RAPPORT 20 AVRIL 1935 (CHAPPELET ROBERT)
A mes Amis.
Ainsi qu’annoncé, voilà donc un petit récit de voyage et un aperçu des moeurs et coutumes des indigènes de la Haute Salouenne.
Vous allez vous dire :”Voilà qu’il se fait écrivain I… Mais pas du tout. Toutes vos bonnes lettres qui m’apportent, dans ce lointain Yunnan, de si précieux encouragements, avec les nouvelles de notre beau Valais, me témoignent l’intérêt que vous portez à notre nouvelle vie.
Bien que nos faits et gestes soient, pour la plupart, dénués d’intérêt, et nos occupations journalières réglées par un train-train de vie très peu compliqué, il arrive forcément qu’au cours de nos voyages, nous rencontrons des indigènes intéressants et peu connus en Suisse. Les incidents pittoresques ne manquent pas non plus, et un écrivain pourrait raconter cela d’une façon assez intéressante. Je n’ai pas cette prétention, et si j’entreprends ce petit récit, c’est uniquement pour témoigner à nos amis ma gratitude de l’intérêt qu’ils nous ont si souvent manifesté.
Je ne veux pas du tout taquiner la Muse, n’ayant, du reste, aucune aptitude pour cela, et si mon récit devient banal, je demande d’avance votre indulgence. Rendre par écrit les impressions reçues, les moments vécus, les tableaux admirés, les souvenirs gravés pour toujours dans la mémoire, est bien difficile pour un dilletant. Il me déplaît également de devoir parler bien souvent à la première personne, mais puisque j’étais seul, je ne trouve pas, d’autre forme de narration. Vous pouvez cependant appliquer presque tout à nos Chers Chanoines, Qui ont fait ce voyage, et vécu des incidents de route bien souvent semblables. Ces incidents seront bien des fois banals et si je las relate, c’est pour que vous puissiez vivre avec moi la vie Yunnanaise. Vous voyez jusqu’où la prétention m’emporte. . . . . .
Donc, le 27 Juillet 1934, le Père Coquoz et moi rentrons à notre résidence de Weisi après 12 jours de voyage de cartographie. Si vous aviez pu voir la petite caravane, vous n’auriez pas joui d’un beau spectacle.
Les habits dos hommes et le poil des bêtes portent les marques des fondrières; les boys traînent la patte, le visage de Gainlin “le goitre” est aussi terreux que ses habits, et mon pauvre filleul Lien-sou chemine la tête basse. Nous venons de laisser des kilos sur la piste (6 pour mon compte) mais aussi quelle idée de voyager pondant la saison des pluies !… Enfin, nous avons payé l’expérience et nous ne recommencerons pas de sitôt. L’arrivée à la maison arrange tout et une fois assis à la table du réfectoire, devant une bonne tasse de café, on oublie tout. Oubliées, les fondrières de la vallée de Kagong, oublié l’orage sur la montagne de TA-OUI-TCHEOU, oubliés le guide perdu sur le plateau de GETE, les moustiques et les puces la chaleur dans le Fleuve Bleu, le bain de notre chien dans la seule petite flaque d’eau potable à TSEDJRONG, la traversée de la rivière du LACKUIN dans le courant jusqu’à la poitrine.
Tout çà est oublié et on jouit d’avance à l’idée de la paillasse Qui nous attend dans nos chambres. C’est à ce moment que Monsieur Melly me demande : “Voulez-vous partir lundi pour la. Salouenne ?” En esprit, je tâte mes jambes, mais le vagabond, en moi, domine et je réponds : “Avec plaisir”. Il parait que le Père André, me demande pour réaliser le ponton projeté depuis l’an dernier. Le Père André, que plusieurs parmi vous auront vu avant l’arrivée de ces lignes, est d’un poids qui rend le passage d’une corde de bambou plutôt dangereux et les troncs d’arbres creusés qui servent de barques. dans ces pays sont mis hors de service dès que les eaux montent. Il arrive des accidents chaque année et le remède semblait être de construire une barque de dimensions assez grandes pour la rendre stable, tout en permettant un maniement facile. Je m’étais engagé à essayer d’en construire une et c’était pour remplire cette promesse qu’avant son départ pour l’Europe, le Père André me réclamait. Je me repose donc durant deux jours, tout en préparant le départ pour le troisième.
Pour partir en voyage, par ici, il ne faut pas grand’chose : tout d’abord une marmite et un bol; du riz, du thé, du sel, de la viande et du pain. Tout cela n’est pas bien lourd, mais pour cette fois j’avais encore à transporter notre vierge chinoise, qui, par contre, n’est pas mal lourde, notre catéchiste, une fillette chrétienne de Siao-Weisi et une charge de jambon et de fil. Et que trois bêtes pour tout ça ! La crise des transports en plein… Lundi matin, je n’étais pas sorti des murs de la ville qu’il fallait déjà renvoyer une partie des vivres de route pour soulager un mulet. A une heure de Weisi, la vierge A-CHUEN-TCHEN que la nature a bien dotée en fait de corpulence, tirait la jambe cent mètres derrière la caravane avec la fillette.
Pauvre petit cheval blanc , tu te rappelleras de ce voyage; un gros ballot de couvertures et vêtements sur le dos, plus Mlle. A-CHUEN-TCHEN… Je soupire en descendant de mon gros “TIOUINNO” mais il faut soulager le mulet de charge et nous mettons les sacs contenant les vivres en travers dc ma selle et IU-SIOU, la filletto, par-dcssus. Au début, je crains de la voir dégringoler, mais bien que “TIOUNNO” ne soit pas commode par moment, la gamine tient bon, tandis que mélancoliquement j’imite St. Joseph accompagnant la Vierge et l’Enfant.
A quatre heures de Weisi environ, un éboulis formant barrage dans la rivière, a transformé quelques rizières en un petit lac et c’est là que nous nous arrêtons pour dîner. Chacun desselle une bête et bientôt l’eau pour le thé chauffe sur un feu de broussailles. Le “MAJOR”, c’est ainsi que nous appelons notre latiniste, est de mauvaise humeur parce qu’il n’a pas de cheval. Il veut continuer sans dîner, prétextant le manque d’appetit; mais c’est surtout pour éviter la corvée du déchargement. Pauvre Major ! il fait chaud dans la vallée de Weisi, en été, et pas bon aller à pied, mais j’en suis au même point. Je le secoue donc un peu brusquement, ce qui le calme aussitôt et lui redonne même de l’appétit. Le pauvre n’était pas habitué à m’entendre parler sur ce ton-là.
Vers une heure on repart, pour passer d’abord dans le village de MOSSO-D’OCHE, et arriver à KA-KA-TANG, l’étape pour les voyageurs venant en sens inverse. Cela n’empêche pas mes compagnons de sentir subitemant une envie violente de rester là ce soir, mais je reste infléchissable et nous continuons en direction d’ALANDO, l’étape.
La vallée de la rivière de Weisi est en “V”, à peu près tout le long à partir de WEISI, tandis que plus haut elle s’élargit et offre de beaux plateaux à l’agriculture. Aussi, la piste que nous suivons, qui, pourtant, est ici route internationale, longe tantôt le bord de l’eau pour grimper subitement à mi-côte et redescendre ensuite au fond de la vallée. Il reste cependant des endroits assez larges pour permettre d’établir des rizières en étages et des champs de mals. C’est un tel endroit qu’heureusement choisit notre “Tante” (traduction du nom chinois des vierges indignes) pour nous donner une petite démonstration. Son cheval,ayant buté un petit peu, elle se met à tanguer sur la selle, tombe de cheval et s’en va rouler au fond d’un petit talus.
Imaginez ma stupeur de voir notre “Tante” si bonne et serviable malgré sa langue un peu trop déliée, transformée en avalanche 1… Mais je pus vite constater l’avantage qu’il y a d’être tout tond plutôt que d’être long et sec. “Pierre qui roule n’amasse pas Mousse.” et Mlle A-CHUEN-TCHEU n’amasse pas d’écorchures pour la mine raison; et si elle était essoufflée en arrivant sur la route, c’était moins la montée qui en était cause, que le flux d’imprécations les plus variées qu’elle adressait à sa monture. Ah ! ces Chinoises !… La commère la plus forte en fait d’embouchure d’Europe, ne pourrait pas’ lutter avec une Chinoise qui bégaye. Pauvre “Tante” ce qu’elle en a entendu le reste du voyage ! Chaque fois que nous passions dans un paturage la voix goguenarde du “goitre” se faisait entendre. : “Tante, ici il fait bon tomber du cheval; vois donc ce beau gazon, profite pour tomber ici.” Sur quoi la pauvre “Tante” sautait en l’air sur son cheval comme si elle avait voulu suivre le conseil.
Nous arrivons quand même à ALANDO pour être reçus comme des chiens dans un jeu de quilles par le patron de la maison où je loge d’habitude, Des voyageurs lui ont volé du blé, alors, le voila furieux contre tous les voyageurs. Il faut que je prenne encore ma grosse voix pour lui demander ce que je lui avais volé la dernière fois, cc qui le calme de suite et nous pouvons nous installer pour la nuit, les Dames au galetas, les Messieurs dans une cabane où on ne logerait pas les cochons chez nous, en Suisse.
