au Ndia-yul, le village (de Bahang) est rempli de soldats thibétains. Les Lissous m’ont vendu; ils savent que je me trouve ici».

A peine le Père avait-il parlé ainsi, que les soldats thibétains, tirant des coups de feu, montèrent vers la grotte. Les balles pleuvaient sous la voûte de la grotte. Alors le Père leur ayant dit: «Repentez-vous de vos péchés», leur donna l’absolution des péchés et les bénit. Puis, il leur dit: «Retournez-vous-en vite au Ndia-yul et allez informer le Père de la situation». Alors les deux hommes qui étaient venus du Ndia-yul se cachèrent parmi les buissons dans le voisinage de la grotte d’où ils observèrent ce que les moines allaient faire au Père.

Les moines étant parvenus jusqu’à la grotte, ils se saisirent du Père, le frappèrent et, lui ayant attaché les deux mains avec une lanière, ils l’emmenèrent. Alors Raymond ne s’enfuit pas loin du Père, mais il embrassa le Père de ses deux mains. Aussi la colère des moines s’enflamma et ils tuèrent Raymond sur place à coups de sabre.

Ensuite, ils arrachèrent ses vêtements au Père ainsi que ses bottes; ils emmenèrent le Père pieds nus. Puis ils donnèrent un boeuf au besset lissou comme salaire de sa délation.

Ils avaient l’intention de ramener le Père à Tsekou pour l’y tuer. Mais le Père ancien ne pouvait guère marcher; de plus, il était nu-pieds, il faisait très chaud et le sentier était rude. Que de souffrances n’aura-t-il pas endurées en chemin!

Quelles que fussent ses souffrances, le Père les supportait vaillamment et il pensait bien marcher jusqu’à la Mission (de Tsekou). Quant aux moines lamaïques, arrivés au bord du Mékong où se trouve une plage sablonneuse, ils attachèrent le Père à l’endroit le plus chaud de la plage, tandis qu’eux-mêmes se donnèrent du bon temps et burent le thé. Durant le dîner, se relayant les uns les autres, ils se moquaient du Père et lui arrachaient la barbe en lui demandant: «Où est ton Dieu?» Ils le méprisèrent et en firent leur jouet, l’attachant à un piquet par la mâchoire inférieure.

Alors qu’ils achevaient presque leur dîner, voici qu’arriva un homme descendant de Tsekou. Ayant entendu que l’homme annonçait aux moines que la Mission de Tsekou avait été incendiée, le Père ne voulut plus monter (jusqu’à Tsekou) et il dit aux moines: «Vous pouvez me tuer ici même; maintenant je ne monterai pas!»

Alors les moines décapitèrent le Père au sabre et, emportant la tête du Père, ils la fixèrent sur la porte de la lamaserie pour la faire voir à tout le monde. Par la suite, un chrétien ayant enlevé furtivement la tête, il la descendit et l’ensevelit avec le reste du corps, tout près de l’église incendiée de Tsekou.

Aujourd’hui encore, on peut voir les tombes des deux Pères tués par les moines de la lamaserie (de Hong-pou) et celles des deux chrétiens qui ont offert leur vie en même temps que les Pères. (L’autre Père tué au cours de la même expédition, mais dont Zacharie ne parle qu’incidemment, s’appelait Pierre-Marie Bourdonnec. Il  s’était séparé du Père Dubernard sur l’insistance de ce dernier; il fut rattrapé plus au sud et tué au village de Nakhatong. Note du traducteur.)

Le P. Génestier, du Ndia-yul, que les moines de la lamaserie du Peudjrong n’avaient pas réussi à tuer, était descendu à Yunnan-sen (Kunming) (pour porter plainte auprès du gouvernement provincial). Un an et un peu plus s’étant écoulé, il remonta accompagné de bon nombre de soldats chinois. La moitié des soldats chinois se dirigea sur Tsekou et l’autre moitié sur le Ndia-yul (Salouen). Ces derniers entamèrent un procès contre la lamaserie. Les hommes qui avaient tué les Pères, devaient compenser leurs vies et la lamaserie devait aussi compenser les affaires détruites ayant appartenu à la Mission.

Puis, ils durent s’engager par écrit à ne plus nuire à l’avenir et à ce que les Pères pourront construire des églises où bon leur semblera.

Plus tard, le P. Génestier construisit une nouvelle église à Bahang et une autre à Kionathong, à la frontière du Tsarong. Par la suite, bien qu’il n’y eût plus à Bahang de difficultés importantes, cependant les lamas et les moines païens, par haine des chrétiens, continuèrent sans arrêt de nuire à l’Eglise dans les régions thibétaines de Yerkalo et de Batang. Ainsi, plusieurs Pères furent saisis alors qu’ils étaient en route et tués par eux. Ces Pères offrirent généreusement leur vie à Dieu en faveur des chrétiens.

