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MENSONGES DE LA CULTURE DE MORT

Son corps, mon droit ? Défaire les mensonges de la culture de mort.

Les traités logiques d’Aristote sont réunis sous le nom d’organon, désignant la boîte à outils du logicien désireux de maîtriser l’art de la pensée. On associe aux six traités qui composent cet « instrument » les traités sur la rhétorique et la poétique, portant sur les moyens de rendre efficace un discours, de manière à former un ensemble complet sur le langage et ses usages. L’un des textes de l’organon porte le titre de Réfiitations sophistiques. Comme son nom l’indique, il nous apprend à identifier les sophismes, c’est-à-dire les faux arguments, pour mieux les rejeter. Quiconque recherche la vérité doit savoir que le même mouvement qui le porte au vrai doit aussi le déterminer à écarter l’erreur. Dans le même sens, nous lisons au livre des Proverbes : « Ma bouche méditera la vérité, et mes lèvres maudiront l’impie » (Prov 8, 7). Ce n’est donc pas assez de parler selon le vrai, il faut encore dénoncer les fausses apparences pour en dissiper la trame mensongère.

Les sophismes des promoteurs de l’avortement servent à neutraliser un débat dont ils ne veulent pas en réalité. Quand ils se déclarent faussement « pro-choix », ils n’admettent en réalité d’autre choix que celui de tout permettre, à commencer par le meurtre de l’innocent.Jamais ils ne tolèrent qu’on fasse le choix de protéger l’innocent. Toute leur rhétorique est fondée sur le mensonge et tire profit de l’honnête naïveté d’une foule de gens séduits par leur adroite malice. Il faut le souligner en effet, beaucoup de partisans de l’avortement ne savent pas ce qu’ils font, ils ne le soupçonnent pas et ne se font les complices d’une industrie meurtrière que parce que des menteurs professionnels les ont circonvenus en leur remplissant les oreilles de faux-semblants et de raccourcis trompeurs.

Je dis que les avocats du meurtre institutionnalisé mentent. La vérité est que leurs mensonges sont autant de cache-misère qui leur servent de paravent pour dissimuler l’extrême faiblesse de leur argumentation. À défaut d’arguments sérieux, ils multiplient en effet les slogans, les pirouettes verbales et autres pétitions de principe pour jeter de la poudre aux yeux des gens afin de les gagner à leur cause en les manipulant de manière éhontée. Il est urgent de tirer la sonnette d’alarme, pour que nos contemporains réalisent à quel point on les instrumcntalise pour les associer à une culture de mort qui, en quelques décennies, a causé plus de ravages que les guerres dont l’histoire a conservé le souvenir depuis l’aube des temps : entre quarante et cinquante millions d’avortements dans le monde chaque année, si l’on en croit des statistiques officielles, sans doute bien en-dessous de la réalité. Chaque année, cette industrie fait presque autant de victimes que la seconde Guerre mondiale en cinq ans. N’est-il pas indécent de nous rebattre sans cesse les oreilles avec un conflit du passé, si affreux qu’il ait été (et il l’a été, il n’est pas question de le nier), quand on en perpétue la logique de mort avec un surcroît d’efficacité, en temps de paix et avec la complicité du grand nombre ?

Où sont donc les mensonges et faux-fuyants de cette culture de mort ? Partout. Considérons les arguments de ses promoteurs : nous verrons qu’ils éludent le problème et ont pour fonction première d’obvier à l’inconvénient que représenterait la confrontation sérieuse avec la réalité de l’avortement.

Le premier argument, le plus absurde sans doute et cependant le plus répandu, est la formule bien connue : « Mon corps, mon droit ».

Seigneur ! faut-il donc que nous vivions dans un âge de ténèbres pour devoir se donner la peine de réfuter un slogan captieux si évidemment mensonger qu’il mériterait d’être écarté d’un éclat de rire. Malheureusement, il n’y a pas de quoi rire, puisqu’on voit le slogan brandi comme une évidence par ceux qui s’en réclament pour justifier le meurtre de l’enfant à naître.