Le phénomène aussi curieux que désagréable que l’on trouve à ALAU¬ LO, c’est, après le patron, le coq de la maison. Cette sale bête commence à pousser dès deux heures du matin des cris lugubres, qui ne ressemblent en rien aux joyeux cocoricos de la campagne valaisanne. En fait des relations de ce coq avec les Pères, on peut mentionner que la moitié de sa queue qui pendait dans le temps, à l’intérieur de notre logis, a été arrachée par le Père Bonnemin; que le Père Melly, après avoir arraché ce qui en restait, aurait tué l’oiseau sans l’intervention du patron; que Frère Duc… mais non, j’ai honte de continuer, car j’ariverais à moi-même…. Voilà une bestiole qui met les gens les plus posés hors d’eux-mêmes et je dois le re-constater cette nuit du 31 Juillet quand il commence, à partir d’une heure, un hullument, (je ne trouve pas d’autre terme). Pour comble de malheur, la pluie tambourine sur les bardeaux, pénètre même à l’intérieur, où nous trouvons tous réunis autour du riz matinal à nous demander si ça se calme, en effet, mais, retardés d’une heure, nous n’arriverons pas pour dîner chez le Père Bonnemin. Tant pis ! Le soleil reparaît bientôt et comme il n’a que de route, tout le monde est content. Une heure après avoir quitté ALANDO, nous passons en vue de TSAMPOUTI, village perché sur le flanc de la montagne, et dans une demi-heure après, nous sommes aux eaux chaudes.
L’eau chaude est à cette époque couverte par les eaux gonflées du torrent et je tâcha de reconnaître l’emplacement de ma baignoire. Il faudra en sortir des pierres et du sable apportés par la rivière avant de pouvoir y plonger ma longue carcasse l’hiver prochain. A l’époque du nouvel an chinois, les indigènes de toute race et les Chinois, viennent prendre l’unique bain de l’année dans cette eau qui a plus de 50 degrés de chaleur, Lépreux, galeux etc… tous ensemble s’y plongent, Vous parlez d’hygiène. La plste passe maintenant.dans les gorges, accrochée a la paroi … là “Tante” ; si tu roules – ici, il n’y a pas de capitonnage … en pensant que le bon Frère Duc a quitté . . . cette route, d’une façon un peu précipitée. Son ange gardien a eu le temps de l’attraper par le collet. Aussi, je me tiens. . . . TUINNO” et “le blanc” pour pouvoir, à la rigueur, en faire autant avee les voyegeuses qui nous, sont confiées. Mais nous voilà au débouché des gorges ,voilà aussi le MEKONG. Au confluent, la route tourne pour prendre la vallée du fleuve que nous aurons à remonter pondant trois jours. “Oh! MEKONG, bleu saphir, que tu es sale en été ! On dirait des flots de boue, il fsudra bien venir admirer ton azur en hiver, quand les montagnes couvertes de neige étincellent au soleil, La vallée n’est pus large; au fond, jusque vers CAMPON, et la piste n’est guère meilleure que dans ln vallée de WEISI.
Nous passons deus le village de PETI-TSEU, ancien camp chinois, où les chiens pullulent en été pour disparaître au nouvel an dans les marmites. Le soleil devient accablant à l’approche de midi et les piétons s’épongent le visage tandis que les amazones somnolent sur leurs Unes. “Pas.- yrs a;IEN-SEN me dit le “eître”, tu en as plein le dos !” C’est sa façon polie do se ficher de moi. Nuns passons justement sur une plaine de sable. tu crois, mon garçon ?” Et je lui propose une course de vitesse jusqu’au bout de ln plaine. Nous filons, mais le “goîtrc” abandonne à mi-chemin, ayant perdu et le souffla et la face.
Au rapide de P. . . l’eau couvre les rochers où canards et cormorans habitent on hiver. Couvertes anssi les barques qui dorment chargées de gros cailloux jusqu’aux eaux basses. Par contre, pas mal de circulatien sur les cibles. Les LISSOUS arrivent avec leur courroie et leur morceau de bois évidé, s’attachent sur la corde et en un clin d’oeil sont arrivés sur la rive opposée. La “Tante” regarde ce sport avec appréhension, à l’idée ou’il lui faudra confier sa précieuse personne à la corde de TSEDJRONG.
Mais nous arrivons, la fumée bleue monte lentement dans l’atmosphère étouffante, annonçant le village de SIAO.WEIS:I. Il est une heure, et le Père doit avoir dîné, ignorant mon arrivée. Voilà la descente au pont couvert et voilà aussi la maison dos parents d’A-CHUEN-TCHEN. Toute la famille, au moins dix personnes, entourent la “Tante”, tandis que la gamine file déjà vers sa maman. Et quel chahut tout d’un coup, quels cris perçants et ces espèces dc boules de laine qui roulent sur la route. Los voilà qui arrivent TCHONG-KE-LOI, PAO-SIAO-Tir, LAKE, les chiens-clowns de la mission. Tout de suite ce sont les sauts, les pirouettas, les acrobaties, je n’ai vu nulle part des cabots aussi rigolos. En avançant prudemment dans cette réception impétueuse, je finis par arriver dans ls cour de la mission, où le Père Bonnemin, et son inséparable pipe me reçoivent. Et un instant après, c’est le fauteuil du bureau qui me reçoit, tandis que, geste rituel, le Père avance le panier à tabac et que la boy verse le café. La vie est belle. Je consulte l’horloge : 11h. 1/2 et ma montre 1 heure 15. Le Père retarde d’une heure trois quarts sur le cadran solaire de WEISI. J’arrive ainsi à temps pour dîner. Hélas l’après-midi passe vite et le soir aussi, marne si on le prolonge fort tard.
Mercredi matin après la messe, on selle, Le Père m’ayant aimablement prêté un mulet et la gamine restant à SIAO-WEISI, le voyage sera bien plus :rapide; aussi le Major regarde content la selle du Père qu’il pense bien r.; pas laisser inoccupée longtemps. La chose pénible est d’arracher la “tante’ à sa famille, mais j’ai ordre de la délivrer à la Maison-mère de TSEDJRON pour la retraite et avec les larmes obligatoires, la séparation slufetue. A ln mission. c’est vite foi t. Une poignée de nain, un joyeux , .. (restez assis) aux Chinois, auquel ils répondent en choeur un non moins joyeux “MAN-TSIN” (lentement, s,v.p.), et je retrouve mon amie. Ne soyez pas choqués, chers amis, ma bonne amie est grise, bossue, tordue, et surtout, longue à perte de vue ; cette piste du Yunnan, et nombreuses sont les joies que je lui dois.
. .. . bien des jours où elle me maltraite, alors, elfe se couvre de boue, ou elle enlève ces ponts, ou elle s’écroule. Mais les bons jours sont bien plus nombreux; alors ses buissons sc couvrent de fleurs, les pe-tits écureuils gris courent un peu partout, les b?tes elles-memes sont joyeuses et ont envie de trotter. Tous les gens qui nous rencontrent demandent poliment où l’on va, d’où l’on vient; seuls les Lissous restent silencieux et nous regardent passer avec de grands yeux noirs dans des figures de brigands. Si alors le grand diable de barbu sur son gros mulet rouge leur demande en souriant dans leur larme, A-HOA-GE (où vas-tu ?) ils ouvrent d’abord toute grande leur bouche, et le sourire vient avec la réponse. Moins agréables sont les caravanes thibétaines Planant derrière leurs petits ânes ou leurs mulets; ces grands garçons ne se pressent pas du tout, chantent en balançant leurs tresses, tandis que les vieux égrènent d’ innombrables “OM-MANI-PADME-HUM” croyant faire ainsi en même temps qu’une étape vers SURAO, une étape vers le paradis lamaïque. Ils ne sont pas pressés, par exemple. arriver derrière les Thibétains et que la route ne permette pas de les dépasser met la patience d’un voyageur qui ne tient pas à traîner en route ,. à une dure épreuve. Et jamais les Thibétains ne cèdent la route. Trente hôtes thibétaines rencontrent cent bôtes chinoises, les Chinois doivent céder. Ils méprisent les Thibétains , les appellent “les petits frères” mais ils en ont une peur bleue, Il y a aussi les pélerins mendiants. Avec ou sans ânes, ils traînent sur la piste allant à TALI Qu’en revenant. Ils feront comme cela six mois à un an de route pour aller prier sur une de leurs montagnes sacrées. Le jour où l’on pourra les baptiser, quels chrétiens çà donnera Ils seront capables de partir à pied, faire un pélerinage à Lourdes. Mais aujourd’hui, contrairement mon habitude, je regarde d’un oeil distrait les spectacles variés qu’offrent les villages et la piste. Les idées vagabondent en Suisse. N’est-ce pas le premier août, notre belle fête nationale ?
Nous voilà à GAIONOM d’où part la route de LATSA. Je la vois grimper sur l’autre rive du MEKONG. Que les Chinois nous permettent enfin de construire notre hospice et on la fera plus d’une fois cette route-là. Le mou-lou-ié, vieux commerçant, richard et hospitalier, se trouve sur le pas de sa porte comme chaque fois que l’on passe par là. “Que le sien-sen entre dîner et se reposer” “Merci, un autre jour, je suis trés pressé.” Tellement pressé qu’un peu plus loin, dans le lit ombragé d’un torrent, nous dessellons et préparons notre dîner. Nous serons bien plus tranquilles ici. Bientôt, le thé beurré est prêt et chacun tend son bol. Mais ici il faut que je vous donne la recette du thé beurré puisqu’il faudra encore en parler. On prend une poignée de thé, on le fait bouillir un moment dans une marmite pour le verser ensuite, par un tamis en bambou, dans une baratte. On ajoute une bonne pincée de sel, un morceau de beurre, on baratte vigoureusement pendant doux minutes et voilà 1
Plus le beurre est rance, plus le thé a de goût. Cc breuvage qui, au premier abord, semble écoeurant, devient avec un peu d’habitude. l’aliment par excellence du missionnaire en voyage et même certains Pères le prennent en guise de café au lait à la résidende. Les Thibétains s’en servent aussi pour humecter la farine d’orge- grillée, la “tsampa” qu’ils pétrissent en boule pour la consommer. Pendant que nous mangeons, arrive un de ces petits marchands ambulants chinois et sa fillette. Ils posent leurs fardeaux et se reposent un peu le vieux allume sa pipe, tandis que la gamine, (dix à douze ans, avec une splendide tignasse noire) nous regarde manger avec l’air de quelqu’un qui ne mange pas tous les jours. Un coup de poignard partage en deux le pauvre petit poulet que le vieux Alaapa, à SIAO-WESI, m’a sacrifié, et jên passe une moitié, avec une bonne tranche de pain, à l’enfant. Elle va directement l’offrir à son père qui le refuse en avalant sa salive. La disparition du cadeau ne tarda pas. Je vous raconte cet épisode comme exemple de la piété filiale si prônée en Chine, et pour vous faire voir que les Chinois ne sont pas mauvais diables, du moins pas tous.
