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LES MISSIONS THIBETAINES

Le mystérieux Thibet, l’inaccessible Thibet, le toit du monde ! Un pays grand comme trois fois la France ; une race intéressante : quatre millions de montagnards enlisés dans les superstitions du lamaïsme ! Comment le monde catholique pourrait-il se désintéresser du Thibet ?

Les Deux Thibets

Il y a deux Thibets ( et même trois, puisque le Ladak est aussi appelé Petit-Thibet ), le Sitsang ASK ou Thibet indépendant ( autonome seulement, disent les Chinois), capitale Lhassa, et le Thibet chinois, ou Sikang , capitale Kangting, nom officiel de Tatsienlu.

Thibet indépendant.

C’est le plus haut et le plus vaste plateau du monde : 4.000 à 5.000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il a 1.200.000 kilomètres carrés et, d’après les statistiques, 3.700.000 habitants, dont 400.000 lamas voués au célibat. C’est toujours ” la terre interdite “.

Dans cet immense pays y a-t-il une seule chrétienté ? Oui, à l’extrémité orientale, aux frontières mêmes de la Chine, sur le Haut-Mékong, aussi loin que possible de Lhassa. Ou plutôt, il y avait une chrétienté : Yerkalo ; en chinois : Yentsing. Elle a été détruite en janvier 1946 par les fanatiques lamas. Dans tout le Thibet il n’y a donc plus une seule chrétienté, pas un seul prêtre.

Sans doute la juridiction de l’évêque de Kangting, naguère vicaire apostolique de Tatsienlu, s’étend à tout le Thibet indépendant ; mais sa juridiction est purement nominale, et la prière, seule, peut aujourd’hui traverser la frontière où veille obstinément l’hostilité des lamas.

Thibet chinois ou Marches thibétaines du Setchouan ( Tchouan Pien ) et du Yunnan ( Tien Pien )

Il s’étend sur 80.000 kilomètres carrés et compte une population de 800.000 à 1.000.000 d’habitants, Thibétains en grande majorité. Les Marches thibétaines du Setchouan font partie de la province du Sikang, érigée le ler janvier 1939, avec une vingtaine de sous-préfectures. Trois rivières ou fleuves, séparés par de hautes montagnes, coupent cette région du nord au sud . . . 

Par le traité de Kangto , en 1932, le Yangtse, ou Fleuve Bleu, est devenu, du 29° au 33° de latitude, la frontière entre la nouvelle province du Sikang et le Thibet indépendant ; ce que les géographes ignorent ou oublient !

Pour compenser ses pertes à l’Ouest, la Chine a réuni les treize sous-préfectures de l’ancien Kientchang Tao, ou intendance du Kientchang, à la province du Sikang, qui de la sorte compte environ 2.500.000 habitants.

On accède au Thibet chinois, soit par la vallée du Fleuve Bleu, soit par le Yunnan et le Kientchang. Par l’une et l’autre voie le voyage est long et pénible. Si vous empruntez la vallée du Fleuve Bleu, il ne faut pas moins de dix à quinze jours de Shanghai à Chungking, énorme cité d’un million d’habitants qui, durant huit ans, fut la capitale provisoire de la Chine et la suprême citadelle du ” vouloir-vivre ” national.

De Chungking, en auto, vous gagnez Chengtu, l’antique capitale du Setchouan, ( 400 km. ) et Yagan ( 150 km. ) au pied des montagnes. En chaise à porteurs ou à cheval, par des pistes de montagne, vous arrivez à Kangting en six ou huit jours, suivant que vous prenez la route de Tien¬tsuen ou celle de Yuingking-Hanguen.

Quand la voie ferrée réunissait l’Indochine au Yunnan, le jeune missionnaire, destiné aux Marches thibétaines, pouvait avantageusement l’emprunter. De Kunming ( ancien Yunnanfu ) il se joignait à une caravane et, en quelque trente étapes, par le Kientchang, gagnait Tatsienlu.

Race et Religion

Les Thibétains, avec leur haute taille, leur puissante carrure, leur visage basané, leur démarche lourde, se distinguent facilement des Chinois, au teint plus clair, à la charpente plus frêle. Ils ne sont point sémitiques, mais indo-européens. L’histoire thibétaine et la chronique mongole s’accordent à faire venir le peuple thibétain de l’Inde.

Les Annales chinoises, au contraire, les rangent parmi les San Miao que l’empereur Chouen , trois millénaires avant l’ère chrétienne, relégua dans le Thibet oriental actuel. Les ethnologues européens placent le berceau de la race thibétaine sur les steppes du Koukounor, aux confins de la Chine et de la Mongolie.   Grenard met tout le monde d’accord, lorsqu’il conclut : ” Quel qu’ait été le mélange ethnique, il date ” d’une époque où notre science ne peut remonter et, depuis ” longtemps, les éléments se sont fondus pour constituer un ” peuple d’une surprenante unité. “

La race s’est, semble-t-il, améliorée par sélection naturelle ; seuls, les enfants robustes et bien venus peuvent résister à l’âpreté du climat et à la rudesse de la vie. Une autre raison pour laquelle la population n’augmente que très lentement est que chaque famille veille à conserver indivise la propriété ancestrale. Quant aux métis chinois-tibétains, ils sont, dès la première génération, plus tibétains que chinois.