Le principe « mon corps, mon droit » est faux, mais admettons aux fins du présent argument qu’il soit vrai, et voyons s’il s’applique au cas qui nous occupe. Si mon corps implique mon droit, ai-je le droit d’avorter ? Sans doute, mais à la condition que nous parlions bien de mon corps. Or ce n’est pas le cas. Embryon ou le foetus est-il mon corps ? Bien sûr que non : il est dans mon corps, mais il n’est pas mon corps. Quiconque en douterait — car « le nombre des sots est infini », comme dit l’Ecclésiaste (Eccle 1, 15) — pourrait toujours recourir à un test ADN pour s’apercevoir que l’organisme vivant se développant à l’intérieur de mon corps n’est pas moi, puisque mon ADN n’est pas le sien et que sa vie a beau dépendre de la nourriture que je lui prodigue, il n’est pas mon corps pour cela. Les droits éventuels que j’ai sur mon corps ne peuvent être étendus au corps d’un autre.

Prétendre que « mon corps, mon droit» suffit à justifier l’avortement revient donc à confondre les déterminants possessifs, puisqu’il ne s’agit pas de mon corps mais de
celui d’un autre situé dans mon corps. Un minimum de cohérence exigerait qu’on dise plutôt « son corps, mon droit », mais la formule a des relents esclavagistes, et cela fait un certain temps, je crois, que nous nous flattons d’avoir renoncé à disposer ainsi de la personne d’autrui… Le slogan sempiternellement répété repose donc sur ce qu’en logique on appelle une ignoratio elenchi, une « ignorance de l’argument » qui dénote une confusion de langage (voir Aristote, Réfutations sophis¬tiques, 167a éd. Bekker) : je crois parler de mon corps, quand je parle en réalité de celui de quelqu’un d’autre.

On prétend aussi que des avortements ont inévitablement lieu, et que les interdire expose par la suite les femmes désireuses d’avorter à le faire dans de mauvaises conditions.

Puisque cela aura lieu de toute façon, dit-on, pourquoi ne pas permettre que cela se fasse dans de « bonnes conditions » ? Passons sur le fait que les conditions, du point de vue du foetus ou de l’embryon, ne sont jamais bonnes, puisqu’elles reviennent à le tuer. Essayons le même argument avec autre chose que l’avortement, pour en apprécier la qualité. Le braquage de banques est une réalité ; comme c’est illégal et risqué, les truands se munissent d’armes, accroissant incontestablement le risque de répandre le sang. Puisque, de toute façon, les malfrats ne renonceront pas à l’appât du gain, ne devrait-on pas envisager de prévoir un cadre légal pour que les braquages se déroulent plutôt dans de bonnes conditions, sans armes et sans risque de provoquer un bain de sang ? On permettrait par exemple aux voleurs de produire un formulaire qui leur donnerait accès au coffre pour repartir ensuite avec l’argent sans blesser les employés de la banque ou d’éventuels clients de passage. Risible, n’est- ce pas ? Le comique apparaît ici en pleine lumière, alors que c’est exactement le même argument absurde qui nous est servi pour justifier l’avortement.

« Mais ce n’est pas pareil », insiste-t-on : « Braquer une banque ou avorter un foetus, ce n’est quand même pas la même chose ! » Ce n’est pas moi qui dirai le contraire. Cependant, je maintiens que, tout différents soient- ils, les cas sont analogues puisqu’ils roulent sur un même argument, consistant à dire que ce qui arrive inévitablement doit être légalisé pour se dérouler dans de bonnes conditions. Cet argument est faux et ridicule, car il permettrait de légaliser tout et n’importe quoi, le viol aussi d’ailleurs. Pensez donc : non seulement cela se produit, mais en plus, dans des conditions effroyables. Ne faudrait-il donc pas instituer des cabines de viol comme on ouvre des salles de shoot, pour que tout se déroule dans des conditions plus satisfaisantes ?

Quand on tâche d’encadrer une pratique par des règles destinées à garantir son déroulement dans de bonnes conditions, c’est que l’on accorde en principe que la pratique en question est acceptable. Si la pratique est inacceptable, on ne cherche pas à optimiser son déroulement, mais on met tout en oeuvre pour l’inter¬dire purement et simplement : c’est parce que le braquage de banques est inacceptable qu’on ne fait pas de loi pour que tout se déroule au mieux ; c’est parce que le viol est un attentat monstrueux contre l’intégrité d’autrui qu’il n’est pas question de l’encadrer par des dispositions légales. Et l’avortement, alors ? Précisément : avant de se demander s’il faut ou non permettre à cette pratique de se dérouler dans de « bonnes conditions », il faut avoir résolu une autre question en amont, et s’être demandé si cette pratique était seulement acceptable. Ainsi donc, ceux qui revendiquent de « bonnes conditions » comme argument en faveur de l’avortement suggèrent sans le dire que la question de savoir s’il faut admettre l’avortement est déjà résolue. Or cela s’appelle une pétition de principe, comme l’explique Aristote dans
les Premiers analytiques, un des autres traités de l’organon : une pétition de principe est un argument vicieux qui présuppose, au principe de la démonstration, ce qu’il doit établir. Ici, on présuppose l’acceptabilité de l’avortement pour exiger que sa pratique soit légalisée.