Le dîner terminé, nous filons sur CHA-PA que nous atteignons en trois heures. Là tandis que Mlle A-CHUEN¬TCHEN reçoit l’hospitalité des dames de céans, je passe le soir du premier août à fumer ma pipe et à penser au pays. A l’heure où à Vissoie, on danse le Picoullet, je ronfle sur mes tapis de selle. Grasse matinée et départ à 6h. L’ordre étant venu de WEISI de réparer la route, nous passons mais les groupes de travailleurs qui élargissent, coupent les buissons et consolident avec de petits murs. Tout ce beau travail sera démoli par la pluie sous peu; en attendant , j’adresse des félicitations à chaque bande, ça me fait plaisir. Vers dix heures, s’ouvre devant nous la plaine de YETCHE, toute en rizières, avec, au milieu, le coquet village avec ses murs d’enceinte tout neufs. Résidence d’un chef Mosso et centre commercial pour les indigènes , il abrite actuellement deux familles de pasteurs protestants qui cherchent en vain à faire des adeptes parmi les Mossos, Bien que la large hospitalité nous attende chez le chef, nous filons une heure plus loin à PEKOU pour dîner sous un splendide noyer.
Enfin trois heures de marche nous amènent à POUTI, où je retrouve un jeune ami, LIOU-TSOUG-SIANG qui est un des plus intelligents parmi les jeunes Chinois de ma connaissance. Il veut a tout prix apprendre l’alphabet européen; aussi, une partie de la soirée se passe en leçon et je constate que la leçon précédente, datant de plusieurs mois, loin d’être oubliée, a été recopiée un nombre infini de fois. Il faut une intervention du_ “Major” qui tombe de sommeil, pour que la “jeunesse” me laisse aller dormir. Nous couchons, cette fois, sur une véranda ouverte; aussi, la bonne “Tante” craignant que je prenne froid, a étendu une de ses couvertures sur mes tapis de selle, et je ne peux pas la lui faire reprendre. La bonne âme ne se doute pas que, n’ étant pas Chinois, jo serai étouffé, là-dessous, au mois d’août.
Le lendemain, la vallee se retreit pour de bon et la route s’engage dans les gorges de LO-TA, Pas(‘ 11, il ne ferait pas bon tomber de cheval. La piste est étroite “du haut des rocs, on peut faire un g;rand saut.” Le MEKONG vient se jetac :17:*1) 5’e;:r?.t là, mon:3agne et repari en un anale de 90 degrés. ne s v1.11es ssn’c; à partir là, thibétains, bien qu’il y ait encore des Chinois,mais . . . thibétain domine, Les maisons sont toutefois encore construites à.la chinoise du moins extérieurement. Les pluies ne permettent pas les toits plats, en terre battue. A l’intérieur,.on trouve partout le lit en fer e cheval, qui entoure le fo¬-Jer surélevé, Après dîner, à ou-Rou-Lc•, nous apercevons l’oratoire de PATONG perché sur la montagne, -1,s Père Goré va dire trois ou quatre fois la messe là-haut, tous les quinze jours et trois ou quatre fois, j’ai eu la chance de l’accompagner. Aussi, ai-je pris ce coin en affection toute particulière et à chaque arrivée, le premier salut, ainsi qu’à chaque départ le dernier regard de regret, sont pour la petite chapelle blanche tout là-haut.
Voilà les câbles de TSEKOU. “No crains rien, “Tante”, c’est pas ici que çà se passe aujourd’hui; les cordes de TSEDJRONG sont neuves, nous allons passer là-bas. Sur la rive opposée un mur neirci par le feu, der-nier vestige de la mission détruite par les lamas en 1905, et des tombes blanches. Là reposent les Pères Bourdonnec et Itberuarà, morts pour la foi. Et nous y voilà. Les cordes de TSEDJRONG et tout le couvent nous attendent. Je ne me fais pas d’illusion ; la réception est pour leur compagne chinoi-se, Ce n’est pas pour moi qu’elles sont venues, depuis la Sup:17ieure jus-qu’à la dernière postulante. Comme je n’ai pas l’intention de passer mes bêtes, j’envoie un gosse chercher les bêtes du Père Goré, pour porter les charges à la mission. En attendant, nous passons après les dernières re-commandations du “goître” qui s’en retourne avec les bêtes. La redoutable glissade que bien dos Chinois craignent comme le feu et que des explora-teurs européenz ont décrit sous dos couleurs pas précisément roses, n’est, en son/e, qu’un amusement digne d’un “lunapark” civilisé. Je ne dirais pas qu’il n’y ait pas de danger et au LOUTSEKIANG (Salouenne) ou bien plus bas sur le MEKONG, où les cordes sont moins bien tressées, il arrive chaque année des accidents. Ici à TSEDJRONG les cordes doivent supporter les gros mulets, alors même une Mlle A-CKUEN-TCHEN peut s’y risquer. La seule chose qui peut arriver est que le bois servant de glissière tourne et que les courroies soient coupées par le frottement du câble. Pour cette fois tout va bien, et bientôt nous sommes réunis en face. Le Père Goré arrive pour nous recevoir et annoncer que ses mulets sont au pâturage. Nous faisons appel au couvent et entrons à la mission, suivis par les vierges portant les unes un jambon, les autres un paquet de fil.
La mission se trouve au bout d’une plaine plus longue que large, que le “Major” appelle pompeusement ftspaciosa planifies” mais oui:, en somme, forme un ruban assez étroit de ri-zières entre le fleuve et la montagne. Depuid mon premier séjour dans cet-te maison hospitalière, en mai 1933, lors de mes débuts, comme sinologue, elle m’est restée chère et j’y reviens un peu comme à de premières amours. Et j’y suis bien reçu, le Père me témoigne beaucoup de bienveillance, les gamins espèrent déjà une séance mouvementés de gymnastique sur le sable au bord du fleuve et les chiens n’ont pas de peine à me reconnaître. Mais, bêlas, pour cette fois le temps presse et je ne pourrai pas rester long-temps. Demain, après la grand messe, on. retrouvera les jeunes et les vieux, on préparera les vivres et lundi, départ. Mais hélas L le dimanche se pas-se tout entier en bavardages avec les vieilles connaissances. Voilà le vjsux Marco, qui vient de perdre son fils au THIBET, Gaetan “nez coupé” qui a accompagné presque tous les explorateurs venus par ici; Ignaz, l’homme de confiance du Père, dont la fille est lépreuse, et tant d’autres.
Mais sont surtout les gamins qui sont mes amis, nous nous entendon à merveille sans nous comprendre, eux ne sachant que quel _euesmots de chinois, et moi autant de thibétain. Ils sont bien gentils, ne jouent pas à l’argent ccatme les petits Ohinels, mais aiment le mouvement, Aussi faut-il eue je a’n„rouee avec mes jambes de quinze ans et ils connaissent à fond les tours La force, les acrobaties et les jeux du collège et de la caserne. Voilà ..lippe qui essaye d’attrapor un canard sauvage avec un caillou. L’oiseau r: bouge même pas. Alors se mettant en colère, Philippe l’insulte en hur-lint et avec lui toute la famille du canard en commençant par son arrière grand-père. Un jeu qu’ils aiment bien est celui-ci. Ils s’asseyent tous e rond et le premier flanque une gifle retentissante à son voisin en disant “Le mandarin t’envoie ceci.” Le voisin, en riant de toutes ses dents, re¬commence l’opération avec le suivant et ainsi de suite. Je recommande ce jeu à mes petits amis de Suisse. Leu enfants, comme les adultes, emploien couramment leur nom de baptême, Philippe c’est HE-LI-PE. Voilà le neveu joufflu du “Major”, THOME, et ses deux fils JOSE et JOANG dont l’aîné à deux pbuces à la main droite. Voilà aussi PEDJR0 (Pierre) et RANCI (Fran¬cis) Pour les distinguer, on propose le nom de l’endroit où ils habitent. Ainsi mon copain tout spécial habite à TERRE, et ainsi s’appelle TERRE- JOANG (jean) Deux charbons ardents à la place des yeux, et du mercure dan les veines, la Tchiouba toujours déchirée et le bonnet sur l’oreille. Quand nous nous retrouvons, le plaisir est réciproque. He voilà donc si bien repris dans le mouvement que j’oublie le BILA qu’il faudra passer, pourtant, Qui, du reste en été avec les mulets du Père Garé n’est pas une grande affaire. Puisou’il le faut, remplissons les sacs, scrutons le ciel disons au revoir au bon Père et mardi matin en route ! José, un jeune Thibétain, boy du Père Goré, m’accompagne ainsi qu”Huri” et “Raggi” les deu superbes mulets du Père. De 7SEDJRONG la route monte en lacets, nour en¬suite s’enfoncer dans le vallon du torrent qui descend du SIDA et que l’OE passe pour escalader ensuite l’arête rocheuse du TCHUANA.
