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AMBROSI – CHAPITRE 1

Diocèse de Kangting soit de Sion

INFORMATION, c. à. d. plaidoirie ou thèse de l’Avocat Monsieur Dr. Andrea Ambrosi au sujet de la Béatification ou Déclaration du martyre du Serviteur de Dieu MAURICE TORNAY.

Prêtre et Profès de L’Ordre saint et Apostolique des Chanoines Réguliers de Saint Augustin de la Congrégation des Saints Nicolas et Bernard de Mont-Joux
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Au sujet du doute : la preuve du martyre existe-t-elle dans ce cas et en vue de l’objectif dont il s’agit ?   (Traduction de l’italien par Mgr Angelin Lovey Vice-Postulateur de la Cause. )
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Eminentissimes et Révérendissimes Cardinaux, Révérendissimes Théologiens Consulteurs,

1.) C’est pour moi un vrai honneur d’avoir reçu la charge de démontrer par les preuves contenues dans les Actes des Procès et dans les documents annexes, que le Serviteur de Dieu Maurice Tornay, chanoine régulier du Grand-Saint-Bernard, a accepté volontairement de verser son sang en vue de défendre la foi catholique, c’est-à-dire pour affirmer que son appartenance exclusive à Dieu ne lui permettait pas de se prêter à aucun genre de marchandage.

De fait, Maurice Tornay fut appelé au sacrifice de sa vie alors qu’il était encore bien jeune et pleinement engagé dans une fructueuse activité missionnaire. Il était né, le 31 août 1910, dans le Canton suisse du Valais et il fut tué, le 11 août 1949, dans une embuscade près de la frontière sino-tibétaine.

2. ) Avant de me plonger dans le coeur de ma démonstration, qu’on me permette de présenter deux chapitres préliminaires que je considère comme très utiles et même nécessaires pour un encadrement précis, soit de la figure morale de Maurice Tornay, soit de la réalité thibétaine, qu’il me semble devoir évoquer dans ses lignes essentielles.

Chapitre 1   Le martyre couronnement idéal de la spiritualité typique du Serviteur de Dieu.

3. ) Chanoine régulier du Grand-Saint-Bernard, Maurice Tornay obtint de ses supérieurs la permission de partir en mission, précisément dans les Marches tibétaines du Yunnan, avant même d’avoir achevé ses études théologiques. C’était en février 1936; là-bas, il poursuivit ses études, y compris l’apprentissage du chinois et du tibétain. Puis, il fut ordonné prêtre en avril 1938.

De retour dans le champ missionnaire qui lui était assigné, le Serviteur de Dieu fut immédiatement chargé du probatoire-petit séminaire de Houa lo-pa, situé près de Weisi où, durant sept ans, il s’efforça d’instruire et de donner de l’étoffe à une bande de sauvageons, ainsi qu’il les appelait lui-même, dans l’espoir d’en faire des prêtres ou au moins des catéchistes capables d’évangéliser à leur tour d’autres membres de leur peuple.

Durant les années de la deuxième guerre mondiale, 1939 – 1945, le Serviteur de Dieu dut affronter d’incroyables difficultés dues soit en général au manque de ressources, soit en particulier à la disette exceptionnelle qui sévissait dans la région avoisinante. Durant ces tristes difficultés, il partageait la maigre pittance de ses élèves et souvent il se dépouilla de ses habits et de son couchage pour les leur donner.

La guerre n’avait pas encore prit fin quand Maurice Tornay fut désigné comme successeur du Père Burdin, des Missions Etrangères de Paris, dans la charge de Curé de Yerkalo, paroisse située dans le Tibet indépendant avant que le pays fût envahi par les communistes chinois. Là, le pouvoir temporel se trouvait entre les mains des lamas, même si ceux-ci pouvaient le déléguer à des gouverneurs et autres fonctionnaires civils. Or les lamas, jaloux de leur pouvoir absolu, se sont toujours montrés hostiles au christianisme comme est là pour le démontrer la douloureuse mais glorieuse histoire de la Mission du Tibet, dès sa fondation en 1864, ainsi que cela sera relevé en temps voulu. (Cf. Informatio, p. 42)

C’est ainsi qu’à peine arrivé à Yerkalo, le Père Tornay fut la cible de l’animosité et de la persécution ouverte de la part des lamas. Puis ceux-ci parvinrent à l’expulser manu militari, dès janvier 1946, puis à nouveau quatre mois plus tard, lorsqu’il tenta de reprendre possession de son poste. Dans l’intervalle, tous les chrétiens – lesquels avaient fait preuve d’un grand zèle pour suivre leur pasteur – reçurent l’ordre catégorique d’apostasier, de revenir au bouddhisme et d’en observer publiquement les rites et les fêtes. Leurs jeunes garçons furent arrachés à leurs familles respectives et emmenés à la lamaserie voisine pour être formés à la ‘vocation’ de futurs lamas.

On peut facilement imaginer la douleur et l’indignation du Serviteur de Dieu. Il sollicite l’appui de son évêque, du nonce apostolique en Chine et de toutes les autorités consulaires susceptibles de l’aider. Malgré leur énergique intervention auprès du gouvernement chinois, celui-ci fut incapable de faire entendre sa voix à Lhassa, car il était aux prises avec la subversion communiste qui aboutira, le 1er octobre 1949, à la proclamation de la République Populaire à Pékin de la part de Mao Tse-tung.