On dit encore qu’un enfant doit pouvoir être élevé dans de bonnes conditions.

Qui donc ne  le voudrait pas ‘? D’autant que cette fois les « bonnes conditions » ne lui sont pas aussi préjudiciables qu’elles ne l’étaient dans l’argument précédent ! De là à en faire un argument en faveur de l’avortement, c’est une tout autre affaire. D’abord, les «bonnes conditions », que sont-elles ? Sûrement, une personne habituée au luxe (moi, par exemple) se fait une tout autre idée de ce que recouvre cette expression qu’une personne accoutumée à des conditions d’existence précaires. De mauvaises conditions à mes yeux seraient jugées fort satisfaisantes par d’autres. C’est un principe de relativité classique : l’eau tiède paraît chaude à la main préalablement refroidie dans l’eau glacée, et froide à la main sortant de l’eau chaude. Typiquement, un occidental de classe moyenne ou supé¬rieure estimera qu’un enfant a le « droit » d’avoir sa chambre, sa garde-robe Superdry, son Smartphone et son ordinateur portable, et que c’est bien là la moindre des choses pour qu’un jeune se développe dans de « bonnes conditions ». Lesquelles bonnes conditions paraîtront excessives à beaucoup de gens de par le monde, qui ne sont pas pour cela des barbares rétrogrades et bourreaux d’enfants.

Mais ne chicanons pas, car il est très possible de trouver des cas de figure que nul ne regardera comme de bonnes conditions : de graves maladies par exemple. Imaginons alors un adolescent ou un jeune adulte handicapé à la suite d’un malheureux accident. Le handicap justifie-t-il son élimination sous prétexte que les bonnes conditions lui font défaut pour le restant de ses jours ? Certainement pas ! Et les partisans de l’euthanasie eux-mêmes diront que le seul qui doive en décider est le principal intéressé, tandis que les autres ne sont pas habilités à décréter si sa vie vaut ou non la peine d’être vécue.

« Oui dira-t-on, « mais on ne peut tout de même pas poser la question au foetus ou à Vembiyon, alors il faut bien que quelqu’un décide pour lui. » Si votre adolescent ou jeune homme est inconscient à la suite de l’accident qui doit entraîner son handicap, déciderez-vous pour lui s’il doit être opéré dans la mesure du possible, ou euthanasié sur le champ ? «Ah non, il faut attendre qu’il se réveille. » Eh bien, puisqu’on est disposé à attendre que la personne incapable pour l’heure de rien dire soit en mesure de donner son avis plus tard, pourquoi ne juge-t-on pas nécessaire d’attendre que le foetus ait, lui aussi, eu le temps de grandir et de naître pour donner son avis ? On voit bien que l’argument tiré d’une vie dans de « bonnes conditions », outre sa relativité, est appliquéde manière incohérente : s’il s’agit d’un adolescent, on ne s’octroie pas le droit de décider pour lui s’il doit vivre ou mourir ; s’il s’agit d’un embryon, on s’autorise de son silence pour exercer sur lui un droit de vie et de mort.

Ce que révèle cette incohérence, c’est que les « bonnes conditions » servent ici de paravent, et présupposent que l’embryon n’est pas vraiment un être humain, sans quoi on devrait admettre qu’on ne peut pas décider de le tuer en prétextant simplement que sa vie ne sera pas agréable. Du reste, beaucoup de personnes qui avaient tout pour être heu-reuses, comme on dit, ont été bien malheureuses ; et d’autres dont la vie paraissait devoir être terne et triste ont mené une vie meilleure et beau¬coup plus heureuse qu’on ne se l’était figuré. Qui sommes- nous donc pour prétendre savoir, à l’aube d’une vie, de quels heurs et malheurs elle sera faite ? Et quand même nous le saurions, qui sommes- nous pour décider de la vie d’autrui ou de sa mort s’il n’est coupable d’aucun crime ?

