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  • Bienheureux Maurice Tornay

    Bienheureux Maurice Tornay

  • Arc en ciel sur Bahang

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  • CHEMIN MENANT A BAHANG AVEC MORSE ET SAVIOZ

    CHEMIN MENANT A BAHANG AVEC MORSE ET SAVIOZ

  • EGLISE DE BAHANG

    EGLISE DE BAHANG

JOSEPH XIUNG fils de ZACHARIE (1935-2016)

Au village natal, il passe une jeunesse heureuse. Durant l’hiver, à l’école paroissiale où son père enseigne, il apprend à lire et à écrire en tibétain ainsi que les mathématiques élémentaires. Il reçoit également une bonne formation religieuse. Comme tous les jeunes de son âge, en été et durant la plupart de ses temps libres il s’adonne aux divers travaux domestiques et prend soin des animaux d’élevage: chèvres, moutons, vaches, mulets, yacks… Très tôt, il devient un bon connaisseur des mulets et des chevaux.

ANDREAS-JOSE-ANGELIN-MESSI ET ZACHARIE à FORMOSE

En 1951, l’arrivée des troupes communistes chinoises ébranle l’harmonie locale. Zacharie est obligé d’accepter la charge de délégué du peuple auprès du gouvernement local. Il doit souvent quitter sa famille et effectuer plusieurs journées de marche afin de participer à des réunions de formation populaire. En 1952, tous les missionnaires étrangers sont expulsés.

A vingt ans, Joseph épouse une jeune fille du village. Un an plus tard, il fête la naissance de Simon, son fils aîné. Pour subvenir aux besoins de sa famille, Joseph devient muletier. Il voyage surtout dans la vallée du Mékong, transportant des charges destinées aux autorités et soldats communistes.

Peu à peu, l’étau se resserre autour de Zacharie qui est envoyé travailler en montagne. Ses collaborateurs et ses amis sont arrêtés les uns après les autres et envoyés en rééducation. Après de longues réflexions, Zacharie estime que, pour sauver sa vie, il doit quitter son pays avec la perspective de revenir chez lui une fois l’orage passé.

En douce, il organise son départ. Joseph, son fils aîné et quatre autres jeunes l’accompagnent. Durant la nuit du 30 mars 1958, ils prennent la fuite, emportant avec eux des armes et des munitions qu’ils avaient cachées en montagne. Ils s’en vont rejoindre les révoltés du Thibet.

Nous sommes bien renseignés sur leurs pérégrinations, car en 1960, à Rangoon en Birmanie, tandis qu’il attendait son visa pour Taiwan, Zacharie a écrit son journal de voyage. Les aléas de la guerre le séparèrent de son fils Joseph qui parvint finalement à se réfugier en Inde.

A ma demande, vers l’an 2000, Joseph a également rédigé le récit de ses pérégrinations. Il parle en détail de la fuite à travers le Thibet et des peines qu’il supporta. Par l’intercession de la Vierge Marie, il a même été miraculeusement guéri des fièvres récurrentes. Voici sa narration:

Arc-en-ciel sur les hauts du Mékong

«Il pleut durant toute la nuit, mais nous n’osons pas allumer un feu, car nous avons peur d’être découverts. Mes compagnons sont assis sous un grand arbre, les uns près des autres, et récitent des prières bouddhistes. Je m’éloigne de quelques pas. Je m’agenouille sous un grand arbre et commence à prier. Je dis à la Vierge Marie: Sainte Mère, je vous remercie.

En cours de route, de nombreuses fois, vous m’avez aidé à traverser des situations très périlleuses. Vous m’avez protégé et vous m’avez conduit sain et sauf jusqu’ici. Apparemment, demain sera la journée la plus dangereuse. Si ma destinée ne me permet pas d’échapper à ces dangers, je vous demande d’intercéder pour moi auprès du Seigneur afin qu’il me pardonne tous les péchés que j’ai commis et je vous supplie de déposer mon âme dans la main de Dieu. Mais, si demain j’évite la mort, je vous en prie, enlevez-moi la maladie qui s’est attachée à mon corps. Je vous promets de réciter chaque jour, ma vie durant, un chapelet.»

«Au lever du jour, nous n’osons pas allumer un feu et préparer notre nourriture. Le ventre vide, nous nous mettons en route. Ce jour-là, le miracle se produisit dans mon corps. Comme je l’avais demandé à Marie, à partir de ce moment-là, je suis parfaitement guéri. C’est comme si quelqu’un, à l’aide d’un couteau, avait extirpé ma mala¬die. Jusqu’à présent, je n’ai jamais ressenti la moindre séquelle et je demeure fidèle à ma promesse.»