Redescendus dan, le vallon, on repasse le torrent quo l’on suivra tout en grimpant et re¬descendant selon les difficultés qu’ont les trouvé les Constructeurs de le route. A DONJINCHATRO, petit alpage, nous nous arrêtons pour dîner et constatons avec effroi que notre marmite coule par trois trous Qu’ il faut bouchor avec de la pâte pour cuire notre thé. Hommes et bêtes reposés, nol nous enfonçons dans la forêt de RENCHIATONG. Quelle drôle de forêt, une fl rêt de conte de fées ! Des arbres immenses dressent leurs cimes au ciel ou, abattus par la foudre, jonchent le sol. Je grimpe sur un de ces tronc cassé à cinq ou six mètres du sol et mesure trente pas, moins la clin°. De longues barbes pendent des branches, des lianes enchevêtrées, des rochers complètent l’aspect chaotique do cettà forêt, A tout moment un arbre tom¬bé à travers de la route bloque le passage et il faut juger rapidement si on pburra passer dessous en se courbant sur l’encolure du mulet, ou s’il faut s’enfoncer dans les rochers pour contourner l’obstacle. Voici l’arbr( auquel l’an passé je restai suspendu comme jadis Absalon, “RagEi” voulant à tout prix passer dessous. liais il faut encore repasser le torrent pour arriver sur l’alpage de RENCHIATONG où des abrisrattendent les bergers qui actuellement, sont encore plus haut dans la montagne. Enfin, après avoir passé le torrent une fois de plus nous arrivons à la cabane du DEVOUATCHA¬SO construite jadis par le Père Ouvrard.
Je ne croyais pas la trouver en un si piteux état. La porte n’existe plus ni la moitié du toit et l’autre moitié laisse fort à désirer. Et ce que je ne vous ai pas dit, c’est outil pleut depuis le matin, comme d’ ordinaire au SIDA, surtout en été. Transis comme nous sommes, tout en pestant contre les porteurs qui ont brûlé les bardeaux du toit, nous faisons conte eux, n’ayant pas le courage d’ aller chercher du bois sous l’averse. Les mulets sont casés dans la partie dé¬couverte tandis Qu’avec une toile huilée et mon manteau, je tâche de cou¬v•ir un coin pour y déplier les tapis de selle. Comme il fait froid et que nous manquons de couvertures, nous nous installons à la chinoise , les pie de l’un coté de la tête de l’autre sous la tchiouba de José et ma couverture de cheval. J’ai beau chahger ma tête de place, des gouttes s’obs¬tinent à me tomber sur la figure, et le fent souffle par tous les trous di mûr à demi effondré. Vers minuit, José se lève pour activer le feu, donne de la tête dans la toile huilée remplie d’eau et voilà le déluge qui me tombe dessus couvertures et tapis, tout est mouillé…. Aussi, faut-il la bonne fatigue do la montée pour nous permettre un pou de sommeil, Le lendemain, départ à l’aube; les mulets ne veulent pas passer le torrent, tràs rapide à cet endroit et “Huri” se donne grand mal à essayer do inc fi¬cher par terre. Nous passons quand même, et après une heure de pataugdani les fameux bourbiers, nous arrivons à la route du Père André, Il ne put eeYitinuer plus bas, ses ouvriers ayant déserté, De là au sommet 4300 m.:.
p e de difficultés, ni pour descendre le couloir du versant donnant sur le Vallon du BERONA-LONGHA. Dans la cabane eonstruite par le Père André nous préparons notre dîner, avant d’ entreprendre la montée du GUISALA (4100 m., La route du Père André permet aux bêtes de monter sans trop de fatigue, et en deux heures nous atteignons le petib plateau où, il y a quatre ans, nos Chanoines et le Père Bonnemin se perdirent dans le brouillard, à dix minutes du col,
La descente sur la Salouenne, ou plutôt sur. BAHANG – car une chaine plus basse sépare encore le fond où coule le fleuve – devient mauvaise dès qu’on quitte la forêt pour entrer dans les grands pâturages. La piste creusée dans la terre glaise, oblige les bêtes à faire du ski et rarement; entourés de païens, leurs chants, leurs prières, quel splendide manifesta-tion de la grandeur de notre religion, de la grandeur de Notre-Seigneur Quel splendide résultat aussi du dévouement, du travail des missionnaires, quelle satisfaction pour leurs coeurs d’apôtres. Mais aussi comment ne pas penser 1 tous ceux qui sont encore dans les ténèbres, Qui, en ces jours d’allégresse chrétienne , sacrifient au démon, tremblent devant les mauvais esprits, se laissent exploiter par de vils sorciers ! Comment ne pas dire de tout coeur “Seigneur, faites Qu’ils trouvent tous la lumière , qu’un jour ils soient tous prosternés à vos pieds”.
Une chose vraiment touchante est de voir les Loutses apporter leur obole pour la Propagation de la foi. Ne soyez pas étonnés, mais oui, ces braves gens convertis souvent depuis peu de temps, donnent pour que leurs frères trouvent le chemin du ciel. L’un apporte un bol, l’autre un bracelet, un troisième une motte de beurre et c’est au Père de taxer chaque don selon sa valeur et de verser l’équivalent à la Propagande. Quant on connaît la misère de ces gens-là, quo l’on comprend le sacrifice qu’ils font en donnant tant soit pou, on no peut pas ne pas avoir honte de ne pas avoir fait de sacrifice qui nous auraient si peu coûtés. Honte aussi pour ceux parmi nous autres civilisés, nous vieux chrétiens, qui pourraient faire tant do bien, sans qu’il leur on coûte et oui ne le font pas, par ignorance, par indifférence ou par égolsmo. Quand on pense qu’un Loudse, qui donne une des piastres pour une messe, donne l’équivalent de l’impôt foncier d’une année et qu’en Europe il y a des gens qui payent facilement pour une bouteille de vin ce qu’ils hésiteraient à donner pour une messe..,
Mais tout cela sort du cadre d’un récit de voyage et il faut quo je vous emmène à POGOLANG, au bord du fleuve uà mon ponton sera mis en chantier. Il nous faut tout d’abord dégringoler par la route du Père An-dré jusqu’au fond du vallon où le “DOJONG” précipite ses eaux écumeuses. J’appelle (à la route du Père André, mais elles sont toutes du Père André les routes de ce pays. Les routes spécialement qui passent les cols du SI- LA et de LATSA sont ses chefs-d’oeuvre, mais les pistes qui longent le fleuve, sur les deux rives, qui rejoignent BAHANG et le DOJONG par la mon-tsgne d’ALO, ont été construites sous sa haute direction. Quel travail, mes amis, pour faire passer des routes dans ces rochers, au flanc de cos pentes, sans le moindre secours de la technique moderne Quand je passe sur tel bout de piste que le Père traça lorsque la fièvre le secoua sans répit, je suis rempli d’admiration pour Cet apôtre, qui sait si bien combiner son travsil cour le salut des âmes avec des travaux d’ intérêt social,
Donc, nous allons descendre le vallon du DOJONG. La piste longe le torrent, remonte perlois pour passer prés d’un hameau et revient de s ‘
nouveau au bord de l’eau. Nous passons près des hameaux de “DOULCA” “CHIEN. ATOUG” et “ATSANG” oui nous passons le torrent sur un pont de bois pour commencer la grimpée qui en plus d’une heure nous amènera à un petit col surplombant presque PONGDANG. La route est bonne mais il ne faudrait pas
y aller en titubant, on aurait vite fait de rouler jusqu’au torrent. Le Père André aime à se rappeler les endroits où ils l’ont “pillé” lors de la construction. de la piste. Voici l’endroit où un rocher faillit écraser des ouvriers, en voila. un autre où un arbre déraciné en fit presque autant.
Dans cette caverne on trouva deux Lissons morts de faim et un autre nu au-bas de cette pente. La végétation qui est déjà presque tropicale n’empiète pas mal sur la route; par endroits, le cheval sait deviner son chemin et s’il pleut, meme à cheval les haute herbes déversent leurs eaux sur nous, ce Qui no contribue évidemment pas à l’agrément du voyage. Presque tout le long, nous passons dans la forôt, foret jeune, sans gros troncs, aux sous- bois bien nettoyés par le feu. Avez-vous un fusil avec vous ? Vous n’en-tendrez mem° un piaillement d’oisillon, mais il suffit Quo le fusil soit nu •atelier pour que les tourterelles noires pelullont nu bord du chemin.
Arrivés au col, nous découvrons à nos Pieds le fleuve qui, comme le MEKONG, selon ln saison montrera un ruban d’azur ou roulera des flots jau-nes. Le village de POEGDANG qui entoure la coquette petite résidence se trouve un peu plus haut et nous l’stteignons on une demi-heure. Construite par le Père André ln maison de PÜNGDANG réunit ln chnpelle, selon, réfec-toire, et trois chambres dans le memo b.-timont. Un beau jardin potager derrière l’ meison sert au Père à faire dos essais d’acclimatation avec teus leà, arbres possibles. Les écuries et le logement du gardien et de sa J’: mille sont séparés de la cour intérieure par un mur; ainsi chacun est ‘,len chez sei. Le village est en majorité paIen” La faute on est, en pre-mier lieu, son chef Qui est en canno temps sorcier, frère de sorcier, et un des derniers soutiens du Lama de TSAMONTONG,
Matin et soir, de sa :saison s’élève, avec la fumée clos sorcelleries, un chambard de tubas, de corne, et de je ne sais quoi do grosse caisse. Des gongs et des incantations s on m’Orient, il y a de ouoi dresser les cheveux sur la tete. Ce concert journalier, public et gratuit, me fut donné au début de mon séjour à POUG-DANG; il est assez désagréable, mais on s’habitue à tout. J’ai même pu constater que s’il y a lutte entre un gramophone et un sorcier, le sorcier gagne. N’empêche qu’il y a plus d’une moitié du village qui fait de grandes superstitions. L’endroit où se trouve le four à sacrifices et l’emplacement à diableries, – un champ de malw – fut vendu au Père même et depuis, ils n’ont pas encore cherché un autre coin. Le chef du village, au début très hostile, est maintenant en excellentes relations avec la mission et il lui arrive même s’il est saoul (ce qui semble être son état normal) de tenir aux chrétiens des discours tellement pleins de bons conseils que le Père lui-même ne pourrait dire mieux. Cela n’empêche pas qu’il reste sorcier et embête les gens avec ses trompettes.