Au Thibet chinois, comme au Thibet indépendant, la religion est ce mélange de fétichisme, d’animisme et de bouddhisme dégénéré que nous appelons lamaïsme ou religion des lamas. Du Thibet, ce lamaïsme s’est répandu dans les pays voisins : le Sikkim, le Bouthan, le Ladak, la Mongolie et jusqu’en Mandchourie et à Péking même.

Les Missions catholiques au Thibet

Au XVIIe et XVIIIe siècles, les Jésuites et les Capucins évangélisèrent le Thibet et vécurent même à Lhassa. Sur le Haut-Sutlej, le Père de Andrade et ses compagnons virent d’abord leurs efforts couronnés de succès, grâce à la protection royale, jusqu’au jour où la révolution qui renversa le trône détruisit en même temps rceuvre missionnaire (1630). Deux nouvelles tentatives, en 1635 et 1640, échouèrent, et les missionnaires se replièrent sur les Indes.

Deux autres missionnaires, Jésuites portugais, résidèrent au Tibet méridional, à Chigatsé, de 1626 à 1632. L’un d’eux, le Père Cacella, mourut à la tâche, et son compagnon quitta le pays.

En 1661, deux missionnaires jésuites de l’observatoire de Péking, les Pères Gruber et d’Orville, rentrant en Europe, traversèrent le Thibet pour éviter de tomber aux mains des Hollandais qui pirataient dans les mers de Chine. Ils ne restèrent qu’une quarantaine de jours dans la capitale thibétaine où ils purent à loisir admirer les récents travaux du Potala.

Dans les premières années du XVIIIe siècle, la Congrégation de la Propagande chargea les Capucins italiens de reprendre l’évangélisation du Tibet et autorisa les Jésuites à exercer leur zèle là où leurs aînés avaient semé la Bonne Semence. Les Pères Capucins purent se maintenir une trentaine d’années au centre même du lamaïsme lhassa, et le Père Desideri, S. J., de 1716 à 1721 admis dans une lamaserie, réunit de nombreux documents qui n’ont été publiés qu’assez récemment.
Cent ans plus tard, les Pères Huc et Gabet, Lazaristes, entrèrent dans la capitale du Tibet d’où ils furent expulsés après deux mois de séjour.

L’année même où les deux Lazaristes faisaient leur inoubliable voyage, la Congrégation de la Propagande confia l’évangélisation du Thibet à la Société des Missions-Étrangères de Paris ( 27 mars 1846 ). Dès l’année suivante, le Père Renou arriva à Chamdo, en plein Thibet. Reconnu par les officiers chinois de la place, il est expulsé à son tour et ramené à Canton.

A la nouvelle de cet échec, le Séminaire de la rue du Bac dirigea quelques-uns de ses sujets sur les Indes avec mission de rechercher une voie de pénétration au Thibet. De 1850 à 1857, les pionniers de l’Évangile parcourent le Haut-Assam, s’avancent au Bouthan, chez les Abors, et deux d’entre eux, les Pères Krich et Bourry, sont tués en pays Michemi.

Cependant le Père Renou avait repris le chemin du Thibet et s’était fait admettre dans la lamaserie de Tundjroling où le Bouddha-vivant en personne lui donna des leçons de langue. L’année suivante, 1854, il fixa sa tente dans le vallon abandonné de Bonga, au Tsarong thibétain. D’autres ouvriers vinrent rejoindre le solitaire de Bonga, s’établirent à Kiangkha et Kionatong, tentèrent même de s’avancer sur Lhassa.

En 1864- 1865, la persécution éclate et oblige le groupe missionnaire à repasser la frontière de Chine. Le fondateur de la Mission, mort en 1863 au village de Kiangkha à l’âge de cinquante et un ans, continue d’affirmer, jusqu’au delà de la mort, les droits du Tibet à l’évangélisation.

Les missionnaires du Thibet ont célébré, en 1946, le centenaire de l’érection de la Mission. Ils sont actuellement une trentaine de prêtres (15 M.-E.P., 6 Chinois, 3 Franciscains italiens et 7 chanoines réguliers du Grand-Saint-Bernard ). Jusqu’à l’érection de la préfecture apostolique du Sikkim, en 1929, la Mission du Thibet formait trois groupes, très éloignés l’un de l’autre.

Actuellement le diocèse de Kangting en compte encore deux : les postes frontières et la région de Kangting. Hélas ! pour une population de près d’un million, il n’y a que 5.000 catholiques, tibétains, chinois ou métis. L’évêque actuel est Monseigneur Valentin, des M.-E., qui, au mois d’août 1936, a succédé à Monseigneur Giraudeau. Dans sa cathédrale de Kangting, comme dans les douze districts de la région, les Chinois sont en majorité ; mais à côté d’eux des Thibétains fraternisent dans la grande union catholique.

Francis Goré  MEP   dernier curé mep de Tsechung avec comme vicaire Angelin Lovey crsb

dmc