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CHE KUAN YONG (1925-2000)

Evoquer la belle figure du Père Kuang-Vong, dont l’ordination et le ministère sacerdotal avaient tant réjoui Mgr Lovey, n’est-ce pas aussi une belle manière d’honorer notre cher Prévôt.

André Che Kuang-Yong,premier prêtre de la Mission du Thibet ordonné depuis l’occupation communiste, vient de mourir à l’âge de 75 ans. Il a été enseveli le 17 mars (2000) au cimetière de Sio-Weisi, auprès du Chanoine Henri Nanchen, décédé en 1940, près de la tombe où repose depuis 1895 le Père Goutelle des Missions Etrangères de Paris, fondateur du poste.

Bernard Marie et She Kuan Yong

Le Père Che Kuang-Yong eut une vie mouvementée et souvent douloureuse; orphelin dès son jeune âge, il vécut à la mission de Siao-Weisi avec son petit frère d’un an ou deux plus jeune. Il dut faire tous les petits travaux qu’on attendait de lui, mais il eut aussi la chance de fréquenter l’école. Il s’appelait alors Guen Fou et son frère Guen Lou.

Comme le petit Guen Fou, qui prit plus tard le nom de Che Kuang-Yong, montrait quelques aptitudes pour les études, le Père P. Coquoz, responsable du poste, le joignit dès 1935 au premier groupe des candidats-étudiants du Probatoire commencé à Siao-Weisi et transféré ensuite à Hualopa. Ces élèves étaient tous des enfants de langue thibétaine venant des missions de Yerkalo, Tsechung ou de la vallée du Salouen; il était le seul d’origine chinoise et il eut certainement à souffrir de la part des «sauvageons» thibétains ou loutze, d’autant plus qu’il était gringalet et très timide.

En 1945, le Père Tornay ayant été nommé à Yerkalo, la fermeture du Probatoire de Hualopa fut décidée et on envoya trois des plus avancés, dont notre Che Kuang-Yong, au Petit Séminaire de la capitale, Kumming. Il n’y reste que deux ans et on le renvoie à Weisi où le Père Lattion lui enseigne la théologie avec beaucoup de dévouement.

Durant les troubles qui précédèrent la «libération», il vécut à la mission de Weisi et passa près d’un an avec nous lorsque les missionnaires de la vallée du Mékong furent concentrés à Weisi (en particulier avec le Père Lovey). Il aurait été prêt pour l’ordination au moment de notre expulsion en janvier 1952, mais il était déjà trop tard, et il n’y avait pas d’évêque.

Au cours de l’année 1952, il se réfugia dans la vallée du Salouen, puis dans son village où il fut appréhendé, passé en jugement populaire et condamné aux travaux forcés. peine qu’il subit une vingtaine d’années dans la région de Likiang. Une fois libéré, il resta quelque temps auprès de Mgr Lieou, responsable de Tali, ancien diocèse des Pères de Bétharram.

Désirant toujours devenir prêtre, il se rend à Kumming en 1986 pour refaire un peu de théologie, puis l’année suivante, il suit les cours au Séminaire de Cheshan à Shanghai où il est ordonné par Mgr Lou-Hsien le 13 juin 1987. une force d’âme faisant fi de sa fragile santé. A plusieurs reprises, les chrétiens durent le porter à dos d’homme à travers des cols dépassant les 4000 mètres.

Dans son zèle de «jeune» prêtre, il rendit visite aussi, avec quelques fervents chrétiens de Yerkalo, à la partie de la mission située dans le Sichuan, soit à Batang et Kangting (Tatsienlu) , où il passa une vingtaine de jours pour la fête de l’Assomption 1989.

Laissez-moi citer maintenant quelques chiffres remarquables, tirés du premier rapport qu’il nous a envoyé à Taiwan: septembre 1987 à Pâques 1988, il a administré 1131 baptêmes et 1680 confirmations.

De retour au pays, il se lance à fond dans l’apostolat. Voici ce que j’écrivais à ce sujet pour la réédition du livre «Un homme séduit par Dieu»: Parmi les élèves du Bx Maurice Tornay, Che Kuang-Yong mérite une mention particulière, car il fut ordonné à l’âge de 62 ans, après une vingtaine d’années de prison.

Depuis son retour dans la «Mission du Tibet», il a visité et réconforté par les sacrements toutes les chrétientés des vallées du Mékong et du Salouen, de Weisi à Yerkalo, confirmant dans la toi les anciennes communautés, en créant de nouvelles, se dévouant avec ferveur.

Le Père Che Kuang-Yong aimait résider au Loutzekiang, c’est-à-dire dans la haute vallée du Salouen, spécialement à Bahang, car la population mi-loutze, mi-thibétaine, d’un tempérament plus amène que les Thibétains du Mékong, s’accordait bien avec son caractère. Il  y restait parfois trop longtemps, vu les besoins des autres chrétientés.

Malgré ses déficiences, il fut un prêtre méritant et le Seigneur lui accordera certainement la récompense du bon et fidèle Serviteur.


Père Alphonse Savioz c.r.