Skip to main content

XXVII. A RANGOON

Dans le camp, on nous laisse vivre à notre guise. Si je reste désoeuvré, il me semble que le soleil n’avance pas et le temps me paraît très long. Aussi, chaque jour, je travaille un peu avec les soldats.

Le dimanche, je vais assister à la messe.

Le Père est toujours très heureux de me rencontrer et il me pose de nombreuses questions : « Le travail est-il pénible ? La nourriture est-elle bonne ? T’ont-ils fait des misères ? Ont-ils dit quand tu pourras quitter le camp ? » Le Père se préoccupe de ma situation, comme le ferrait un papa pour ses enfants chéris. Jamais je ne l’oublierai !

Après deux mois passés dans le camp, un soir, vers les six heures, l’officier du camp m’appelle dans son bureau et me dit : « La lettre de ton supérieur est arrivée. Il te demande de partir immédiatement pour Rangoon. » Je suis troublé et je demande avec inquiétude : « Pourquoi dois-je aller à Rangoon ? Allez-vous me livrer aux communistes ? Dites-le moi sans détour ! » Il me répond : « Nous n’allons pas te remettre aux mains des communistes ; mais tu dois aller trouver la personne qui t’attend à Rangoon. »

Je lui dis alors : « Maintenant je vais faire mes adieux au Père et demain je partirai pour Rangoon. » Il me répond : « Le train pour Rangoon part dans une heure. Tu n’as plus assez de temps pour rencontrer le Père. » J’insiste et lui dis que je ne partirai pas sans avoir salué une dernière fois le Père. Alors, le soldat qui devait m’accompagner jusqu’à Rangoon me dit : «Dépêche-toi de préparer tes affaire, si tu désires avoir encore le temps de rencontrer le Père ! » Vite, je ramasse mes affaires et nous partons.

J’espère passer d’abord saluer le Père, mais nous allons directement à la gare. Lorsque nous y arrivons, le train va bientôt partir et de nombreux voyageurs montent dans les wagons. Nous n’avons plus le temps d’aller rendre visite au Père. Le cœur lourd, je gravis le marchepied. Je suis triste de ne pas avoir la possibilité de rencontrer une dernière fois ce Père qui m’a tellement aidé, lorsque j’étais dans la peine ou en difficultés. Ce Père qui m’a traité comme son propre fils, ce Père que jamais je ne pourrai récompenser adéquatement, je n’ai même pas eu la possibilité de lui faire mes adieux et de lui dire un grand merci.

Après deux jours de voyage en train, nous arrivons à Rangoon. Un agent du parti nationaliste chinois vient me cueillir à la gare. Parce que mes papiers ne sont pas en ordre, je dois encore passé trois mois à Rangoon, confiné dans une petite chambre. Je ne peux ni aller à l’église, ni assister à la messe, ni rencontrer un Père. Je suis comme emprisonné. Au bout de trois mois, je reçois mon visa d’entrée à Taiwan et m’embarque à destination de Taiwan.

ADIEUX DE BAHANG 1993

Les circonstances qui m’ont poussé à quitter Bahang, mon pays, et les divers événements vécus en cours de route jusqu’à mon arrivée à Taiwan, je les ai soigneusement consignés dans ce récit.