C’est à PONGDANG que j’ai étudié le Loutse, étude qui a contribué à la vive sympathie que m’inspire cette race Qui, hélas semble être destinée à disparaître. Les Lissous, beaucoup plus forts et énergiques, semblent gagner constamment du terrain; l’immigration chinoise et thibétaine contribuera, pour sa part, à évincer le Loutse ou le faire disparaître dans des mélanges avec des races plus vitales, C’est pourtant bien dommage car, comme caractère et comme moeurs, le Loutse vaut, à mes yeux, bien mieux que les races intenses. D’un tempérament peu énergique, mais doux, le Loudse, s’il ne se tue pas au travail, n’est ni voleur, ni batailleur, du moins relativement aux Lissous et aux Thibétains,
Le fléau de cette race est la boisson qui, non seulement, détériore muscles et cerveaux par l’action de l’alcool, mais qui fait filer en bière et goutte la majeure partie do la récolte. Voilà le procédé pour faire du “Tchong” ou bière Loudse. Les céréales sont transformées en farine grossière que l’on cuit comme une “polenta” italienne, Cette polenta fermentera ensuite dans des vases en terre pendant plusieurs jours, au bout desquels, en la mélangeant avec de l’eau, elle est prête à la consommation. Le “Tchong” do sorgho est réputé le plus fort en alcool, ainsi que la première “cuite” de n’importe lequel; dans ce cas, cette bière enivre un homme aussi vite que de la goutte. Il y a des Loudse qui, pendent la partie de l’année durant laquelle ils ont des céréa-les, ne vivent que de Tchong. Ils provoqueraient alors toutes les occasions pour boire, surtout des procès. Par exemple, c’est à ce moment qu’un Loudse se rappellera qu’un autre le traita d’idiot il y a six mois. Quelle belle occasion.: Vite chez le chef du village on dépose une plainte et pendant trois ou quatre jours les délibérations permettent à tout le village, évidemment cité comme témoin, dé boire de bons coups aux frais de l’accusé et du plaignant. Ensuite ce sera le tour à deux autres à cause d’une vache qui jadis, broutta dans le champ du voisin, ou. d’une taloche donnée par la fem-me de l’un à la progéniture de l’autre. Mais tous cos procès se déroulent sans haine ni violences; c’est, comme j’ai dit, un moyen de réunion pour boire, A la suite de ces belles beuveries, vient inévitablement la famine, qui du reste, est souvent aggravée par la mauvaise récolte. Alors, le Loutse serra la ceinture, mange des courges, ou s’en va creuser des racines comestibles. Surtout, il ne manquera pas de venir chanter misère au Père.
Les essais tentés par le mandarin chinois pour enrayer la consommation de céréales sous forme liquide n’ont pas donné de grands résultats. Mieux réussis sont les efforts du Père André pour déraciner la tradition qui voulait oue les gens qui mariaient leurs enfants se ruinent à tout jamais. Du moins les chrétiens ont abandonné les noces monumentales avec leurs hécatombes de bestiaux et leurs flots de bière et de goutte. Mais nous allons assister la noce de l’ami “Tchupi” le boy du Père André.
Bien que la noce soit plutôt simple, le rituel fut observé striebernent. Après le mariage à l’église, deux parents proches, en l’occasion, des oncles, se postent devant la porte avec un plateau portant deux bols et une cérémonie de courbettes, ce qui demande du porteur de plateau un certain talent d’équilibriste. Quand tout le monde est réuni, on sert le repas auquel j’assiste, aux côtés du jeune marié qui, entre parenthèse, e, en état de parfaite ébriété depuis ce matin…
A la fin du repas, vient la distribution de viande. Chaque invité redoit un morceau de cochon “lyre” dont les dimensions sont fixées par la tradition, et un os de mouton à ro ger. Comme jc ne puis pas voir le cochon lyre en peinture, mon émotion es grande, mais je suis rassuré par mon voisin qui m’explique que c’est à em pester et non à manger sur place comme je craignais. Liais vous ne savez peut-être pas ce qu’est ce fameux ceehon lyre ? “pipa” en chinois. En hiver on tue le cochon, on enlève os et Cnair maigre, ensuite on enduit copieu-sement l’intérieur de sel et on recoud le tout le plus hermétiquement pos sible. Le lard se conserve ainsi très longtemps, mais je ne vous souhaite pas d’en manger. Quand or a bien faim, passe encore, mais comme dessert :
Donc, la distribution terminée, les bols de tchong et d’ara (gout ts) circulent, et bientôt la jeunesse a formé le cercle autour d’un grand _ru et commencé les danses thibétaines. La mélopée se déroule, tantôt s’enflant, tantôt diminuant, et les jambes se lèiient en cadence plutôt le tn do la damso qui, en somme, est plutôt une marche de côté avec des pas avant et en arrrà0e et des inclinaisons du corpsl Les spécialistes thibé-tains ont des variantes nombreuses et alors ce n’est plus le picoulet au ralenti, les tresses crasseuses et les pans de utetiouba” tourbillonnent et les bottes frappent le sol à une vitesse croissante. Le matin, peu de monde à la messe et bon nombre ne reparaissent que dans l’apwals-midi pour le dernier acte. Alors, tout le monde étant rduni, les jeunes maries se placent face à la table où le Père et moi trônons, entourés de notables, 1 sur laquelle on pose un plat. A tour de rôle, en commenant par le plus respectable, chacun se lève, s’approche de la table et dépose son Cadeau, en général une demi-piastre dans le plat. Ensuite, il fait un bref dis-cours, (il serait même à dèsirer parfois qu’il fut plus bref encore) re-commandant aux jeunes mariés les vertus essentielles et les conditions d’un heureux ménage. L’après-midi y passe tout entière : pièce d’argent après pièce d’argent, disoours, bol de •tchong après bol de tchong .
A chaque cadeau les témoins du jeune marié poussent de joyeux cris de remer-ciement et tous s’inclinent. Le dernier ayant terminé sa harangue, cha-cun rentre chez Lui. Cette dernière coutume de faire des discours me sert à réfuter la réputation d’idiots qu’ont les Laudes, non pas parce qu’ils le sont, mais je la mettrai plutôt sur le compte de leur timidité et de la facilité avec laquelle ils peuvent se passer de causer, A PONGDAM, j’ai eu deevisiteurs Loudse assis dans mon bureau toute une soirée sans dire un mot, mais sans etre idiots pour cela, Le meme individu, à la noce vous fait un discours improvisé d’une demi-heure sans chercher ses mots, sans perdre le fil, et tout en disant des choses très sensées, prouvant ainsi qu’il a non seulement un cerveau lucide, mais une intelligence bien dévelqpée. Bien des régents de chez nous nous faisant leurs discours du ler aout, pourraient envier la facilité deseLoudse pour discourir.
S’ils fêtent les mariages, ils ne font pas de cas des enterrement Ici, la.teche du Pare a été dure. Les païens font un trou, mettent leur mort dedans, plantent au-dessus une perche ou deux avec un lambeau de toi-le au bout, et ne s’occupent plus de la tombe. Le culte des ancetres est inconnu et le Père avait à commencer d’abord par leur inculquer le respect devant la mort, leurs devoirs envers les âmes du purgatoire, avant d’arri-ver à leur faire entretenir le cimetière aussi bien que çà se fait actuel-lement. Pour les faire assister aux enterrements même de leurs proches pa-rents, ce n’était pas facile et si la chrétienté de BAHANG est aujourd’hui stylée on ne peut mieux, c’est grâce à la fermeté du Père qui exige de ses chrétiens la stricte observance des règles et bienséances. Les naissances ne sont pas objet de cérémonies quelconques hprbedu baptême; en cas de mort d’un bébé, on n’avertit parfois le Père que longtemps spras ou pas du tout.
Voyons maintenant le Loudse agriCulteur. Pas très travailleur d’abord, vivent sous un climat pas très propice à l’agriculture, dispo-ssnt de peu de bétail qui, du reste, laisse la plus grande partie de l’en-grais ariimaLinutilisé à la montagne, ses champs ne donnent pas tous les ans le nécessaire pour tenir jusqu’à la nouvelle récolte, surtout avec le régime de “au jour le jour”, le vilipendage en boissons du Loudse. Il se rattrape sur les courges et les concombres qui poussent en grande guahtité
Cette nourriture provoque naturellement de nombreux cas de dysenterie souvent mortels, surtout chez les enfants. L’engrais est tout porté sur un champ près de la maison, qui donnera deux récoltes, tandis que sur les au-tres, les fougères brûlées constituent tout le fumage. On plante surtout maïs et sarrasin, mais il y a des champs de sorgho d’orge, et d’une céréa-le•en forme de patte de poule que le Pare Andrè dit ne pas se trouver en Europe.. Lentilles, fèves, et pois se plantent également.
Le vêtement des Loudse est toujours eh chanvre et se compose d’u-ne pièce de toile dont les deux moitiés se rattachent aux épaules par une extrémité tandis que l’autre pend à la hauteur des genoux. Ce vêtement plutôt aérien est remplacé chez beaucoup par le vêtement Lissou ou Thibé-tain de TSEWRONG une culotte et une espèce de robe serrée à la ceinture par une espace d’écharpe en ficelle. Les jeunes gens ont souvent de belles chevelures bien peignées soigneusement, rasée sur le front et la nuque. L’expression du visage, ma foi, je préfère vous la laisser juger vous- meme sur les photos et vous ramener à PONGDANG puisqu’il faut que j’y
construise une barque.
Voilà un en que j’y pense à cette construction, que je fais des pians, que je cherche sur l’Echo Illustré des photos où il y a des barques, que je cherche de me rappeler les pontons de la Limatt et les chalands du Léman. C’est que je n’en ai pus même vu construire de barque ana Une chose eue je n’avais pas pr:,eue, c’est que la superstition chinoise m’empt-eS-ssit de couper lesbois au huitième mois lunaire. Lurent ce mpis-là, en Pet, il est défendu de couper le moindre branche, la moindre tige de eou, sinon, d’après la croyance chinoise_ un venttait le chat.
