XXIII. Rencontre avec un Père
Journal d’un catholique thibétain
Dix jours après mon entrée en prison, un officier vient faire l’inspection de la prison. Arrivé près de moi, il aperçoit la croix que je porte sur ma poitrine et me demande:
«Etes-vous chrétien?» Je lui réponds: «Je suis un catholique tibétain. A cause des chambardements, des règlements de compte et des jugements populaires perpétrés par le régime communiste, je n’ai plus la possibilité de séjourner chez moi. J’ai fui mon pays et je suis venu en Birmanie. Ici, sans motif, ni raison majeure, les officiels m’ont mis en prison.»
«Ne te fais pas trop de mauvais sang!»
Il me dit: «Ne te fais pas trop de souci! Le responsable de cette prison est catholique. Il peut certainement t’aider. L’Eglise catholique se trouve dans les environs et plusieurs Pères y résident. Si tu désires rencontrer un Père, je peux te rendre ce service.» Tout joyeux, je lui réponds: «Merci beaucoup! Je désire vivement rencontrer un Père, mais je n’en ai pas les moyens. Actuellement, je ne peux compter que sur vous. Rendez-moi ce service, s’il vous plaît!» Sur ce, il inscrit mon nom, mon village et ma province d’origine. En me quittant, il me dit: «Ne te fais pas trop de mauvais sang!»
Deux jours plus tard, en début de matinée, un garde ouvre la porte de la prison et crie: «Zacharie! Il y a deux personnes qui sont venues te rendre visite. Sors rapidement!» Avec joie, je quitte la prison et aperçois deux femmes, debout devant le bureau du chef de la prison. Elles me fixent du regard et me demandent: «Es-tu catholique?» Puis, elles me tendent un chapelet et ajoutent «Sais-tu prier avec l’aide d’un rosaire?» Je sors alors le chapelet que je porte avec moi. Je le leur montre et je leur dit: «Naturellement, j’aime réciter le rosaire». Sur ce, elles m’offrent leur chapelet et trois kyats (monnaie birmane). En partant, elles me font cette recommandation: «Sois confiant! Nous parlerons de toi avec les Pères.»
Après que le Père eut parlé avec le responsable de la prison, ce dernier est très aimable avec moi et me traite comme un de ses proches.
Bien qu’il n’aie pas le pouvoir de me rendre la liberté, il souhaite me libérer et prend soin de moi. Chaque fois, lors de l’inspection hebdomadaire, il s’approche de moi; il me demande si tout va bien pour moi et si je suis en bonne santé.
La messe du dimanche
Chaque dimanche lui-même ou l’un de ses enfants me conduit jusqu’à l’église. Après la messe, il m’emmène chez lui, me permet d’utiliser sa salle de bain et m’invite à manger. Ensuite, il me reconduit en prison. Bien que le règlement l’interdise, il me permet de porter des souliers en prison. Les gardes sont bien intentionnés à mon égard et aucun truand n’ose me toucher. Ainsi, après avoir rencontré ce Père, mes tourments disparaissent et je suis en paix.
Passage des ténèbres à la lumière
A peu près une heure plus tard, un garde crie à nouveau: «Zacharie! Sors! Il y a quelqu’un qui désire te rencontrer.» Immédiatement, je sors de la prison. J’aperçois le chef de la prison debout devant son bureau en train de s’entretenir avec un Père. En me voyant, le Père me tend la main et me salue cordialement. Ma joie de pouvoir finalement rencontrer un Père est si grande que mes larmes se mettent à couler. Je le prie de me venir en aide afin que je ne sois pas renvoyé en Chine. Le Père me répond: «Sois sans crainte! Je t’aiderai. Désires-tu participer à la messe? Te rappelles-tu, je t’ai déjà contacté, alors que tu étais encore à Putao?» Je déduis alors que la femme qui était venue me trouver au camp militaire de Putao avait été envoyée par ce Père.
Le Père et le chef de prison discutent longuement. Puis le Père me dit: «Dorénavant, tu peux venir assister à la messe, en compagnie de cet officier. Il est d’accord.» Sur ce, il me serre la main, puis s’en retourne chez lui. Alors, ma douleur me quitte. C’est comme de passer des ténèbres à la lumière. Enfin, mon cœur est en paix!