IX. Nous arrivons au Tibet, à Songta
Journal d’un catholique thibétain
Le lendemain matin, nous arrivons au col Solongla (1.). Je me retourne et aperçois mon pays natal, mes montagnes et quelques habitations. Je ne peux m’empêcher de songer à ma femme, à ma maison, à mes enfants, à mes proches… Comme c’est pénible de devoir tout abandonner sans savoir pour combien de temps! Aurais-je un jour la possibilité de les revoir? A mon insu, les larmes inondent mon visage. Après nous être reposés durant près de quinze minutes, nous prenons la ferme décision de descendre vers Songta.
Les révoltés tibétains
Lorsque nous arrivons à Songta, le chef du village nous empêche de poursuivre notre route. Il nous dit: «Les révoltés tibétains nous ont formellement interdit de permettre à quelqu’un de l’extérieur d’aller plus en avant dans le Tibet. Ils nous ont menacé de punir tout le village au cas où nous laisserions passer un inconnu.» Après une longue discussion, le chef du village nous autorise à aller plus loin (2.). Il envoie un villageois qui nous accompagnera jusqu’auprès des bandes tibétaines révoltées. A cette époque, les révoltés les plus proches étaient stationnés à Aben – Qunatong.
En arrivant à Aben, nous demandons à la sentinelle du poste de garde de nous conduire auprès de Adji, le roitelet de Yaogong. Un combattant nous y emmène. Adji est très content de nous rencontrer. Il nous demande des nouvelles de chez nous et des menées communistes. Nous lui répondons en toute franchise. Nous souvenant des difficultés que nous avons rencontrées en passant à Songta, en fin de conversation, nous demandons à Adji: «A l’avenir, si des gens de chez nous veulent s’enfuir dans le Tsarong, serait-il possible de ne pas les importuner, voire de les aider?» Adji donne alors à la personne de Songta qui nous avait accompagnés l’ordre suivant: «Dorénavant, si des gens veulent venir par ici, informez-vous minutieusement sur leur situation et sur leurs intentions. S’il n’y a pas de problème, ne leur faites pas de difficultés; laissez-les passer immédiatement.» Adji le congédie ensuite et lui demande de retourner à Songta.
- Le col Solongla fait frontière entre le Yunnan et le Tibet. A cette époque, les soldats communistes n’osaient pas s’y aventurer.
- Les habitants de Songta n’ont pas d’armes et ne peuvent pas les empêcher d’aller plus en avant, car Zacharie et les siens sont bien armés. Aussi décident-ils d’envoyer avec eux un délégué du village qui les accompagnera jusqu’auprès des révoltés tibétains.