Le euatrîème jour, c’est le départ; les”légers” s’en vont coucher Chez le Père Génestie-,’, tandis que le “lourd” et son vicaire inséparable filent sur TIONGRA en un jour de marche forcée. Au dîner, au sommet de la montagne , juste en face de TCHROUGTU, j’arrive à définir l’impression que donne la nouvelle mission, qui dresse ses deux tours au milieu d’un déser« de cailloux : une boite bijoux oubliée sur une vilaine table. Après une nuit passée à la nouvelle maison do noKGiu, nous grimpons d’abord l’ALA-LAKA, descendons dans le DOJONG-et remontons à BAKANG où nous arrivons trois heures avant le groupe II. Le lendemain, 10 octobre, dernier jour dl concile de BAHANG, j’ai la joie do trouver mon apache debout après deux semaines dc maladie. Durant le séjour des Pères, j’avais été plusieurs foi par jour m’assoir a son chevet de haillons et lui administrer des remèdes croyant qu’il avait le typhus. Il avait oublié un peu la rancune Qu’il mc gardait pour une “seceuée” un peu brusque, un jour que ju l’ avais vu ba-varder à l’église. Plusieurs jours il avait boudé, suivant mon cheval sans dire un mot.
Le il octobre, séparation et départ dans deux directions : le Père Goré attaque les cols pour rejoindre TSEDJRONG tandis que le Père BONNEHIN et Monsieur Melly descendront la SALOUENNE jusqu’à LATSA, Le Père André les accompagne jusqu’à “-LATSA” et moi, je rejoins PONGDANG en leur compagnie. Nous y arrivons de bonne heure et profitons de la soirée pour faire une séance de cinéma. Les Loutse du village y assistent tous et bien qu’ils aient vu tous les films plusieurs fois, les “amo mo mo” d’étonne-ment et les “allé” d’admiration fusant sans arrôt. Nous passons un film d’aviation et au moment où une aviatrice anglaise, assise dans la carlin-gue avec son petit chien dans les bras, passe sur l’écran, un vieux Loutse chrétien un peu éméché, et plein de dévotion crie à tue-tete, “ioug tamba MaliaTT croyant voir la Ste Vierge.
Le lendemain matin, j’assiste au passage du Fleuve des voyageurs et reprends mes habitudes Pongdangaises. Départ au chantier le matin et rra-vail juseu’a midi où le boy m’apporte mon dîner. Ensuite, retravail jusque vers cinq, heures; un plongeon dans le fleuve et retour à la maison. La soi* rée se passe en bavardages avec les Chinois de passage ou les Loudse, on lecture, à soigner les malades ou écouter le gramophone. Le Père revient a-près six jours et remonte a BAHANG tandis que je le suis deux jours après, le dimanche, pour assister G. la messe, Le lundi, je file sur TIOUGRA pour emmener a PON?JDANG trois menuisiers chinois qui m’aideront à finir les bols et à monter la barque.
Leur contremaître, un vieux fumeur d’opium fainéannl suit en traînant la patte et portant soigneusement son nécessaire fumer la drogue. Le lendemain, il fume jusqu’à midi et il me faudra le menacer de venir le chercher moi-môme pour eu’ il finisse par arriver un peu plus tôt au chantier. Malgré la chaleur, le travail va bon train, et le ponton, ne pouvant etre mis à l’eau à l’endroit où nous travaillons, nous décidons de déménager sur le sable en dessous du village. Les bois ne pouvant Otrc portés par voie de terre sans grand et pénible détour, nous allons les transporter enbarque. Je m’en vais donc chercher un esquif à 2300 mètres plus loin, sr de mon coup, connaissant assez bien la navigation fluviale. Ce que je ne connais pas cependant, ce sont les courants d cet endroit-Le.
Aussi, à peine ai-je quitté la rive que je dois retourner la baqeue. Comme les Chinois me regardent, je veux leur donner une exhibition et j’y vais de grands coups de pagaie, ce qui a pour résultat de faire faire trois tours sur elle-même . . . mon embarcation et à l’envoyer au beau milieu du fleuve en plein courant. Chinois et Loutse poussent dos cris effroyables me voyant déjà partir pour le rapide, tandis que je ramdne mon esquif au bord, tout penaud, et pas fier du tout de ma démonstration. Le lendemain, le Père ar-rive pour suivre pendant deux jours les progrès de la construction. Le con-tremaître chinois m’embete terriblement avec ses conseils et prétend sans vouloir en démordre, que la barque devant enfoncer au moins trente centimè-tres dans l’eau serait le, moitié trop basse. Bien qu’au fond je n’en sois 8iiet quo cela, je réponds qu’elle n’enfoncera pas Ilus de dix centi-rres dans l’eau, vu sa largeur. is il n’en croit rien et émet des pro-pnétiss lugubres.
Cos jours, nous avons la visite d’une bande de “Kioudse” habitants:la vallée de la quatrième branche de l’IRRAOUADDY. Ces gens sympathiques e’eien légèrement habillés sont les plus primitifs parmi les indigènes que ;ennaisse. N’ayant pas d’ustensiles aratoires et se servant de bâtons eeeenus pour labourer, superficiellement la terre, iJs préfèrent ‘brûler les ferets et semer leur mars dans les cendres qui ferment Givrais. Très su-perstitieux, les Kioudae, ont des cérêmenies pour chasser los nombreux dables par lesquels ils no croient pereécutés. Ils dansent durant un mois teat dos riches etc, Le P.André, leur ayant promis qu’il viendrait un
chez eux chasser les diables, voilà que tous se prosternent à terre suppliant de venir au plus vite, “Toi tu es un esprit du ciel, et le saviez. comme ces diables sont mauvais !
Le Père donne une médaille à leu/ chef, et nouvelles prosternations. Durant leur séjour, ils vont souvent la chapelle et joignent les mains ou font des signes de croix que les chrétiens leur enseignent à faire. Voilà des gens qui seront aisés ‘a con-vertir mais ils habitent très loin 20-25 jours) et le travail abonde pas ici, De même race quo les Loutse, leur langue est presque identique. D’ot ils sont venus, je l’ignore et les ethnographes aussi. Il est plausible cependant (lue cc soit du THIBET. Bien bâtis, avec de belles chevelures, tri doux de caractère, les Kioudse sont en majorité sujets anglais et ont l’e de s’y trouver bien. Aujourd’hui, 31 octobre, il y en. a une bande autour de ma barque terminée, sauf pour le calfeutrage; ils n’ont jamais vu un meuble pareil et se demandent comment ça peut marcher. Le jour de la Toussaint, je monte à BAHANG de bonne heure pour assister à la belle cérémonie.
L’assistance est complète dt l’église pleins. après-imidi, nous jouons à 1 barre sur la plaine avec la jeunesse. Le lendemain procession au cimetière,,sermon sous la pluie, et chacun va prier devant les tombes do ses prcchas. Edifiant spectacle que ce cimetière en escaliers avec des groupes de Loutses et do Thibétains à genoux devant les tombes, soigneusement remises en état pour la circonstance. je reste à BAHANG jusqu’au 5 novembre pour assister à la noce décrite plus haut et tailler deux fortes paires do rames dans du bois solide et élastique à la fois. Le 6, retardé par une fugue de mon mulet, je suis surpris . . . par la nuit et m’en vais coucher dans une cabane avec une famille Loutse, n’yant pour souper et déjeuner qu’un bol de miel. Que de fois l’ai-je faite cette route de BAHANG à PONGDANG, seul ou avec “l’apache” sur le brave HOA-MI, le gros et docile mulet noir du Père André.
Quelle bête de tout repos, trottant très bien et adroit eomme tout. Tenez un jour, je dépasse une vache attachée à une longue corde en dessus de la route. Au moment où nous nous trouvons à la eme hauteur, la vache ayant probablement aperçu ma barbe, s’ffolc, passe au galop devant moi, traî-nant la corde et file en arrière. Je vois arriver la corde à la hauteur des genoux du mulet et vois déjà en esprit le désastre, les jambes de la bête’fauchées par la corde ou biens 110A-MI et moi renversés. “Ah ! la va-che 1” je sors précipita I: les pieds des étriers, mais au même moment
Mais voilà le grand jour de la mise à l’eau, de la barque qui approche, et le village entier discute . . . . “Trop lourde”, disent les uns, “trop large” disent les autres. Marchera, marchera pas ? il y en a cependant qui me font l’honneur de croire en mon infaillibilité. J’en suis moins convaincu et un peu impressionné par les affirmations pessimistes du chef menuisier chinois, qui prétend que le ponton est trop bas d’un pied, Quel soulagement, aussi, quand, le matin du 19 novembre mon navire, poussé par de nombreuses paires de braà entre dans son élément et s’y comporte à merveille ! Seul, le calfeutrage s’avère insuffisant et des voies d’eau assez nombreuses se déclarent. C’est là une question de détail et de résine. Mais comment en trouver assez dans un pays où les incendies de forêt lèchent les pins jusqu’à mi-hauteur ? Que de jours j’ai fouillé les forêts en quête du précieux mastic, pour revenir chaque fois avec des quattités ridicules. Dans ces randonnées, parfois longues et pénibles par 15ériode d mauvais temps, j’avais comme compagnon habituel un jeune païen nommé “POUTIC’.
