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XIII Des soldats birmans nous emmènent en Birmanie

Comme convenu, le lendemain, les trois retournent au Tibet. Léon, Andréa et moi-même, nous restons sur le plateau de Longsai, jusqu’à leur retour. Tout était bien planifié, mais, voici que, deux jours après leur départ, arrivent à Longsai quelques birmans accompagnés de trois soldats. D’un ton sévère, ils nous disent : « Vous avez pénétrer plus de dix kilomètres en Birmanie. Vous ne pouvez plus y séjourner. Retournez immédiatement chez vous. Il ne vous est pas permis de rester ici. »

Sans hausser le ton et avec beaucoup d’instance, nous les supplions de comprendre nos difficultés. Ils nous répondent : « Quoique vous nous le demandiez avec insistance, nous ne pouvons pas vous permettre de descendre plus bas en Birmanie. Nous avons reçu des ordres formels. Rentrez rapidement chez vous, s’il vous plaît ! » Nous insistons : « si vous nous obligez à rentrer chez nous, nous n’avons aucun échappatoire : c’est sûr, nous allons mourir. Nous préférons mourir sous vos mains, plutôt que de rentrer chez nous. Jamais nous ne retournerons sur nos pas. »

Nous parlementons ainsi durant trois jours et ne cédons pas. Finalement, à bout d’arguments, ils nous disent : « D’accord, nous vous emmenons tous avec nous. Envoyez quelqu’un chercher les trois autres ! » Nous leur répondons : « Maintenant, nous ne savons pas où ils sont. Nous ne pouvons plus les rattraper, mais, dans dix-sept jours environ, ils seront de retour. Attendez ici qu’ils reviennent ! »

Les soldats birmans se rangent à notre avis et restent avec nous durant une semaine. Sur ce plateau désertique, aucun endroit où renflouer nos provisions qui diminuent de jour en jour ! Nous ne pouvons plus continuer à les attendre. Les soldats nous demandent de descendre avec eux. J’écris alors une courte lettre ainsi rédigée : « Nous sommes descendus en Birmanie, en compagnie de soldats birmans. Dès que vous serez de retour, descendez immédiatement ! N’ayez pas peur ! » Je donne cette missive aux birmans qui parcourent le plateau afin de récolter des plantes médicinales, et leur demande de bien vouloir remettre cette missive à nos compagnons tibétains, dès qu’ils les apercevront. Sur ce, nous nous mettons en route avec les soldats birmans.

Tout en marchant, je songe à mon pays, à ma famille, à mes proches que j’ai laissés derrière moi… Maintenant que je suis si loin, je n’ai plus qu’un unique fils pour m’aider. Il est comme un trésor dans ma main. Aujourd’hui, c’est comme si je l’abandonnais sans savoir quand je pourrai le revoir à nouveau… Plus j’y pense, plus mon cœur s’attriste et je ne parviens plus à retenir mes larmes.

La voie à suivre est très difficile. Souvent ce n’est qu’une trace à travers des précipices. Les ponts sont branlants et en mauvais état. A peine ose-t-on s’y hasarder, déchargés de tout fardeau. Avec nos bagages, sans l’aide des soldats, jamais nous ne pourrions franchir de tels ponts. Avec patience et amabilité, ils nous tendent souvent une main secourable. Un soldat prénommé Joseph est très prévenant et m’aide beaucoup. Ainsi, nous cheminons avec eux sans trop de problèmes, durant cinq jours.

Peu avant d’arriver au campement militaire, les soldats sortent des cordes et nous attachent les mains en disant : « si nous ne faisons pas ainsi, en arrivant, nos chefs vont nous engueuler et nous punir ». Très mécontent, je me dis en moi-même : « Nous ne les avons pas offensés. Nous n’avons pas volé. Nous n’avons pas tué. Nous n’avons commis aucune faute. Pour quelle raison nous attachent-ils ainsi, comme des malfaiteurs ? » Je pense ensuite au Seigneur Jésus, lui qui n’a commis aucune faute a cependant subi, pour nous, de grandes humiliations et d’horribles supplices. Moi qui ai commis de si nombreux péchés, pourquoi ne supporterai-je pas quelques adversités ? Le cœur apaisé, je dis alors aux soldats : « Faites comme vous le jugez bon ! » Nous marchons encore durant quinze minutes et arrivons au camp militaire.