Derrière ces trois arguments — « mon corps, mon droit » ; «permettons à ce qui arrivera de toute façon de se dérouler dans de bonnes conditions » ; et « il est irresponsable d’accueillir un enfant si on ne peut lui offrir de bonne conditions d’existence » — se cache le même présupposé : ce n’est pas vraiment un être humain, car si c’en était un, ces arguments ne vaudraient rien. Celui qui vous dit « mon corps, mon droit» laisse entendre qu’il ne croit pas qu’il s’agisse d’un être humain à part entière. Celui qui réclame un cadre légal a déjà réglé la question, puisqu’il n’y a, d’après lui, pas mort d’homme, sans quoi il ne serait pas question de légiférer. Celui qui veut que tout enfant puisse gran¬dir dans des circonstances favorables ne prétend pas s’arroger le droit tuer les enfants déjà nés ou leurs aînés si leur vie prend une mauvaise tournure. Parce qu’on n’a pas droit de vie et de mort sur un autre être humain innocent. Mais sur un tas de cellules, bien sûr, c’est différent.

Ah ! le tas de cellules… Une étiquette bien commode, une formule toute faite qui, par la  magie des mots, prétend effacer la réalité simplement parce qu’on a changé son nom. Considérez le « tas » de cellules, et dites-moi ce qui le distingue d’un autre « tas » de cellules qu’on appelle un homme adulte. Le nombre de cellules, essentiellement. Existerait-il donc un nombre magique en deçà duquel on n’est pas humain, et au-delà duquel on le devient soudainement ? L’embryon et moi ne sommes pas si différents : deux « tas » de cellules. L’un plus gros que l’autre, c’est tout. Du point de vue de l’organisation commandée par la structure ADN, il n’y a pas de différence : ces « tas », petit ou grand, sont organisés avec plus de précision que n’est réglée une horloge suisse. Notez au passage qu’on ne dit jamais d’une horloge qu’elle est un « tas » de rouages : on réserve normalement le nom de ‘tas’ à un ensemble sans ordre. Je suis un ancien embryon, et je n’ai pas cessé d’être moi, puisque la même organisation struc¬ture l’ensemble de cellules, plus ou moins nombreuses, qui me constituent. Je ne suis pas devenu humain, je l’ai tou¬jours été, et le nombre de cel¬lules composant mon corps n’y change strictement rien. Qu’il y en ait quelques dizaines ou cent mille milliards, leur organisation est réglée par une même structure de fond qui demeure stable.

Ce « tas » de cellules est un foetus ou un embryon, soit, mais ces mots ne renvoient pas à une nature différente : ils renvoient à des âges différents, comme aussi les termes ‘nourrisson’, ‘enfant’, ‘adolescent’, ‘adulte’ et ‘vieillard’. C’est le même être à différents stades de sa vie, dont l’âge est signifié d’après des étiquettes commodes qui se fondent les unes dans les autres. Y a-t-il un moment où soudain l’adolescent disparaît corps et biens pour qu’un adulte prenne le relais ? Sont-ce deux êtres différents, ou s’agit-il au contraire d’une même personne à deux stades suc¬cessifs de son existence ? Poser la question, c’est y répondre : le processus est continu, et rien ne l’inter¬rompt que la mort.

Voilà pourquoi tous les arguments mensongers des partisans de l’avortement sont des cache-misère dis¬simulant la seule vraie question : quand on parle
Je suis un ancien embryon, d’avorter, que dit-on que l’on avorte ? S’agit-il, oui ou non, de tuer un être humain ? Derrière les slogans du prêt-à-penser, il y a cette suggestion récurrente, qu’il ne s’agit pas vraiment d’un être humain. Il est pourtant très facile d’établir le contraire : ce que l’on envisage d’avorter, est-ce un être vivant ? Il se nourrit et grandit. Jusqu’à preuve du contraire, c’est là une caractéristique de tous les êtres vivants observés de par le monde. Les cailloux, en revanche, sont inertes parce qu’ils ne mangent ni ne croissent. Dans le sein de la mère, ce qui se développe est donc bien un être vivant. Bien, il faut maintenant se demander à quelle espèce appar¬tient le vivant en question, car il est certain que tout être vivant appartient à une espèce déterminée. Le petit organisme vivant qui se déve¬loppe à la suite d’une relation sexuelle entre un homme et une femme n’appartient pas à l’espèce des crapauds, des pan¬das ou des baleines à bosse ; il appartient à l’espèce humaine depuis le premier instant de sa conception, car on ne change pas d’espèce en cours de crois-sance : le foetus humain ne devient pas un petit singe puis un rapace adulte avant que de se transformer en un vieil hippopotame (encore que certains semblent tout mettre en oeuvre pour donner le change).