Couvert d’un pauvre haillon, l’inévitable arbalète sous le bras, il trottait devant moi, grelottant sous l’averse et j’avais presque honte de porter la cha:dde capote militaire de l’adjudant André. Mais alors, quelle bonnes soirées, près du fou, nous faisions 1 “Ponti” drapé dans ma couverture de voyage en guise de robe de chambre et moi confortablement calé dans un bon fauteuil Alors, je faisais marcher le gramophone et me lais sais emporter par les mélodies, tandis que “Ponti” impassible, accroupi près du feu, ne montrait de l’intérêt, comme tous ses compatriotes, que pour les disques rire,
Evidemment, comme tout chrétien j’espère et prie pour la conversion de tous les païens et suis attristé d’en voir tout autour de moi. Mais le plus triste est certainement pour moi, d’avoir des païens parmi, je dirai presque mes amis, Avoir de l’affection pour eux, de ne pas pouvoir les amener à la lumière ! Je ne peux certainement pas très hen.. m’imaginer le paradis, je sais seulement que c’est le bonheur sans mais me semble que si la miséricorde de Dieu est si grande qu’un je puisse y entrer, j’irai demander à tous les anges : “Est-ce que u el et-un tel autre sont par là?” Et la pensée que la réponse pourrait, bien être négative, me gâte le plaisir de m’imaginer le paradis.. Aussi, en regardant l’ami je me casse la tête pour trouver un truc q.:_ry. pourrait me servir â a=ear sa famille à se convertir. CLne me bemble facile, Voilà qu’aujourd’hui, les sorciers chahutent justement chez lu.i, Les coehons sont malades, la vache aussi, et il s’agît do chasser le diables. S’il y en avait des diables, je ne doute pas qu’ils fichent le . . .
Moi qui habita tout prés, j’en suis malade et la vache en crève, mes cochons la suivent les uns après les autres. Voilà qu’il me vient une idée lumineuse : si j’essayais de réussir là ou les sorciers ont dehoue gus:ri• les cochons ? J’envoie Ponti chercher un des grogneurs, pendant que je fouille le. “Larousse médical”. Il n’est pas fait pour les cilcholu ce bouquin-là, mais les symptômes peuvent être les mânes chez les gens. Transformant le bureau on table d’opération, j’applique conscieusement traitement proscrit en cas de (j’ai oublié le nom latin) Le clic se remet à gigoter et les assistants lui trouvent meilleure mine. Je le renvoie, espérant une guérison rapide et préparant une belle entrée en matière où j’allais faire voir aux parents de Ponti que les sorciers . . . des canailles et les remèdes de Père une preuve que sa religion vaut mic quand on m’annonce la mort du cochon!… Raté cette fois ! mais on se retrouvera bien, Messieurs les sorciers, tôt ou tard. Ce qui me reste faire maintenant, c’est d’amener les Pongdangais à se servir de Ma barque. Heurcusemont, le Père André vient à la rescousse et je me félicite de son arrivée. Il ne semble pas partager mon enthousiasme et me gratifie de suite d’un formidable “espèce de cagneux” (cagneux, c’est le terme sacré pour les semences) Ah la la, qu’est-ce eue j’ai encore fait ?
Tout s’explique, c’est L cause de ma démonstration nautique qui aurait paret-il, mal finir. Je n’en suis du reste pas fier et n’ai qu’à essup la réprimande genre “militaire” on attendant le grand moment de l’initiation des Louas° à la navigation en ponton. D’abord, ils n’en veulent ri, et ni les exhortations ni los démonstrations en eau caline ne les déci-dent à se lancer dans le courant, Deux vieux ayant tenté un essai, le Para on profite pour faire un maître- sermon sur la couardise des jeunes ce qui pique leur amour-propre. Une dizaine se joignent alors à moi, no« passons exceptionnellement et le retour affirme encore la supériorité d« nouvel engin. Cet .épisode est ln derni:ere de mon séjour à PONGDANG, suite et à contre-coeur, car j’aurais préféré pouvoir mieux former les meurs, je dois quitter mon oeuvre. Le chef du village me promet sole-nue le-tee-nt de veiller sur la barque et nous montons à cheval, Sur le col, ‘& me retourne pour voir une dernière fois la petite mission dont je viens d’âtre curé pendant plusieurs semaines. La barque faisait une tetite ta che jaune sur le fleuve, et sur le sable, on pouvait distinguer les co-peaux du chantier. Je l’ aimais bien ce “patelin”; il y avait bien les s ciers, la chaleur st la pluie, le froid ensuite, mais il y avait aussi les bols de “tchoug” vidés avec les braves Loudse, les randonnées dans les bois, les orangers aux branches Chargées de fruits, los bains dans fleuve, et l’attente des canards, le fusil à la main. Allons, ne nous laissons pas attendrir !… Je me redressa en selle et les bêtes s’enfoncent dans la forêt. Le problème qui suppose pour nous maintenant est assez embarrassant. Les cols étant fermés depuis la Toussaint exceptionnellement tôt cotte année, le ravitaillement en thé, toiles, huile, argent et viande, sans compter les articles divers dont les Pères de la SALOUENNE auront besoin durant l’hiver, n’a pas nu se faire. Les diverses den-rées commencent à manquer et pas moyen de se les procurer dans la SALOU NE. Le Père André sa demande comment il fera pour sortir, devant partir pour la France, comment son replaçant le Père Bonnemin, fora pour entr et moi, comment je ferai pour regagner mon port d’attache sWEISI. Le Mauvais temps continue. Dûs hommes ayant voulu tenter le passage, ont d revenir sur leurs pas. Tant pis “qui ne peut ne peut.” Je passe monter développer et copier les photos de PONGDANG et ailleurs et à mon grand désespoir, je constata que toutes celles de la barque sont rates, c’est bien ma veine ! Voilà que j’en parle de cette fameuse Machine, et pas une photo pour vous la faire voir
Le beau temps semble vouloir revenir, mais pas un porteur ne veut m’accompagner et le Père André veut m’emmener encore une fois à TIONGE pour l’inauguration de la nouvelle résidence qu’il vient d’y terminer. Tout le pays est invité. Ma fois, c’est bien tentant. Allons-y il faut bien, du reste, aller prendre un dernier congé du vieux Père Genestier. Le matin du 24 novembre, sans bôte, poussant à fond l’accélérateur de res longues jambes, je file sur 7107GRA eue j’atteins en vitesse record (1 h, 55 min.) passe le fleuve, et 1 h. 1/2 plus tard arrive en bolide chez le patriarche. Une bonne soirée passée à écouter les histoire d’ar tan et le lendemain dimanche, apres la messe, retour en vitesse à TIONC où je tombe en plein dans un guôpier de Chinois, mandarin en tête.
Je n’avais pas prévu cela ! La Père était pourtant bien obligé d’inviter les autorités, Moi qui comptais sur un repas à la Loudse, parfait de sans-rn, et me voilà attelé à l’étiquette crun (liner chinois et condamné à 2 valer des bouffées do funee d’opium 1 Le Père, no sachanb pas le chin( insiste pour QUO je le remplace auprès de ces Messieurs. Dans la cour,les lui prêter et bientôt nous sommes prêts. L’apache va nous quitter pour redescendre à BAHANG. Selon l’habitude, il vient s’agnouiller devant moi, mais la tête basse, Ornement basse. “Allons, regarde-moi” que Diable l’apache pleure, l’apache, qui essuyait les plus formidables semonces du Père sans broncher, l’apache, le mauvais garcon’ pleure. Je n’en crois pas mas yeux, mais ses larmes me coulent snr les mains, “Dépêche-toi de filer, mon. ami.” Et je me retourne brusquement, un peu plus brusquement, que né-cessaire. D’un bond il est dans la selle de Hoami et au galop, les deux disparraissent dans le bois, tandis que nous nous enfonçons dans la grande solitude blanche du GUISRLA.
La route encore bien dessinée, nous permet de monter en suivant les lacets, mais la neige est profonde, et nous n’avançons pas vite. Qu’est-cc que à sera au SILA, alors, où il y a bien plus de neige qu’ici ? Le “bec d’aigle” qui était si sûr que nous pourrions passer a perdu sa bel-le assurance et commence à devenir pessimiste„ Arrivés au col, nous aper-cevons la grande pente étincelante que mous aurons à grimper demain, et cette fois mes compagnons qui connaissent évidemment mieux le SILA que moi se découragent. “Je ne croyais pas qu’il y aurait autant de neige que çà’ dit le bec d’aigle. Tant pis maintenant que je suis ici j’essayerai à tout prix de passer et si c’est impossible, on reviendra. Comme je regret-te de ne pas avoir de skis ! A la tombée de la nuit, nous nrrivons à la cabane, où par comble de chance, nous trouvons une ample provision de bois laissée par les derniers passants. Ln nuit est plutôt mauvaise à cause du froid et de l’insuffisance do la literie. Le matin nous trouve néanmoins pleins de courage et nous partons à l’attaque du BILA, non sans mettre quelques grosses ‘riches dans le feu pour le retour possible.
Jusqu’au petit plateau de “KETINES”, la montée n’est pas trop pénible bien que nous n’enfonçons pas mal. Je revois l’endroit où l’année dernière, j’étais tombé sur la glace en entraînant l’un de nos Thibétains qui voulait m’arrêter au passage. J’étais parti en glissade pour m’arrêter juste avant de faire une mauvaise chute. La fameuse pente du SILA nous surprend agréablement. La neige gelée supporte notre poids et nous avan-çons assez vite, profitant aussi d’une avalanche qui nous présente des blocs servant do marches d’escaliers. nais hélas ! çà ne dure pas et si-tôt dépassé le gros rocher à mi-côte, nos souliers n’arrivent plus à en-foncer la croûte do glace, c’est-à-dire mes souliers, car losbottes thébé-taincs et les souliers chinois des porteurs ont besoin d’une bonne trace de mes gros “Bailly” pour se tenir.