(Parmi ces Pères que Zacharie ne nomme pas, il faut signaler le P. Théodore Monbeig, tué près de Litang, au début de juin 1914; le P. Victor Nussabaum, tué près de Pamé, le 18 septembre 1940, et le P. Maurice Tornay, tué au col du Choula, le 11 août 1949. Note du traducteur.)

Les fourberies des communistes

Le Parti communiste chinois est passé maître en fourberies. Beaux parleurs, les communistes s’y entendent pour faire naître des troubles parmi le peuple et l’amener à se révolter contre son propre gouvernement. Le peuple ajoutant foi à leurs beaux discours, ils excitent le trouble en son sein et, lorsqu’ils ont réussi à renverser le gouvernement, le Parti communiste s’empare du pouvoir et alors ils ne se souviennent plus de leurs bonnes paroles antérieures.

C’est comme si un lion s’était d’abord revêtu d’une peau d’agneau et que, l’ayant rejetée et s’étant revêtu d’une peau de lion, il apporte toutes sortes d’ennuis aux gens et,
par contrainte, les prive de tout pouvoir et les réduit à l’esclavage, au point que sous leur domination le peuple n’a plus le moindre moyen de se relever.

Dans les régions thibétaines, il y eut quelques personnes qui prêtèrent l’oreille aux leçons du Parti communiste chinois, trompèrent le peuple et lui enseignèrent en grand secret comment se révolter contre son propre gouvernement. Il s’ensuivit de grands troubles, à deux reprises.

Ensuite, dans le coeur même de la Chine, les communistes se dressèrent contre le gouvernement. Tandis qu’ils se battaient contre le Kuomintang (nationalistes) dans notre pays, les disciples des communistes prenant la tête, les gens se révoltèrent contre le gouvernement. Dans trois régions, le Ndia-yul (Salouen), le pays thibétain (Haut et Bas-Mékong) et le Gueldang, il y eut des troubles. Les Thibétains se comportèrent en vrais brigands, brûlant les maisons des gens, pillant affaires et bestiaux. En outre, ils violaient les femmes, en sorte que les gens n’osaient plus rester chez eux et se réfugiaient dans les forêts.

Vers le Bas-Mékong, les gens pillèrent les affaires des Missions et pendant deux ans ceux qui poussèrent les gens à s’entretuer furent tous des disciples du Parti communiste. C’est certain que ce sont ces gens-là qui excitèrent les troubles.

Dans notre région (la Salouen) celui qui suivit les enseignements des communistes fut Ho Koui-fang. Le Kuomintang l’avait envoyé étudier à Yunnansen (Kunming). Durant le jour, il étudiait les livres des nationalistes et la nuit, en cachette, il étudiait les livres des communistes. Ensuite, le gouvernement nationaliste l’ayant appris, il voulut l’arrêter, mais il n’y parvint pas: il s’était enfui chez lui. Les Pères de notre région l’ayant aidé, il ne perdit pas la vie et s’en tira. Par la suite, ce fut lui qui prit la tête des troubles dans le Ndia-yul. Non seulement il n’a pas fait preuve de reconnaissance à l’égard des Pères, mais ce fut lui qui nuisit le plus à l’Eglise.

En tout premier lieu, lorsque les communistes se furent fortifiés au coeur même de la Chine, il trompa les tribus des Lissou en leur disant: «Vous n’êtes pas les esclaves du Kuomintang, qui écrase le peuple et lui ôte son indépendance. Maintenant, au pays de Chine, le Parti communiste ayant pris le pouvoir et anéanti le Parti nationaliste, le peuple est souverain; chaque tribu peut se constituer ses propres chefs et le moment de se donner du bon temps est arrivé».

Les Lissous ajoutèrent foi à ses dires et ils se révoltèrent contre le gouvernement. Ainsi, le peuple se trouva divisé en deux factions qui se firent mutuellement la guerre. La faction progouvernementale n’ayant pas été soutenue en armes ni en vivres, se trouva, au bout d’environ deux ans, incapable de poursuivre la lutte. Les communistes, au contraire, ravitaillés en armes et en argent par Likiang, l’emportèrent. De nombreux jeunes gens de chez nous, rassemblés à leur ordre, furent pris et tués.

Bahang – Zacharie    (Traduction de Mgr A. Lovey). (A suivre.)

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