A la fin mars 1959, après avoir accueilli le dalaï-lama, l’Inde ouvre ses frontières aux réfugiés tibétains. En septembre 1959, Joseph arrive en Inde et y demande asile. Quelques jours plus tard, il est transféré dans un camp de réfugié à Missamali, dans la province d’Assam. En mars 1960, Messie arrive à son tour au camp de Missamali. Quelques temps plus tard, un réfugié leur dit que des Pères suisses résident à Kalimpong. Peut- être ont-ils des nouvelles de Zacharie et des autres catholiques qui ont quitt le Thibet?

A leur demande, les responsable du camp leur permettent d’aller rendre visite aux Pères suisses. A Kalimpong (SIKKIM) ils rencontrent Mgr A. Gianorra qu leur dit que Mgr A. Lovey lui a rendus visite et lui a spécialement recommandé de prendre en charge d’éventuels réfugiés catholiques thibétains. Par sor intermédiaire, ils font parvenir une lettre à Mgr Lovey.

En retour, Mgr Lovey leur communique l’adresse de Zacharie et des chanoines qui sont à Taiwan. Heureux d’avoir des nouvelles de son fils, Zacharie fait des démarches afin qu’ils puissent venir à Taiwan. Ainsi, au début juillet 1961, Joseph rencontre Zacharie à Taiwan. Comme son père, Joseph est incorporé dans l’armée, dans le service des renseignements chargé d’épier les nouvelles venant du Thibet.

En 1987, après que la Chine ait permis aux exilés chinois de revoir leur pays, Joseph quitte l’armée. Après un essai infructueux en passant par le Népal, Joseph réussi enfin à revoir sa terre natale, en passant par Pékin. L’année suivante, il permet à Zacharie de réaliser son plus grand souhait: fouler à nouveau sa terre natale.

Cédant à l’invitation pressante de sa famille et des catholiques du Haut- Salouen, Zacharie reste à Kongshan et y accomplit une très belle oeuvre d’évangélisation. A Taiwan, il a vécu le renouvellement post-conciliaire de Vatican II et il le met en pratique chez lui. Joseph garde son domicile à Taiwan où il touche une rente mensuelle en tant que soldat retraité. Il nous permet d’avoir des nouvelles très précises concernant les catholiques vivant dans notre ancienne mission. Par son intermédiaire, nous pouvons les soutenir moralement et même matériellement. Nous participons ainsi activement et efficacement à la reconstruction de nombreuses églises du Haut-Salouen.

Durant ses nombreux séjours dans la province de Kongshan, il passe la plupart de son temps auprès de son troupeau dans les alpages et les mayens. Là, loin des regards des policiers, il peut conseiller en toute liberté les nombreux chrétiens qu’il ren. Chaque soir, en fin de veillée, la prière du soir en commun permet aux participants de déposer dans les mains de notre Père des Cieux la journée accomplie et ce que chacun vivra demain. En début de semaine, aucun intrus ne vient troubler la prière dominicale.

SAVIOZ LE VIEUX BOUC ET DELEZE LE NENDARD

En ce qui me concerne, Joseph et son père Zacharie m’ont beaucoup apporté. Les années vécues avec Zacharie à Xincheng m’ont fait entrevoir la mission telle que l’avaient connue nos confrères dans les marches thibétaines et à l’aimer. Joseph m’a introduit auprès des communautés catholiques. Non seulement j’ai visité la plupart des endroits où avaient travaillé nos anciens confrères missionnaires, mais j’ai pu fraterniser avec les catholiques qui y vivent actuellement: leurs joies et leurs peines, leurs labeurs et leurs préoccupations, leurs action de grâce et leurs prières… sont entrée dans mon quotidien.

Comme son père Zacharie, Joseph terminé son parcours terrestre en beauté. Après avoir participé à la messe célébrée par son neveu Hansi, il alla passer la nuit à son mayen de Tan. dalong avec les siens, auprès de son troupeau. Comme de coutume, ils récitèrent ensemble la prière du soir puis chacun alla se reposer. Durant cette agréable nuit du début juillet 2016, la lune et les étoiles caressaieni les arrêtes des montagnes, le firmament étoilé ouvrait ses portes sur l’infini, Joseph s’en alla paisiblement remettre son existence dans les mains miséricordieuses du Père. Le matin on ne trouva que son épave.

Gabriel Délèze c.r.

dmc en la fête de la Saint Martin de Chamoille (sur Sembrancher)