Echange de lettres entre le Ch. Lovey et Bernard Marie, 1998
via Mme Engeline Mol-Tromp, hollandaise habitant Tokyo
1ère lettre de Mme Engeline Mol-Tromp au Père A. Lovey
Tokyo, le 14 octobre 1998
Cher Monseigneur,
Vous devrez bien être surpris de recevoir une lettre venant de Japon de la part d’une personne inconnue. Cependant ci-inclus vous trouverez une lettre de quelqu’un que vous connaissez depuis longtemps, M. Bernard Marie Kiang.
Laissez-moi expliquer comment nous (mon mari et moi) sommes arrivés en Chine. Je veux d’abord me présenter. Moi, je suis Engeline Mol-Tromp, agée de 57 ans. Je suis mariée avec Jacobus Mol, 58 ans. Nous sommes hollandais de nationalité. Comme mon mari travaille à l’Ambassade des Pays-Bas à Tokyo, nous habitons ici.
Cet été nous sommes allés en vacances avec des amis hollandais, 14 personnes au total. Nous avons visité beaucoup de sites historiques, temples, grandes villes comme Beijing, Shanghai et Guangzhou et aussi Dali.
En nous promenant dans cette charmante petite ville chinoise, nous sommes aboutis sur une plaque annonçant ‘Catholic Church’. Comme nous sommes catholiques de religion et curieux de savoir comment une église chinoise ressemblait, nous sommes entrés sur le parvis de l’église. Et voilà que nous avons rencontré M. Bernard Marie. Il s’avançait de nous tout souriant. Il nous avait parlé de tout, de l’église, de son passé, de sa paroisse.
Il tombait bien que nous pouvons nous entendre très bien en français. Mon mari et moi, nous avons étudié la langue française. Et après tant d’années, M. Marie Bernard Kiang n’avait pas encore oublié
cette langue non plus.
Nous lui avions promis de revenir le lendemain afin de rencontrer le prêtre chinois et de dîner tous ensemble chez eux. Le lendemain soir nous étions douze personnes à dîner, une vieille religieuse, une jeune religieuse et la cuisinière inclusivement. La nourriture était simple mais très bonne, mais ce qui comptait encore mieux c’était l’animation.
Nous nous sommes promis de revenir à la messe le lendemain matin avec les autres personnes de notre groupe, tous des hollandais et de descendance catholique. Outre le prêtre, M. Bernard Marie, un laïque, les deux religieuses et nous il n’y avait plus personne à l’église. M. Bernard Marie avait tant réjoui d’être entouré de personnes qui pouvaient chanter des chants grégoriens.
Il nous avait parlé de vous et de votre lettre. Quand nous nous sommes dit adieu il m’a remis une lettre pour vous en priant de la vous envoyer après notre retour au Japon. Eh bien, la voici incluse.
Il nous a dit aussi qu’il a étudié latin et qu’il aime le chant grégorien. Il voudrait bien avoir un ‘liber usualis’ qu’il puisse utiliser pendant les messes. Au mois de novembre mon mari partira pour la Hollande pour quelques jours et il essayera de trouver et d’acheter un tel livre.
Le problème se pose comment envoyer ce ‘liber usualis’ à M. Bernard-Marie sans lui causer des inconvénients. Il nous a dit qu’il connaît quelqu’un au bureau de poste à qui il peut se fier. Avez vous une suggestion?
Je voudrais bien recevoir de vos nouvelles en ce qui concerne la proposition de lui envoyer un ‘liber usualis’.
En attendant veuillez agréer, cher Monseigneur, mes sentiments les plus respectueux.
Mme Engeline Mol-Tromp
9-5-15, Akasaka, Minato-ku
Tokyo 107 / Japon
Lettre originale
Lettre de Bernard Marie au Ch. A. Lovey
(incluse dans le courrier de Mme Mol-Tromp)
Traduction
Mon révérend et très cher Mgr Lovey,
Je voulais aujourd’hui vous écrire un mot pour remercier Mgr Lovey d’avoir prié pour moi. Mon travail aujourd’hui a été un peu plus difficile, mais j’ai quand même pris le temps de vous écrire cette lettre pour vous remercier.