La coupe-coupe entre en action pour tailler des trous, mais l’allure ralentit en conséquence et voilà le fa-meux vent du SILA qui se lève et me glace à travers mes vêtements de toi-le. Le soleil se lève aussi, mais il n’est pas tant le bienvenu à causa des gonfles pendantes encore sous les rochers du sommet et qu’il pourrait bien faire partir. Et mon Lnurenti qui n’en peut plus. Oh ! la la, il no slagit plus de flancher, maintenant, si près du but. Il est midi sonnant quand nous arrivons au col après une courte varape dans les aiguilles de l’arête2pour éviter une gonfle mena ante. La neige sur le versant TIKONG, est épatante pour une descente à pic, poudreuse mais pas de danger qu’elle parte en avalanche sur la route que nous allons prendre. “Sieu-sen, il y a des hommes au fond, vers la cabane” le “bec d’aigle” a aussi des yeux d’aigle. Il faut encore un bon moment avant que j’aperçoive des points noirs tout on bas. Curieux do voir qui arrive, j’accélère encore l’allure, sautant, glissant, enfonçant jusqu’à la poitrine, pour me trouver arrivé’ enfin au fond, nez à nez avec le Père Bonnemin 1! Quelle bonne surprise Je déconseille au Père de continuer sa route aujourd’hui, il est passé deux heures et nous allons loger ensemble à ln cabane du Père Ouvrard, qui, d’une cabane n’a cette fois plus que le nom.
Les trente porteurs du Père s’en vont ouvrir la route un bout pour demain: Avec une bande pareille, le Père arrivera facilement, c’est que les gars de TSEDJRONG soit des mar-cheurs. Par contre, il y a deux rentres de l’expédition qui n’arriveront pas. Ce sont les deux mulets du Père qui ont réussi le tour de force d’at-teindre la cabane. Tombant, se reicvnnt, tirés, poussés, les pauvres bêtes n’en peuvent déjà•plus. Mais les TAibétains veulent essayer de las passer et toutes mes objections ne les font pas démordre. Pour mon compte je ne doute pas du résultat : ou bien ils reviennent à TSEDJRONG, ou ils se cas-seront la tête à la descente de l’autre côté, mulets arriveront un jour après moi à TSEDJR011G) Nous passons la soirée ‘a causer près du feu et à boire du thé beurré.
La nuit est plutôt fraiche, et pourtant, nous sommes encore protégés par des restes de murs, tandis que le gros des porteurs couche dehors. Le matin nous nous séparons -cour filer dans des direc-tions opposées. Une heure encore dans la neige eh nous avons de nouveau du terrain solide sous les pieds, Laissant mes porteurs derrière moi, j’allon-ge le pas, attiré par la chère vieille résidence de TSEDJROUG et impatient de revoir le Père GOBE. Mon arrivée fait sensation, et boys et élèves, ne reconnaissent pas de suite, dans le long individu hirsute, brûlé, et portant un gros sac, le “noble magister” de WEISI. La réception cordiale, la bonne cuisine de maitre “Siao” une chambre qui m’est familière, un “ho-pen” bisu garni de charbons ardents autour duquel viennent se ranger les frimeusses brunes de mes copains, an uui, je me félicite d’avoir pris la …..e-ate du SILA. Et les soirs dans ic bureau du sueltre de céans, où. un “Bleu” canne moi, n’a qu’à ouvrir les oreilles pers: apprends:e un tas do chosCts bien utiles pour devenir sinologue, ethne-bée_grapho, GU mime juge de paix.
La fête de l’Immaculée Conception amène toutes mes connaissances à la mission. C’est gentil de se retrouver et de faire un brin de causette assis sur l’escalier de l’église. Le lendemain dinanche, les hommes vali-des reçoivent l’ordre do gagner en armes ATTENDZE, à deux jours d’ici, où une incursion thibétaine provoqués par une vendetta-de famille est imminente. J’aimerais bien partir avec eux, mais, hélas 9 C’est dans une au-tre direction que je pars. Lundi, 10 décembre, de nouveau la route me ti-re du doux repos. Je finis par trouver que la vie cet faite de départs, mais, attends, Bon Saint-Piurre, si jamais tu ouvres la grande porte du paradis pour moi, ne compte plus sur mon départ ….
Au pont de corde, tout se passe très bien, les mulets du Père Bonnemin que j’emmène et Martinet le boy thibétain dent ITSbitués’su.sport
•et’je suis loin des débuts. Le premier soir, le chef du village thibétain de BADU nous donne l’hospitalité. Le singe de la maison, vieille connaissance s’efforce de trouver des poux dans ma veste et se sert de moi comme d’un engin de gymnastique. Le lendemain nous faisons halte pour dîner, à YETCHE, le vieux Ignpsz de TSEDJRONG, s’y trouve et pour m’obliger d’y rester ce soir-là, expédie mes Utes au eturage. L’après-midi et le soir se passent en bavardage, des notables viennent me voir et môme le boudha vivant de la lamaserie de CAMPAN, membre do la famille princière de YETCHE me fait l’honneur d’une visite. C’est un jeune homme assez sympa-thique, portant de beaux habits, mais n’ayant rien d’une divinité. Ce n’est pas la première fois que je le rencontre et nous sommes pour ainsi dire
d.e vieilles connaissances. Le lendemain matin, pour arrivernàsIa date fi- :al et pour punir un peu Martinet Qui était de connivence avec le vieux I-naz, pour m’emecher de continuer hier, je décide d’aller à SIAO-WEISI en un jour. C’est une bonne étape de quelque douze heures, de route et nous arrivons de nuit chez le Père Coquoz.
Depuis un mois Monsieur Coquoz est en effet à SIAO.WEISI, et remplit les fonctions de Curé par intérim. J’atprends avec plaisir que j’aurais a l’assister Quelque temps, tandis que le Frère Duc irait à TALI en ravitailleur. J’aime assez le village de SIAO-WEISI, coincé entre la montagne et le MUNG, son torrent profond avec son joli pont couvert, la musique du fleuve qui se précipite contre les rocherrl juste sous la mission. Mais il s’agit d’aller myannoncer présent à WEISI. Mon gros Tionno, m’attendait et je l’échange de bon coeur contre la petite Hely du Pèrd Bonnemin. Hely est une sensible et une émotiVe, et tout ceux qui l’ont montée en savent quelque chose. Un caillou bizarre, un écureuil dans les buissons, suffisent pour lui faire prendre pour et alors c’est le bond fatal et ln course effrénée dans la brousse. N’a-t-elle pas failli me jeter en bas des rochers aux eaux chaudes dans un ruisseau â KIOUTA, ou dans le•MEKONG à GORIMAN, sans toutefois y réussir. J’en connais qui n’é-taient pas si heureux. Son compagnon Hoami, est un jeune mulet qui me rap-pelle certains collégiens toujours embarrassés de leurs longues jambes; sans charge, il jouera tous les tours possibles, un vrai gamin pour son a- go, et son seul défaut est d’avoir peur des ponts en mauvais état.
Ce défaut peut cependant avoir d’heureuses conséquences pour son cavalier. L’af-fection que jc lui porte, m’est rendue à coups de sabots, aussi suis-je de-venu prudent dans mes relations quotidiennes. N’est-ce pas bien des fois pareil chez les hommes et ne reçoit-on pas souvent les plus mauvais coups de ceux que l’on aime le mieux ? Pardonnez-moi cette digression, mais vous ne pouvez comprendre l’intérêt que l’on prend à, ses bêtes par ici d’abord, la question du prix 200 à 300 piastres pour un bon mulet ( le quart de ce qu’on payerait en Valais.) Ensuite, ce sont les compagnons fidèles de tous nos déplacements, et forcément on s’attache à une bète qui, par des chemins souvent incroyables, nous transporte sans défaillancea
Parti de SIAO-WEISI avec deux gamins chinois et trois bètes, nous allons coucher au village thibétain de LAKATANCe De là à WEISI, l’étape est courte et nous cheminons contents, Cette heureuse disposition d’esprit me remplit de bonnes intentions et lorsque nous rencontrons un groupe de six ou sept cavaliers chinois, jeunes et vieux, endimanchés et montés sur des petits chevaux fringants je sue tout disposé à céder la route, bien one je sois un “iang Eouan” .
f.sit-Lsetedue’JSuchseleu”smas-.(anspli’ls petit, “C’est un-diable” fric ditdiable. fC’est un bon prétexte, la route est mauvaise, pas facile de s’éca-rter.)”Aussi, cos messieurs “compagnons d’ diable” ne font pas mine de céder, étant la majorité, et se basant sur ln code non imprimé de la route, Ah 1 c’est çà, vous allez voir : j( cale en selle, un coup de cravache’ et mon “Tionno” comme un ouragan rouge, fonce dans le tas. Quellb panique 1 Les petits chevaux escaladent la montagne et les beaux messieurs se cramponnent à leurs selles. Le diable tangue dangereusement de tous côtés, mais je n’ai pas le temps de voir la fin, nous passons en trombe. Voilà un “retro satanas” peu ordinaire. Nous on rions encore quand la ville de WEISI apparaît du moins la brume bleue des fumées, la ville elle- même ne sera visible que de tout près. pont de pierre sur la rivière passé, une montée d’ un quart d’heure, nous ,-,mèno à la porte du Nord. Une partie de la ville traversée, nous lossor ere les pagodes qui, selon la règle, dominent la ville, mais sont cl:Lo-Kries dominées par la mission. Encore cinq minutes et je suis ail p’Jrt, CxLelle joie de retrouver notre cher Supéfieur, et le bon Frère Duc, u,:;s filleuls et ma vieille chambre, mon violon et ma paillasse !!
Mais vous aussi, mes amis, devez être heureux d’ arriver à la fin de mon récit, les yeux doivent vous faire mal, il me semble que vous allez Hélas ! que ne suis-je écrivain! Vous auriez peut-être vu le beau YUNNAN, ses montagnes et ses fleuves, ses forêts et ses torrents 1… J’aime bien ce pays, j’aime à courir sur ses routes, à grimper sur ses monts. Ce qui n’empêche pas que, par moments, je vois un village qui n’est pas d’ ici, un cher vieux curé penché sur ses abeilles, une fontaine entre deux peupliers, une cuisine illuminée, des petites têtes blondes, et c’est curieux, tout “dur cuire” que je suis, je sens une drôle de douleur dans la poitrine…
Robert Chappelet. le 20 avril 1935.
dmc