Alors, comment appelle-t-on un organisme vivant appartenant à l’espèce humaine ? Un être humain, tout simplement, et ce, quel que soit son âge. Comme le dit Aristote dans le premier des traités de son organon, « la substance n’est pas susceptible de plus ou de moins » (Catégories, 3b éd. Bekker), ce qui signifie qu’il
n’y a pas d’homme qui soit plus ou moins un homme qu’un autre homme. On est un être humain ou on ne l’est pas : la saine philosophie réaliste n’admet pas logiquement les catégories de « surhomme » ou de « sous-homme ». Qui serait tenté de considérer certains humains, les embryons par exemple, comme des sous- hommes, pourra trouver dans certaine philosophie de l’époque contemporaine de quoi soutenir ses vues. Mais je doute que quiconque ait très envie de se récla¬mer de cette pensée qui exalte l’Übermensch au détriment de l’Untermensch…

On appellera certes l’homme d’un nom approprié à son âge, mais sans que ce nom porte préjudice à sa nature d’être humain : un adulte, c’est un être humain assez âgé pour porter ce nom ; un enfant, c’est un tout jeune être humain qui n’a pas encore atteint la puberté ; un embryon, c’est un être humain si jeune qu’on ne lui
applique pas encore le nom de foetus. Et entre le foetus et le nouveau-né, la rupture relève essentiellement de la géographie (dans le sein de la mère ou en dehors). La nature ne change pas : l’être vivant appartient à l’espèce qui est la sienne depuis le moment de sa conception jusqu’à sa mort. L’avortement est donc l’élimination — et qu’on cesse de dire interruption de grossesse, comme s’il s’agissait seulement d’interrompre une conversation pour la reprendre plus tard ! — d’un organisme vivant appartenant à l’espèce humaine. En langage clair : la mise à mort d’un être humain, innocent de surcroît.

Ce n’est donc pas mon corps, mais celui d’un autre être humain, sur lequel je n’ai pas droit de vie et de mort (1). Il n’y a pas lieu, du reste, de prévoir un dispositif légal pour encadrer l’extermination des humains jugés indésirables (2). Ensuite, on ne tue pas quelqu’un sous prétexte que ses conditions de vie ne sont pas telles qu’on les souhaiterait (3). Quant au prétendu « tas » de cellules, il est sans doute moins gros que celui qui écrit actuellement ces lignes, mais il est tout aussi vivant et appartient à la même espèce, qui le qualifie comme être humain (4). C’est aussi simple que cela, et tout un chacun pourrait aisément s’en convaincre n’était la violence des rhéteurs affidés à l’industrie du crime légalisé, pour ne rien dire des vociférations qui tiennent lieu d’arguments aux militants fanatisés de la culture de mort. Dans le prologue de son traité de jeunesse sur L’Invention (chap. 3), Cicéron déjà déplorait que l’espace public était saturé par les discours des partisans du mensonge abusant d’effets rhétoriques pour la ruine de l’État et la confusion des honnêtes gens. Au lieu de baisser les bras, il encourageait les bons et ceux qui aspirent au bien à redoubler plutôt d’efforts pour regagner le terrain perdu et le restituer à la vérité et au bon droit dans l’intérêt de tous. Face aux slogans omniprésents de la culture de mort, nous devons nous aussi nous armer de courage, dénoncer la fausse rhétorique et les manipulations dont tant de nos contemporains se font les complices ou deviennent victimes malgré eux. Des vies humaines sont en jeu, des mères sont blessées, et des pères également : cela vaut bien que l’on prenne un peu de temps pour identifier les erreurs et défaire les mensonges qui causent tant de dommage aux corps et aux âmes.

Stéphane Mercier, Ph.D.

Article paru dans la revue *CHOISIR LA VIE” – décembre (Noël) 2018

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