En ce moment, je suis en train de guérir et tout se passe bien. Je suis reconnaissant pour vos prières et espère qu’à l’avenir, tout ira mieux. Merci pour votre soutien.
Selon les instructions de l’évêque, j’ai continué à m’acquitter de mes tâches malgré ma mauvaise santé. Je vais persévérer et continuer à faire mon devoir. Je suis prêt à faire face aux défis à venir et à offrir tout mon soutien au diocèse et à vous-même.
Je prierai pour que Dieu continue à vous bénir et à guider toutes vos actions. Si vous avez d’autres nouvelles de l’Église, je serais heureux de les recevoir.
Avec mes salutations respectueuses,
Bernard Marie
Réponse du Père A. Lovey à Mme Mol-Tromp
Martigny, le 17-10-1998.
Honorée Madame,
La Posta a bien fonctionné puisque j’ai reçu ce matin votre lettre du 14 oct. dont je vous remercie infiniment.
Ca été une grande et joyeuse surprise de recevoir par votre canal des nouvelles d’une personne qui m’est très chère. En effet, Bernard Marie, Ho Tse Kiang de son nom chinois, Adjrou pour ses intimes, c’est moi qui l’avait conduit au petit séminaire de Houa-lo-pa où enseignait le futur martyr, le Bx. Maurice Tornay.
A l’époque, Adjrou n’était pas encore baptisé car il était de famille païenne; seul son frère aîné était devenu chrétien pour épouser une fille de famille catholique.
Il voulait devenir prêtre, parce que plusieurs garçons de son village étudiaient à Houa-lo-pa en vue du sacerdoce. A cause de notre expulsion de Chine, le petit séminaire fut fermé sans espoir de réouverture; un seul séminariste a été ordonné prêtre, non pas du temps de notre présence en Chine, mais en 1987, à l’âge de 62 ans et après avoir fait 20 ans de camp de travail forcé et avoir subi bien d’autres vexations.
Bernard Marie, qui était moins avancé dans ses études, renonça malgré lui au sacerdoce et se maria. Il eut 2 enfants, maintenant adultes et probablement mariés, je ne saurais le dire. Son épouse vit encore; avec l’un de ses enfants ou dans sa famille? Je n’en sais rien.
Mais Bernard Marie pourrait être ordonné tout comme l’Eglise ordonne des ex-pasteurs protestants en les laissant vivre en famille, comme le font la plupart des popes de l’Eglise orthodoxe.
Prions pour que Dieu lui tende la perche qui lui permettra d’accéder au sacerdoce, vu la pénurie de prêtres dans d’immense région de la Chine.
Le prêtre de Tali a été envoyé de Kunming, parce qu’à Tali il n’y avait plus de prêtres ni d’évêques pour en ordonner. Terrible croix pour nos catholiques!
Que Marie, Reine de Chine, fasse que les affaires s’arrangent entre la Chine et le Vatican et que cesse la guerre entre l’Eglise officielle et l’Eglise des catacombes en Chine.
Vous me demandez mon avis pour l’envoi éventuel du ‘liber usualis’ en plain-chant. Je pense que vous pourriez le faire en envoyant en Recommandé. J’ai moi-même déjà empaquetté un ‘Graduale’ en plain-chant, lequel contient toutes les mélodies des messes dominicales et festives de l’année. Des anciens missionnaires de Tali, qui se sont rendus à Tali en avril dernier, m’ont assuré que les contrôles aux douanes étaient quasi inexistants.
Veuillez agréer, Honorée Madame, pour votre époux également, mes bien respectueuses salutations.
Angelin-Maurice Lovey C:R:B:
ancien Abbé-Prévôt deu Gd-St-Bernard