Voyant ainsi que les efforts diplomatiques n’aboutissaient à rien, Mau-rice Tornay se mit en route pour Lhassa, persuadé que son affaire ne pourrait trouver une solution que dans la capitale tibétaine. L’Internonce, Mgr Riberi, l’avait positivment encouragé à entreprendre cette démarche.

Mais les lamas de Yerkalo avaient été informés par leurs espions du départ du Père Tornay pour Lhassa et, bien persuadés du succès de sa démarche, ils lancèrent sur ses traces deux hommes armés, munis d’un ordre écrit dans le but de le ramener à son point de départ, mais en réalité pour le faire tomber dans une embuscade où quatre lamas l’abattirent avec Doci, l’un de ses domestiques; les deux autres qui réussirent à s’enfuir apportèrent la triste nouvelle au Père Savioz à la résidence d’Atentze.

4. ) Tout ce que j’ai sommairement exposé jusqu’ici, je crois que ce serait suffisant pour mettre en évidence que la foi en Dieu et en la vie éternelle fut la grande pensée inspiratrice de la vie et de la mort de Maurice Tornay. En conséquence, je me sens en droit d’affirmer que le martyre à la rencontre duquel il marchait, a été le couronnement idéal de sa spiritualité typique.

Afin d’approfondir le sens de ces dernières paroles, il me parait opportun d’insérer ici un passage de l’homélie que Son Exc. Mgr Nestor Adam, évêque de Sion, prononça, le 31 mars 1963, pour la clôture du Procès informatif qui s’était déroulé dans son diocèse. Parmi les nombreuses affirmations au sujet d’une attitude spirituelle qui devait nécessaire-ment aboutir à une généreuse immolation, l’idée me parait très heureuse d’attribuer au Serviteur de Dieu le rôle de figure exemplaire, lumineuse et très actuelle. Voici le passage qu’il semble intéressant de rapporter ici:

COURIR POUR DIEU

“Maurice Tornay a été un homme d’une foi profonde; c’est la foi qui l’a poussé à quitter son pays et à s’en aller dans les Marches Thibétaines annoncer la Bonne Nouvelle aux païens. Son âme ardente et généreuse, éprise de perfection, cherchait Dieu à tout prix dans l’immolation et le sacrifice. Il aurait pu, au moment de la persécution, battre en retraite, se résigner à abandonner ses chrétiens de Yerkalo, demeurer en lieu sûr, se mettre hors d’atteinte de ceux qui en voulaient à sa vie. Mais, comme le Bon Pasteur, il va à la rencontre de la brebis perdue. Il tente l’impossible pour rejoindre son poste. Il s’aventure jusqu’à Lhassa, dans l’espoir d’obtenir justice. Il n’ignore pas que ce voyage pourait lui coûter la vie; il l’entreprend quand même, après avoir frappé à toutes les portes, épuisé tous les moyens humains”.

“Ce soir, contemplons-le au moment suprême, en cet instant unique où il donne sa vie pour ses brebis, dans un acte héroïque d’amour parfait.
La dernière nuit, il la passe en prière, canne Notre-Seigneur au jardin des Oliviers. Fortifié par la grâce d’en-haut, le voici prêt au sacrifice. En pleine montagne, quatre lamas aux aguets déchargent sur lui leur arme meurtrière. Frappé à mort, il a le courage, avant de s’écrouler de tracer le signe de la croix, en guise d’absolution, sur son compagnon Dossy gisant à terre, et aussi en guise de bénédiction sur le pays tibétain, pour lequel il meurt. Telle est la dernière vision qui nous reste du Serviteur de Dieu: nous le contemplons à genoux traçant le signe de la Rédemption pour une bénédiction suprême. Et on pense aux paroles du Christ mourant: ‘ Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font “.

“Dans la dernière lettre que nous conservons de lui, le Serviteur de Dieu n’avait-il pas écrit ces paroles significatives: ‘ Qu’il me soit fait selon la volonté de Dieu ‘? D’avance, il avait fait le sacrifice de sa vie, en l’offrant pour ses chers paroissiens de Yerkalo”.

“Imitateur du Christ par son martyre sanglant, Maurice Tornay est un exemple lumineux et très actuel. Son témoignage est pour nous tous une leçon à recueillir et à méditer; de sa mort glorieuse se dégagent de multiples enseignements d’ordre spirituel”.

OEUVRE DE CHRISTIANE

“Nous retiendrons, entre tous, celui de la primauté absolue de la vie éternelle sur toutes les valeurs temporelles. ‘ Celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi, la sauvera Que sert à l’homme de gagner l’univers entier, s’il vient à perdre son âme? Que pourra donner l’homme en échange de son âme? Car le Fils de l’homme va venir dans la gloire de son Père, avec ses anges, et alors Il rendra à chacun selon ses oeuvres. ‘(Mat. 16, 25-27).

Extrait tiré de “Radiographie d’une âme” de l’Avocat Dr Andrea Ambrosi – plaidoirie

DMC